Les oeuvres de Bernard Lonergan
Pour une méthode en théologie: ch. 8 - L'histoire

 

DEUXIÈME PARTIE

Esquisse des fonctions constituantes

 

8

L'histoire

Le mot histoire a deux sens : 1) l'histoire dont on fait le récit, et 2) le récit lui-même. L'histoire écrite (second sens) vise à exprimer une connaissance de l'histoire vécue (premier sens).

La nature et l'objet précis de la recherche historique sont loin d'être clairs. Ce n'est pas qu'il manque de bons historiens ou que ceux-ci n'aient pas, à tout point de vue, bien appris leur métier. La raison de cet état de choses vient principalement de ce que le savoir historique est un cas de connaissance et que peu de gens sont en possession d'une théorie satisfaisante de la connaissance1.

1. Nature et histoire

Notre première étape consistera à exposer les différences fondamentales qui existent entre l'histoire et les sciences de la nature. Pour ce faire, nous partirons de quelques réflexions sur le temps.

On peut penser au temps à partir de questions du genre que voici : « Quelle heure est-il, quelle date est-ce, y a-t-il longtemps, cela fait combien de temps ? » Ces questions nous orientent vers la définition aristotélicienne voulant que le temps soit le nombre ou la mesure déterminée par les phases successives et égales du mouvement local. C'est un nombre quand on répond : « Il est trois heures », ou encore : « Nous sommes le 26 janvier 1969 ». On peut pousser plus loin cette ligne de pensée en se demandant s'il existe un temps unique pour l'univers ou s'il y a autant de temps distincts qu'il y a de mouvements locaux distincts. Or dans le système ptolémaïque, il existait un temps unique standard pour l'univers entier, puisque la plus extérieure des sphères célestes, le primum mobile, renfermait l'univers matériel et constituait la source première de tout mouvement local. Quand la théorie copernicienne s'imposa, la notion de primum mobile disparut, mais celle de temps unique standard demeura. Pour justifier sa survivance, Newton distingua le mouvement réel du mouvement apparent et il conçut le mouvement réel comme relatif à l'espace absolu et au temps absolu. Enfin, avec Einstein, le temps absolu de Newton disparut et fit place à des temps standards aussi nombreux qu'il existe de systèmes de référence inertiels en mouvement les uns par rapport aux autres2.

Cette notion de temps que nous venons de toucher est certainement d'une grande importance pour l'histoire, car elle lui permet de dater les événements. Cependant, elle n'explique pas de façon adéquate ce qu'est le temps, car elle se limite à nombrer, à mesurer et à mettre en relation, dans une vision englobante, tout ce qui peut se nombrer et se mesurer. D'ailleurs, c'est cet aspect du temps qui suggère l'image d'une suite d'instants indivisibles par laquelle on se le représente mais qui ne correspond guère à l'expérience que nous en avons.

Heureusement, à part ces questions sur le temps auxquelles on répond en termes de nombres et de mesures, on rencontre un autre ensemble de questions bien différentes concernant le maintenant. Aristote se demande s'il existe une succession de maintenant ou bien un seul maintenant. Et il répond par une comparaison : de même que le temps est la mesure du mouvement, ainsi le maintenant correspond au corps qui est en mouvement. Dans la mesure où il y a succession, on note une variation dans le maintenant. Mais la relation entre ces différences est assurée par l'identité du substrat3.

Ainsi, cette attention à l'identité du substrat, au corps même qui est en mouvement, enlève de la notion du temps le caractère complètement extrinsèque de chaque moment par rapport au suivant. Bien sûr, chaque moment successif se révèle différent, mais au cœur même de la différence il existe une identité.

Avec cet indice, nous pouvons passer à notre expérience du temps. D'une part, nous remarquons une succession dans le courant de la conscience et des actes intentionnels ; d'autre part, nous trouvons une identité dans le sujet conscient de ses actes ; et du côté de l'objet visé par les actes, il peut y avoir soit identité soit succession. C'est pourquoi l'analyse peut découvrir que ce qui est réellement visible, c'est une succession de différents profils ; mais l'expérience révèle que ce qu'on perçoit, c'est la synthèse (Gestalt) des profils en un unique objet. De même, l'analyse peut découvrir que les sons produits constituent une succession de notes et d'accords ; mais l'expérience révèle que ce qu'on entend, c'est leur synthèse, à savoir une mélodie. Il en résulte ce qu'on appelle le présent psychologique, qui ne se ramène ni à un instant ni à un point mathématique, mais qui s'avère un laps de temps, de telle sorte que notre expérience du temps ne prend pas la forme d'une suite d'instants, mais celle d'une succession tantôt paresseuse, tantôt rapide, de laps de temps qui chevauchent les uns sur les autres. Le temps d'une expérience apparaît long et ennuyant quand les objets expérimentés changent lentement et de manière prévisible. Mais le temps prend l'allure d'un tourniquet quand les objets expérimentés changent rapidement ainsi que de manière nouvelle et inattendue.

Qu'il soit lent et long, ou rapide et court, le présent psychologique pénètre dans le passé par ses souvenirs et dans le futur par ses anticipations. Celles-ci ne se réduisent pas aux objets prospectifs de nos peurs et de nos désirs, mais comprennent aussi les estimations judicieuses de l'homme d'expérience ou les prévisions rigoureusement calculées des sciences appliquées. Et en ce qui concerne le passé, aux souvenirs individuels s'ajoutent les souvenirs partagés par le groupe, que célèbrent des chants et des récits, que préservent des narrations écrites, des pièces de monnaie et des monuments ainsi que tous les autres vestiges de paroles et d'actes collectifs laissés à la postérité. C'est le champ de la recherche historique.

Or le caractère particulier de ce champ provient de la nature de l'action individuelle et collective. Celle-ci possède à la fois un aspect conscient et un aspect inconscient. Sauf dans les cas de névrose et de psychose, une certaine maîtrise s'exerce par l'aspect conscient de l'action. Celui-ci consiste en ce courant d'actes conscients et intentionnels dont nous n'avons cessé de parler depuis notre premier chapitre. Ce qui différencie chacun de ces actes, il faut le chercher dans les multiples incarnations de la signification, comme nous l'avons exposé au chapitre trois. La signification s'avère ainsi cet élément constitutif du courant de conscience qui rend possible une certaine maîtrise de l'individu sur son action. C'est précisément ce rôle constitutif de la signification dans le contrôle de l'action humaine qui fonde l'originalité du domaine ouvert à la recherche historique.

Si la signification peut concerner le général et l'universel, il reste que la plupart des pensées, des discours et des actions des êtres humains portent sur du particulier et du concret. En outre, la signification comporte des invariants structuraux et matériels, mais elle peut subir des changements qui affectent la façon dont on utilise ses supports, la façon dont on combine ses éléments, la façon dont ses domaines s'agrandissent, ainsi que la façon dont ses phases se déploient, rencontrent des résistances, acceptent des compromis ou se désintègrent. Il faut mentionner enfin les autres vicissitudes que connaît la signification en tant que commune à plusieurs individus. Car la signification devient commune dans la mesure où existe et fonctionne une communauté, c'est-à-dire dans la mesure où l'on trouve un champ commun d'expérience, une compréhension commune et complémentaire, des jugements communs ou tout au moins l'acceptation des désaccords, et finalement des engagements communs et complémentaires. Mais il arrive que les gens perdent contact les uns avec les autres, qu'ils ne réussissent plus à se comprendre, qu'ils soutiennent des vues radicalement opposées et s'engagent dans la réalisation d'objectifs incompatibles les uns avec les autres. Dès lors, la signification commune s'amenuise, se confine à des banalités et finit par laisser la place à la guerre idéologique.

C'est dans ce champ des paroles et des actions signifiantes que l'historien se trouve engagé. Bien sûr, ce n'est pas à lui mais à l'exégète de déterminer ce que les gens ont voulu dire. Comme il envisage un objet tout à fait différent, l'historien ne se contente pas de comprendre ce que les gens ont voulu dire, mais il cherche à saisir ce qui se préparait dans des groupes particuliers, à des endroits et à des moments précis. En employant l'expression ce qui se préparait (going forward), je veux exclure ce qui relève de la simple répétition d'une manière de faire et viser plutôt le changement qui se trouve à l'origine d'une nouvelle manière de faire et qui explique sa diffusion. Je veux également parler de processus et de développement et, tout autant, de déclin et de désintégration. Quand les choses prennent une tournure inattendue, les gens pieux disent : « L'homme propose, Dieu dispose ». En cherchant justement à voir comment Dieu dispose des événements, l'historien n'a pas recours à la spéculation théologique ou à une dialectique de l'histoire mondiale, mais il observe les agents humains particuliers. En termes littéraires, on peut dire que l'histoire concerne le drame de la vie, ce qui résulte de l'intervention des personnages, de leurs décisions et de leurs actions, et non seulement de ce qu'ils ont fait, mais aussi de leurs défauts, de leurs absences d’insight et du fait qu'ils n'ont pas agi. Du point de vue militaire, l'histoire ne concerne pas simplement les plans de bataille des commandants qui s'affrontèrent, ni simplement l'expérience du combat que possédait chaque soldat ou chaque officier, mais elle concerne aussi le cours réel de la bataille en tant que résultant de plans opposés qui furent exécutés tantôt avec succès, tantôt sans succès. Bref, là où l'exégèse se préoccupe de déterminer ce qu'une personne particulière a voulu dire, l'histoire cherche à établir ce que, dans la plupart des cas, les contemporains d'une époque ignorent. Car ceux-ci ne savent généralement pas ce qui se prépare, d'abord parce que l'expérience demeure une chose individuelle alors que les données de l'histoire proviennent de l'expérience de plusieurs ; ensuite parce que le cours réel des événements ne résulte pas seulement de ce que les gens visent, mais aussi de leurs chances d’insight, de leurs erreurs et du fait qu'ils n'ont pas agi ; troisièmement parce que l'histoire ne prédit pas ce qui se produira mais, au contraire, qu'elle arrive à ses conclusions à partir de ce qui s'est effectivement produit ; enfin parce que son rôle ne se ramène pas à mettre ensemble et à vérifier tous les éléments de preuve disponibles, mais qu'il exige un certain nombre de découvertes interdépendantes qui font la lumière sur les points importants et les facteurs en cause.

On peut maintenant percevoir en quoi l'étude de l'histoire diffère de celle de la physique, de la chimie ou de la biologie. Ces deux types de connaissance se distinguent par leur objet, puisque celui de la physique, de la chimie ou de la biologie n'est pas partiellement constitué par des actes de signification. Il existe pourtant une ressemblance entre ces deux sortes de disciplines dans la mesure où toutes deux consistent en un processus dynamique de découvertes cumulatives, c'est-à-dire en une suite d’insights ou d'actes de compréhension originaux ; et par insight ou acte de compréhension, j'entends un événement prépropositionnel, préverbal et préconceptuel, en ce sens que les propositions, les mots et les concepts, qui expriment le contenu de cet événement, ne le précèdent pas mais, au contraire, en découlent. Cependant, au niveau de l'expression d'un ensemble donné de découvertes, une différence se présente entre ces deux types de disciplines. On exprime en effet les découvertes de la physique, de la chimie ou de la biologie au moyen d'un système universel et, si l'on constate que ce dernier ne rend pas compte d'un cas particulier significatif, on le réfute. Mais l'historien, pour sa part, exprime ses découvertes au moyen de narrations et de descriptions qui portent sur des personnes, des régions et des périodes bien particulières. Ces découvertes ne prétendent aucunement à l'universalité : elles peuvent, bien sûr, nous aider à comprendre des personnes, des lieux et des périodes autres que celles dont traite l'historien ; mais la question de savoir si, en fait, elles sont pertinentes et dans quelle mesure elles le sont, ne peut être réglée que par une investigation historique portant sur ces autres personnes, ces autres lieux et ces autres périodes. Enfin, en raison même de cette absence de prétention à l'universalité, les découvertes des historiens ne se vérifient pas selon la manière propre aux sciences de la nature ; en histoire, la vérification ressemble plutôt aux procédés par lesquels on juge de l'exactitude d'une interprétation.

Tournons-nous maintenant vers les sciences humaines comme la psychologie et la sociologie. Deux cas se présentent. D'une part, ces sciences peuvent se modeler sur les procédés des sciences de la nature. Pour autant qu'elles utilisent rigoureusement cette approche, elles ne tiennent pas compte de la signification qui se trouve présente dans les paroles et les actions humaines et elles se contentent de considérer l'aspect inconscient du processus humain. Dans ce cas, les relations entre l'histoire et les sciences humaines ressemblent beaucoup aux relations qui existent entre l'histoire et les sciences de la nature. Mais, d'autre part, beaucoup de psychologues et de sociologues admettent que la signification est un élément constitutif de l'action humaine et qu'elle y exerce habituellement une fonction de contrôle. L'historien leur reconnaît alors une compétence pour tout ce qui, dans les paroles et les actions humaines, se rattache à des manières de faire qui se répètent et tout ce qui, dans la genèse, le développement et la désintégration de ces manières de faire, manifeste une certaine universalité. C'est pourquoi, plus un historien connaîtra la psychologie et la sociologie, plus il accroîtra sa capacité de bien interpréter. Et réciproquement, plus les travaux des historiens auront de la valeur, plus ils permettront aux psychologues et aux sociologues d'avoir accès, pour leurs recherches, à un vaste champ d'éléments de preuve portant sur ce que les êtres humains expriment et accomplissent4.

2. Expérience historique et connaissance historique

La connaissance humaine, telle que je la conçois, ne se réduit pas simplement à l'expérience, mais s'avère un tout composé d'expérience, de compréhension et de jugement. Dès lors, pour qu'il existe un savoir historique, il doit y avoir une expérience historique, une compréhension historique et un jugement historique. Notre intention présentement est de dire un mot, d'abord de l'expérience historique, puis du processus de pensée qui va de l'expérience historique à la rédaction de l'histoire.

Nous avons déjà donné une description du sujet immergé dans le temps. D'une part, nous avons dit que le sujet demeure toujours identique à lui-même. D'autre part, ses actes conscients et intentionnels ne cessent pas pour autant de changer d'orientation et c'est ce qui fait que son maintenant quitte le passé pour entrer dans le futur, tandis que le champ des objets qui retiennent son attention peut varier énormément ou imperceptiblement, rapidement ou lentement. En outre, le présent psychologique du sujet, en plus d'être un laps de temps au lieu d'être un instant, est également le lieu où le sujet peut atteindre le passé au moyen des souvenirs, des récits et de l'histoire, et le futur par l'entremise des anticipations, des estimations et des prévisions.

On entend dire parfois que l'être humain est un être historique. Pour saisir plus vivement le sens de cette affirmation, nous pouvons avoir recours à une hypothèse. Supposons qu'un homme souffre d'amnésie totale. Il ne sait plus qui il est, il ne parvient plus à reconnaître sa parenté ou ses amis, il ne se rappelle plus ses engagements et ses attentes légitimes, il ne sait plus où il travaille et comment il gagne sa vie, et il a même perdu l'information nécessaire pour accomplir ses tâches habituelles. De toute évidence, s'il veut continuer à vivre, il doit ou bien se guérir de cette amnésie, ou bien tout recommencer à neuf. Car notre passé nous a faits tels que nous sommes et nous avons à vivre de ce capital si nous ne voulons pas repartir à zéro. En outre, ce que nous disons de l'individu, à savoir qu'il constitue une entité historique, vivant de son passé, nous devons également le dire du groupe. En effet, supposons que tous les membres d'un groupe souffrent d'amnésie totale. Il s'ensuit une désintégration au plan du fonctionnement du groupe qui est aussi totale que celle qu'on observe chez chaque individu. Nous devons donc reconnaître que les groupes, eux aussi, vivent de leur passé et que ce passé continue à vivre en eux. Et la façon dont se réalise actuellement le bien qu'est l'organisation dépend en majeure partie de la façon dont il s'est réalisé dans le passé et seulement pour une part infime des efforts secondaires qui s'imposent maintenant pour garder les choses en marche et, quand c'est possible, les améliorer. C'est pourquoi, repartir à zéro signifierait retourner à une époque très reculée.

Je ne cherche pas ici à donner une description médicale de l'amnésie. J'essaie tout simplement de montrer l'influence du passé sur le présent et, de cette façon, de communiquer ce qu'on veut dire par l'expression : l'être humain est un être historique. Mais ce qui est historique, c'est l'histoire dont on cherche à faire le récit. On peut, si on la considère de l'intérieur, lui donner le nom d'histoire existentielle – cette tradition vivante qui nous a formés et nous a conduits au point où nous avons été en mesure de nous former nous-mêmes5. Cette tradition comprend à tout le moins des souvenirs individuels et collectifs du passé, des récits d'exploits et des légendes héroïques, bref, un bagage historique suffisant pour qu'un groupe puisse se trouver une identité comme groupe et pour que des individus apportent leurs diverses contributions au maintien et au progrès du bien qu'est leur organisation commune. À partir de cette histoire rudimentaire contenue dans toute histoire existentielle et toute tradition vivante, nous devons maintenant essayer d'indiquer la démarche par laquelle on peut arriver à saisir ce que renferme la notion d'histoire scientifique6.

Cette démarche consiste généralement en un processus d'objectivation. Commençons donc par les cas, plus simples, de l'autobiographie et de la biographie avant de passer aux questions d'histoire, plus complexes, concernant les groupes.

Pour écrire une autobiographie, il faut d'abord commencer par tenir un journal. Ainsi, jour après jour, une personne enregistre, non pas tous les événements qui se produisent – elle n'a pas que cela à faire – mais ce qui lui semble important, significatif, exceptionnel ou nouveau. C'est pourquoi elle doit sélectionner, abréger, se contenter d'esquisses ou d'allusions, omettant en majeure partie ce qui apparaît trop ordinaire pour être noté, trop évident pour être mentionné ou ce qui se reproduit trop souvent pour qu'il vaille la peine de le relever.

Or à mesure que les années passent et que le journal devient volumineux, le coup d'œil rétrospectif s'élargit. Certaines choses qu'on ne pouvait tenir autrefois que pour de lointaines possibilités se sont maintenant réalisées. Des événements du début qui semblaient pourtant insignifiants se sont avérés très importants, alors que d'autres, qu'on avait crus importants, se sont révélés tout à fait secondaires. On se rappelle alors les événements du début qu'on a négligés et on s'efforce de les intégrer, à la fois pour fournir le contexte de la période initiale, qu'on a omis de présenter, et pour rendre plus intelligibles les événements qui ont suivi. Il faut enfin compléter, nuancer ou corriger ses jugements originels. Quand une personne essaie de faire tout cela, elle passe de la simple tenue d'un journal à la rédaction de ses mémoires. Elle se met à compléter ses sources en adjoignant au journal toutes les lettres et tout le matériel sur lesquels elle peut mettre la main. Elle scrute ce que sa mémoire a retenu, elle soulève des questions et elle commence à reconstituer en imagination son passé et à dépeindre les différents Sitz im Leben d'autrefois, pour trouver des réponses et faire face à de nouvelles questions qui surgissent à la suite de ces réponses. Comme dans le travail d'interprétation, il faut, ici également, élaborer graduellement les contextes, ces faisceaux limités de questions et de réponses, portant chacun sur un sujet déterminé tout en comportant de multiples facettes. Dans une certaine mesure, la présentation originelle, au jour le jour, qu'on trouve dans le journal, devient tout à fait désuète quand on réintègre bien des éléments qu'on avait négligés, quand on établit des liens entre ce qu'on avait d'abord simplement juxtaposé et quand on met en plein relief, à l'intérieur de perspectives qu'on ne pouvait soupçonner jusqu'alors, ce qu'on avait à peine pressenti ou retenu. Une nouvelle organisation prend forme, qui distingue une série de périodes en se basant sur les différences obvies qui se manifestent dans la façon de vivre de l'individu, dans ses préoccupations dominantes, dans ce qui constitue ses tâches et ses problèmes ; à l'intérieur de chacune de ces périodes, cette nouvelle organisation distingue des contextes, c'est-à-dire des faisceaux de questions et réponses portant sur des sujets à la fois distincts et connexes. Les périodes déterminent les sections d'une autobiographie alors que les sujets abordés déterminent ses chapitres.

La biographie, pour sa part, poursuit dans une large mesure le même but, tout en empruntant un itinéraire différent. En effet, l'auteur d'une autobiographie dit qu'il raconte « ce que j'ai vu et entendu, ce que je me rappelle, ce que j'ai prévu, ce que j'ai imaginé, ce que j'ai ressenti, ce que j'en ai retiré, ce que j'ai émis comme jugement, ce que j'ai décidé et ce que j'ai fait... ». Dans la biographie, en revanche, les énoncés passent à la troisième personne. De plus, au lieu de communiquer ce dont on se souvient ou ce qu'on s'est rappelé, le biographe doit recueillir une documentation, rassembler des éléments de preuve, reconstituer en imagination chacun des Sitz im Leben qui se sont succédé, soulever des questions bien concrètes et bien déterminées, pour être ainsi en mesure d'établir une succession de périodes formées chacune par un ensemble plus ou moins étendu de contextes reliés entre eux. En somme, il existe trois différences principales entre l'autobiographie et la biographie. D'abord, le biographe est exempt de l'embarras qui peut gêner l'autobiographe au moment de faire des révélations personnelles. Le biographe peut, en outre, faire appel à des événements postérieurs qui jettent une lumière nouvelle sur les jugements, les décisions et les actions de la personne dont il écrit la vie, et qui la font apparaître comme plus ou moins profonde, sage, prévoyante ou astucieuse qu'on n'aurait été porté à le penser. Enfin, puisque le biographe doit rendre cette personne compréhensible à une génération ultérieure, il ne doit pas simplement écrire la vie de cette personne, mais plutôt la vie et l'époque qui est la sienne.

Alors que la biographie ne présente l'époque qu'en vue de mieux faire comprendre la vie en question, l'histoire renverse cette perspective. L'attention se centre alors sur un champ commun que chacune des biographies écrites ou susceptibles de l'être n'explore qu'en partie. Ce champ commun ne se réduit cependant pas à une zone que pourraient couvrir les biographies en chevauchant les unes sur les autres. On y trouve à l'œuvre, en effet, des processus de caractère social et culturel. Ces processus ne se ramènent pas à la somme des paroles et des actions individuelles. Car les diverses formes de coopération, les intentions, les relations interpersonnelles, une organisation sociale qui remplit inégalement son rôle, les différentes réalisations collectives des valeurs et des anti-valeurs originaires et terminales, tout cela forme une unité qui se développe ou se détériore plus ou moins. C'est à l'intérieur de ces processus que nous vivons notre vie. Ordinairement nous nous contentons d'en savoir assez à leur sujet pour vaquer à nos propres affaires et accomplir nos devoirs de citoyen. Mais donner un aperçu du fonctionnement réel de l'ensemble ou d'une part notable de ces processus sur une période de temps importante, voilà ce qui revient à l'historien.

Comme le biographe, l'historien progresse, 1) à partir des données rendues disponibles par la documentation, 2) au moyen d'une reconstitution en imagination guidée par un faisceau de questions et réponses cumulatives, 3) vers la formation d'ensembles connexes de contextes limités. La base matérielle qu'il utilise est toutefois beaucoup plus étendue et sa pertinence beaucoup plus complexe et indirecte. Le centre d'intérêt passe de l'individu au groupe, de la vie privée à la vie publique, du cours de la vie d'un seul au cours des affaires d'une communauté. En même temps, le nombre de sujets pertinents s'est accru considérablement et, pour entreprendre une investigation historique sur plusieurs d'entre eux, un savoir spécialisé peut constituer un préalable nécessaire. Enfin, l'histoire elle-même devient une spécialité et les historiens une classe de professionnels ; on divise et subdivise le champ de la recherche historique ; quant aux résultats de la recherche, on les communique au cours de congrès et on les compile dans des périodiques et dans des livres.

3. L'histoire critique

Pour arriver à comprendre ce qu'est l'histoire critique, il faut d'abord commencer par expliquer ce qu'est l'histoire précritique. Aux yeux de cette dernière, la communauté s'identifie à celle qui est bien visible, c'est-à-dire celle-là même de ceux qui forgent cette histoire. Elle privilégie la narration, c'est-à-dire le récit ordonné de certains événements. Elle raconte qui a fait quoi, quand et où cela a été fait, quels en ont été les circonstances, les motifs et les résultats. Sa fonction est d'ordre pratique, car un groupe ne peut fonctionner comme groupe que s'il possède une identité, que s'il se connaît lui-même et que s'il se soucie de survivre ou, mieux, de progresser. Comme l'histoire précritique cherche précisément à susciter cette connaissance et ce souci, elle ne se réduit jamais à une simple narration de faits bruts. C'est ainsi que l'histoire précritique a d'abord une fonction artistique : elle sélectionne, ordonne et décrit, cherchant à éveiller et à soutenir l'intérêt du lecteur tout comme à le persuader et à le convaincre. Elle a également une fonction éthique : elle ne se contente pas de raconter, mais elle départage ce qui mérite d'être loué et ce qui mérite d'être blâmé. De même, elle a une fonction explicative : elle rend compte des institutions existantes en expliquant leur origine ainsi que leur développement et en les mettant en contraste avec des institutions différentes que l'on trouve en d'autres contrées. Elle a encore une fonction apologétique, en ce sens qu'elle corrige les récits faux et tendancieux qui dénatureraient le passé de son peuple et qu'elle réfute les calomnies qui proviendraient des nations voisines. Enfin, elle a une fonction prophétique : à une intelligence après coup des événements du passé, s'ajoute une anticipation de l'avenir, que complètent des recommandations venant d'une personne d'une vaste culture et d'une sagesse exempte de prétentions.

Il faut reconnaître que ce genre d'histoire précritique peut très bien, une fois qu'on en a corrigé les défauts, aider cette fonction constituante de la théologie qu'est la communication, à répondre à des besoins réels ; mais cela ne lui permet pas de satisfaire aux exigences de la fonction qu'est l'histoire. Car celle-ci, tout en faisant appel à ces quatre niveaux que sont l'expérience, la compréhension, le jugement et la décision, subordonne cependant trois d'entre eux à son objectif principal, qui est celui de juger, de résoudre des questions de fait. Elle ne s'intéresse pas à la tâche éducative, pourtant hautement importante, de communiquer aux concitoyens de l'historien ou aux membres de son église une juste appréciation de leur héritage et un juste souci de le préserver, de le développer et de le propager. Elle s'efforce plutôt d'établir ce qui s'est vraiment passé ou, selon une expression de Ranke continuellement citée, wie es eigentlich gewesen. Enfin, s'il n'est pas fait avec détachement, en dehors de toute visée politique ou apologétique, son travail cherchera fatalement à servir deux maîtres et subira alors les conséquences mentionnées dans l'Évangile7.

En outre, le travail de l'historien ne se réduit pas à dénicher des témoignages, à vérifier leur crédibilité et à enchaîner les uns à la suite des autres ceux qui se sont avérés croyables. Si son travail ne se réduit pas à cela, c'est qu'il existe une différence entre l'expérience historique et la connaissance historique. La suite des témoignages dignes de foi ne fait que reproduire l'expérience historique. Elle ne devient pas par elle-même une connaissance historique capable de saisir ce qui se préparait, ce que la grande majorité des contemporains ne savaient pas. Ainsi, plusieurs parmi les premiers chrétiens ont pu avoir une expérience fragmentaire de la manière dont se sont formés les éléments qui composent les évangiles synoptiques ; mais ce qui préoccupait un Rudolf Bultmann, c'était de dégager le processus dans son ensemble et, bien qu'il trouvât dans les évangiles synoptiques ses éléments de preuve, ceux-ci ne présupposaient cependant pas la foi en la vérité de ce qu'ont dit les évangélistes8.

En troisième lieu, seule une série de découvertes peut, à partir des expériences fragmentaires, qui constituent la source de ses données, conduire l'historien à la connaissance d'un processus dans son ensemble. Comme un détective en présence d'une série d'indices qui le laissent d'abord déconcerté, il doit découvrir dans les indices, morceau par morceau, les éléments de preuve qui lui permettront de fournir une explication satisfaisante de ce qui s'est passé.

Puisque ces éléments de preuve sont objet de découvertes, il importe de distinguer entre les éléments de preuve (evidence) potentiels, formels et actuels. Dans le premier cas, il s'agit de n'importe quelle donnée observable ici et maintenant. Un élément de preuve formel, pour sa part, est une donnée de ce genre, sauf qu'on l'utilise cette fois pour poser et résoudre une question relevant de la compréhension de l'histoire. Un élément de preuve actuel, enfin, est un élément de preuve formel que l'on invoque quand vient le temps de poser un jugement en histoire. En d'autres mots, les données, en tant qu'elles sont observables, prennent le nom d'éléments de preuve potentiels ; les données, en tant qu'elles sont observables et comprises, prennent le nom d'éléments de preuve formels ; enfin, les données, en tant qu'elles sont observables et comprises et qu'elles fondent, de plus, un jugement rationnel, prennent le nom d'éléments de preuve actuels.

Ce qui met en branle le processus, c'est une question relevant de la compréhension de l'histoire. S'arrêtant à une situation déterminée du passé, on veut comprendre ce qui se préparait. Évidemment, toute question de ce genre présuppose chez le chercheur une certaine connaissance de l'histoire. Autrement, il ne connaîtrait même pas la situation en question, pas plus qu'il ne connaîtrait le sens qu'il donne à l'expression ce qui se préparait. L'histoire se développe ainsi à partir de l'histoire. C'est de cette manière que l'histoire critique constitua un bond en avant par rapport à l'histoire précritique, tout comme celle-ci constitua un bond en avant par rapport aux contes et aux légendes. Inversement, plus quelqu'un connaît l'histoire et plus il a de données sous les yeux, plus il est en mesure de poser de nombreuses questions et plus il peut les poser de façon intelligente.

La question qui relève de la compréhension de l'histoire se pose à la lumière des connaissances antérieures et en relation avec un donné particulier. Elle peut provoquer ou non chez quelqu'un un insight qui pénètre ce donné. Si c'est le deuxième cas qui se produit, on passera à une question différente. Mais si c'est le premier cas qui se produit, on exprimera alors son insight sous la forme d'une supposition à l'aide de son imagination, et l'image qui en sortira fera surgir une question nouvelle mais connexe. Ce processus peut se reproduire ou non. Dans ce dernier cas, on est entré dans une impasse et on doit par conséquent tenter une autre approche. Enfin, si ses suppositions s'accordent parfaitement ou de très près avec de nouvelles données, on est sur la bonne piste. Les données cessent d'être simplement des éléments de preuve potentiels pour devenir des éléments de preuve formels ; on découvre ainsi peu à peu quels pourraient être les éléments de preuve.

Or si quelqu'un demeure sur une bonne piste assez longtemps, un changement survient dans sa façon de soulever des questions car, de plus en plus, les nouvelles questions lui sont suggérées par les données plutôt que par les images formées à partir des suppositions. Il doit encore soulever des questions et se montrer vigilant. Mais il s'est désormais dégagé des présupposés et des perspectives qui étaient les siens avant son investigation. Il a obtenu un insight qui pénètre suffisamment l'objet de sa recherche pour surprendre quelque chose des présupposés et des perspectives propres à l'objet lui-même. Et cette compréhension rend son approche tellement plus adéquate par rapport aux données nouvelles que ce sont celles-ci qui suggèrent elles-mêmes les nouvelles questions à introduire. Pour décrire cet aspect de la recherche historique, disons que le processus cumulatif que forment le donné, la question, l’insight, la supposition, l'image et l'élément de preuve formel est extatique. Il ne s'agit pas de l'extase passionnée que connaît le dévot, mais de l'extase sereine d'un insight qui devient de plus en plus pénétrant. Ce processus fait sortir une personne d'elle-même, pour l'amener à écarter les présupposés et les perspectives du début en lui découvrant les présupposés et les perspectives propres aux sujets examinés.

Ce même processus est à la fois sélectif, constructif et critique. Il est sélectif, car ce ne sont pas toutes les données qui passent du statut d'éléments de preuve potentiels à celui d'éléments de preuve formels. Il est également constructif, car il relie les unes aux autres les données choisies au moyen d'un ensemble de questions et réponses interdépendantes ou, pour exprimer autrement la même idée, grâce à une série d’insights qui se complètent et se corrigent les uns les autres et se fusionnent éventuellement pour former une vision unifiée embrassant un tout. Enfin, il est critique, car les insights ne se produisent pas seulement de façon directe, mais aussi à rebours (inverse). En effet, un insight direct fait qu'une personne découvre comment les choses s'agencent entre elles et murmure alors son Eureka. Mais un insight à rebours fait qu'elle s'exclame : « Comment ai-je pu être si stupide pour présumer... ? » Elle s'aperçoit que les choses ne pourront pas s'agencer entre elles, puis elle finit par découvrir, dans un insight direct, que certains éléments ne cadrent pas avec le présent contexte, mais bien avec un autre. Voilà comment on arrive à découvrir qu'un texte a été interpolé ou mutilé. C'est ainsi qu'on a retiré le Pseudo-Denys du premier siècle pour le restituer à la fin du Ve siècle : il citait Proclus. C'est également ainsi qu'un écrivain réputé devient suspect à partir du moment où l'on découvre la source de son information ; en tout ou en partie, sans avoir besoin d'une confirmation indépendante, on utilise alors son écrit comme élément de preuve, non pas en regard de ce qu'il raconte, mais – et ceci relève d'un procédé indirect se basant sur sa narration – en regard de ses intentions, de ses lecteurs, de ses méthodes, de ses omissions et de ses erreurs9.

Jusqu'ici j'ai donc attribué à ce processus unifié que constitue le développement de la compréhension, toute une série de fonctions différentes. Il a d'abord une fonction heuristique, car il fait apparaître les données pertinentes. Il a une fonction extatique, car il conduit le chercheur à délaisser ses perspectives originelles pour le faire entrer dans les perspectives réelles où il doit situer son objet. Il a également une fonction sélective, car à partir d'un ensemble de données, il sélectionne celles qui se rapportent à la compréhension que l'on vient d'obtenir. Il a encore une fonction critique, car il change l'usage qu'on fait des données ou le contexte dans lequel on les utilise, au profit d'un autre usage ou contexte, alors qu'on croyait ces données pertinentes par rapport aux tâches présentes. Enfin, il a une fonction constructive, car, il se trouve à nouer ensemble les données choisies en formant ce réseau vaste et compliqué des liens entrelacés qui se sont dévoilés au chercheur de manière cumulative à mesure que s'accroissait son intelligence du sujet.

Or – c'est là le signe distinctif de l'histoire critique – ce processus se déroule à deux reprises. Dans un premier moment, en effet, l'historien comprend de plus en plus ses sources. Dans un deuxième moment, moyennant une utilisation intelligente de ses sources ainsi comprises, il réussit de mieux en mieux à comprendre l'objet auquel elles se rapportent. Dans les deux cas, on peut parler d'un développement heuristique, extatique, sélectif, critique et constructif de la compréhension. Mais dans la première situation, l'historien se trouve à établir l'identité des auteurs, à situer leur personne et leur œuvre dans l'espace et le temps, à étudier leur milieu, à s'assurer de l'intention de leurs écrits et de l'identité des lecteurs qu'ils avaient en vue, à examiner les sources de leur information et l'utilisation qu'ils en ont faite. Plus haut, dans une section du chapitre portant sur l'interprétation, nous disions qu'il s'agissait de comprendre l'auteur, mais à cette étape-là, c'était en vue de saisir ce qu'il a voulu dire. En histoire, nous cherchons également à comprendre les auteurs des sources utilisées, mais cette fois c'est pour comprendre ce à quoi ils visaient et comment ils s'y sont pris. L'historien s'appuie sur cette compréhension pour utiliser ses sources de manière critique et pour discerner ce qui fait la force et ce qui fait la faiblesse d'un auteur, – ce qui l'amène à s'y référer en conséquence. Une fois que ce travail est terminé, il est en mesure de porter toute son attention sur l'objectif principal, à savoir la compréhension du processus dont témoignent les sources. Ainsi, alors que le développement de la compréhension se révélait auparavant heuristique, extatique, sélectif, critique et constructif en déterminant ce à quoi visaient les auteurs, il se révèle maintenant heuristique, extatique, sélectif, critique et constructif en déterminant ce qui se préparait dans la communauté.

Est-il besoin de dire que ces deux développements sont interdépendants ? D'une part, en effet, la compréhension des auteurs à laquelle parvient l'historien l'aide à comprendre les événements historiques et, d'autre part, à mesure que ceux-ci sont de mieux en mieux compris, ils suscitent chez lui des questions qui peuvent entraîner la révision de la compréhension qu'il a des auteurs et, en conséquence, la révision de l'utilisation qu'il en fait.

En outre, bien que chaque nouvel insight nous révèle d'autres éléments de preuve, nous écarte de nos perspectives initiales, nous permet de retenir ou de rejeter certaines données en faisant ressortir leur pertinence ou leur non-pertinence, et vient enrichir le tableau que nous essayons de reconstituer, toutefois, ce qui monopolise l'attention, ce n'est pas chaque insight particulier, mais plutôt le dernier insight qui survient au terme de chaque série d’insights cumulatifs ; et comme cette accumulation possède une direction et un sens spécifiques, les découvertes qu'elle suscite portent tantôt sur de nouveaux éléments de preuve, tantôt sur une nouvelle perspective, tantôt sur une sélection différente ou un rejet critique de données, tantôt sur des structures encore plus compliquées.

Jusqu'ici nous avons conçu cette structuration comme le fait de saisir, dans les données, un schème intelligible qui les relie les unes aux autres. Mais il existe un autre aspect de la question. Car ce que la compréhension saisit dans les données, elle l'exprime également en concepts et en mots. Ainsi, à partir du schème intelligible qu'il saisit dans les données, l'historien passe au schème intelligible exprimé dans la narration. Au début, cette narration se résume aux suppositions que le chercheur se marmonne à lui-même. Mais à mesure que les suppositions cessent d'être de simples suppositions, à mesure qu'elles conduisent de plus en plus à la découverte de nouveaux éléments de preuve, commencent alors à apparaître des pistes, des enchaînements, des touts interdépendants. De plus, à mesure que l'esprit de recherche réussit à ne laisser passer aucune incompréhension, à mesure qu'il attire l'attention sur ce que l'on n'a pas encore compris et qui, en conséquence, s'échappe si facilement, l'un des touts interdépendants se met à assumer le rôle de thème dominant, que l'on retrouve dans les autres touts interdépendants, et ceux-ci, de cette façon, deviennent des thèmes subordonnés. Enfin, à mesure que progresse l'investigation et que s'élargit le champ des données que parvient à maîtriser l'historien, on voit non seulement continuer à se développer une organisation de la matière en termes de thèmes dominants et de thèmes subordonnés, mais aussi surgir des niveaux d'organisation encore plus élevés. Ainsi, parmi les thèmes dominants, apparaîtront des sujets dominants qui relégueront les autres thèmes dominants au rang de sujets subordonnés ; et le sort des thèmes dominants attend la plupart des sujets dominants, à mesure que le processus d'organisation continue à se déployer, aussi bien en couvrant des domaines plus vastes qu'en atteignant des niveaux encore plus élevés d'organisation. N'allons pas croire cependant que ce processus d'organisation croissante se présente comme un progrès uniforme et continu. Certaines découvertes complètent et corrigent celles du début, et ainsi, à mesure que la compréhension se modifie, l'organisation est appelée elle aussi à se modifier. On réussit peu à peu à concevoir avec plus d'exactitude les thèmes et les sujets, et à les exprimer au moyen de formules de plus en plus heureuses. Il peut arriver qu'on étende ou qu'on restreigne la portée de leur influence. Car des éléments qu'on avait crus d'intérêt majeur peuvent avoir joué un rôle moins important et, à l'inverse, d'autres éléments peuvent sortir d'une obscurité relative et acquérir une importance considérable.

La conception exacte des thèmes et des sujets ainsi que leur expression en formules heureuses ne sont pas du tout dénuées d'importance. Elles donnent forme, en effet, aux nouvelles questions qui seront soulevées et ce sont ces nouvelles questions qui conduisent à de nouvelles découvertes. Et ne c'est pas encore tout. Peu à peu, les investigations historiques parviennent à un terme. Ceci se produit quand on a obtenu un ensemble d’insights qui mettent parfaitement le doigt sur tous les problèmes. On s'en rend compte lorsqu'on voit la source des nouvelles questions portant sur un thème ou un sujet déterminé diminuer graduellement et finir par se tarir complètement. Or le danger d'une conception et d'une formulation inadéquates ou pas très heureuses réside précisément dans le fait que la source des questions peut ou bien se tarir prématurément ou bien continuer à couler lorsqu'il n'existe vraiment plus d'autres questions pertinentes.

Il s'ensuit que les opérations cumulatives qui se trouvent à la base du développement de la compréhension possèdent non seulement une fonction heuristique, extatique, sélective, critique et constructive, mais aussi une fonction réflexive et judicative. En effet, on ne peut compléter, corriger ou réviser la compréhension acquise sur un point déterminé que si l'on peut faire, sur ce point précis, de nouvelles découvertes. Or ceci ne se produit que si d'autres questions pertinentes se présentent. C'est pourquoi lorsque, de fait, on ne trouve plus d'autres questions pertinentes, alors, de fait, le jugement sûr que l'on porte sera vrai. De même, lorsqu'à la lumière de ses connaissances, l'historien ne perçoit pas d'autres questions pertinentes, il peut dire que, au meilleur de sa connaissance, la question est réglée.

Le jugement, en histoire, possède donc un critère qui constitue en quelque sorte le point à partir duquel les éléments de preuve formels deviennent des éléments de preuve actuels. Les jugements de ce genre se répètent à plusieurs reprises au cours d'une investigation, à mesure que l'on parachève, d'abord chacune des parties secondaires de l'œuvre, puis chacune de ses parties principales. Mais en histoire critique comme dans les sciences de la nature, le contenu positif du jugement ne saurait prétendre à être plus que la meilleure opinion possible. Ceci apparaît évident aussi longtemps qu'une investigation historique se poursuit, car les découvertes ultérieures peuvent exiger une correction et une révision des découvertes précédentes. Mais ce qu'on dit des investigations qui se poursuivent, on doit aussi le dire des investigations qui, à tous égards, sont terminées.

En tout premier lieu, en effet, ne peut être exclue la possibilité de découvrir de nouvelles sources d'information qui affecteront à leur tour la compréhension et le jugement. C'est ainsi que les investigations archéologiques du Proche-Orient ancien nous aident à mieux connaître l'Ancien Testament, que les cavernes de Qumrân fournissent des documents dont les études relatives au Nouveau Testament doivent tenir compte, et que les écrits inédits trouvés à Kenoboskion nous permettent de nuancer nos affirmations portant sur la gnose.

Il existe également une autre cause de révision. En effet, ce qui place les événements du début dans une nouvelle perspective, c'est la suite des événements ultérieurs. L'issue d'une bataille, par exemple, fixe la perspective à partir de laquelle sont aperçues les étapes successives de la bataille ; dans une guerre, la victoire militaire révèle l'importance des batailles successives qui furent livrées ; les conséquences sociales et culturelles de la victoire et de la défaite permettent de mesurer les effets de la guerre. Ainsi, en général, l'histoire se manifeste comme un processus ininterrompu. À mesure que le processus se déploie, le contexte à l'intérieur duquel on doit comprendre les événements continue de s'élargir. Et à mesure que le contexte s'élargit, les perspectives changent.

Toutefois, aucune de ces sources de révision n'entraîne l'annulation pure et simple d'une œuvre accomplie antérieurement avec compétence. Les nouveaux documents complètent le tableau, éclairent ce qui était auparavant obscur, changent les perspectives, réfutent ce qui était aventureux et conjectural ; mais ils ne provoquent pas la dissolution pure et simple de tout le réseau de questions et réponses qui avait transformé l'ensemble originel des données en de multiples éléments de preuve pour le récit initial. En outre, comme l'histoire est un processus ininterrompu, son contexte ne cesse de s'élargir. Mais les effets de cette extension ne se révèlent ni universels ni uniformes. Les personnes et les événements, en effet, prennent leur place dans l'histoire en s'insérant dans un ou plusieurs contextes, qui peuvent être soit restreints et momentanés, soit larges et durables, tout en laissant place à une grande variété d'intermédiaires. C'est seulement dans la mesure où un contexte demeure encore ouvert, ou peut encore soit s'ouvrir soit s'élargir, que les événements ultérieurs jettent une lumière nouvelle sur les personnes, les événements et les processus du début. Comme le dit Karl Heussi, il est plus facile de comprendre Frédéric-Guillaume III de Prusse que de comprendre Schleiermacher et, alors que la figure de Néron restera toujours la même, nous ne pouvons pas jusqu'à présent en dire autant de celle de Luther10.

En plus de ces jugements prononcés par un historien au terme de son investigation, il faut dire un mot des jugements que ses pairs et ses successeurs portent sur son œuvre. Ces jugements constituent l'histoire critique au second degré. Ils ne se réduisent pas, en effet, à séparer sommairement ce qui est croyable et ce qui ne l'est pas dans l'œuvre en question. Ils se basent plutôt sur une compréhension de la façon dont le travail a été mené. Et de même que la compréhension qu'a l'historien, d'abord de ses sources, et ensuite de l'objet de sa recherche, suit la voie d'un certain développement ayant à la fois un caractère heuristique, extatique, sélectif, critique, constructif et, à la limite, judicatif, ainsi celle qu'ont les critiques d'une œuvre historique suit un développement semblable. Ceux-ci accomplissent leur tâche avec d'autant plus de facilité et de compétence que l'historien a pris soin de ne pas dissimuler les pistes empruntées mais de mettre cartes sur table, et qu'eux, pour leur part, connaissent déjà assez bien le champ en question ou, du moins, les champs voisins.

La compréhension critique d'une histoire critique a pour résultat, bien sûr, de permettre à une personne d'utiliser avec intelligence et discernement l'historien critiqué. En effet, elle perçoit les points où il a fait du bon travail ; elle sait quelles sont ses limites et ses faiblesses ; elle peut distinguer les aspects sur lesquels, au meilleur des connaissances actuelles, on peut se fier à lui, ceux sur lesquels on doit absolument le corriger et ceux sur lesquels on pourra éventuellement le corriger. Donc, de même que les historiens utilisent leurs sources avec intelligence et discernement, ainsi la communauté des historiens professionnels utilise avec discernement les œuvres de ses propres membres.

Dans les premières pages de cette section, nous notions que le fait de soulever des questions d'histoire présuppose déjà, chez une personne, un savoir historique et que plus ce savoir est grand, plus elle a de données sous les yeux, plus elle peut soulever de questions et plus elle peut les poser de façon intelligente. Nos considérations ont maintenant bouclé une espèce de cercle, car nous venons d'élucider cette connaissance historique qui est présupposée. Elle se définit comme une histoire critique au second degré. Fondamentalement, elle se compose des travaux cumulatifs des historiens. Dans son actualisation, cependant, elle ne consiste pas à avoir tout simplement foi dans ces travaux, mais elle vise à porter sur eux une appréciation critique. Cette appréciation se forme à partir de recensions critiques de livres, à partir de remarques critiques que les professeurs communiquent à leurs étudiants et qu'ils justifient par leurs explications et leurs arguments, à partir de discussions informelles dans les salons ainsi que de celles, plus formelles, dans les congrès.

L'histoire critique au second degré se compose donc de plusieurs éléments. À la base, on trouve des articles et des livres d'histoire. À un second niveau, prennent place des écrits critiques destinés à comparer et à évaluer les écrits historiques : ils peuvent aller de brèves recensions à de longues études et atteindre même la proportion d'une histoire de l'historiographie sur une question, tel l'ouvrage George III & the Historians de Herbert Butterfield11. Enfin, il y a les opinions réfléchies des historiens professionnels sur les historiens et leurs critiques – opinions qui influencent leur enseignement, leurs remarques lors de discussions, les procédés qu'ils utilisent en écrivant sur des sujets connexes.

Avant de conclure cette section, il serait bon de rappeler quelle a été précisément notre intention et l'objet de notre recherche. De façon explicite, cet objet s'est limité à cette fonction constituante de la théologie qu'est l'histoire. Nous avons donc exclu tout ce qui appartient à la fonction constituante qu'est la communication. Ce n'est pas que nous voulions mettre en doute le fait que la connaissance historique doive être communiquée, non seulement à des historiens professionnels, mais dans une certaine mesure à tous les membres de la communauté des historiens. Mais avant d'accomplir cette tâche, on doit acquérir un savoir historique et le tenir à jour. C'est à cette tâche préalable que je me suis appliqué dans la présente section et, à cette fin, j'ai essayé d'indiquer quel ensemble et quelle série d'opérations en assurent la réalisation. Si l'on admet couramment qu'une telle tâche est d'autant mieux exécutée qu'elle n'est pas entreprise avec l'idée de servir ses intérêts personnels, il ne faut cependant pas y voir la raison majeure qui me pousse à distinguer ces deux fonctions constituantes que sont l'histoire et la communication. Cette raison majeure provient de ce qu'elles renvoient à des tâches différentes, exécutées de manière tout à fait différente, et qu'à moins de reconnaître et de maintenir leur distinction, il n'est tout simplement pas possible d'arriver à une compréhension exacte de l'une et l'autre de ces tâches.

En outre, les théoriciens de l'histoire essayent immanquablement de s'attaquer au problème du relativisme en histoire, de noter l'influence exercée sur un écrit historique par la manière dont l'historien délimite le champ du possible, par ses jugements de valeur, par sa Weltanschauung, sa Fragestellung ou son Standpunkt. Si j'ai omis des considérations de ce genre, ce n'est pas que je sous-estime leur importance, mais c'est parce qu'on peut maîtriser ce problème du relativisme historique en recourant à certaines techniques qui proviendront non de l'histoire critique, mais de notre quatrième fonction constituante : la dialectique.

La présente section se limite donc à des préoccupations bien précises. Nous présupposions que l'historien savait comment mener sa documentation et comment interpréter ses documents. De plus, nous avons laissé aux fonctions constituantes qui vont suivre, certains aspects du problème du relativisme et la grande tâche de révéler dans quelle mesure la connaissance historique influence la politique et l'action contemporaines. Nous nous sommes contenté de formuler l'ensemble des procédés qui, cæteris paribus, favorisent la connaissance historique, et d'expliquer comment cette connaissance se forme, en quoi elle consiste et quelles en sont les limites inhérentes.

Même si j'ai été amené à adhérer à une conception voulant que les techniques de l'histoire critique ne sont pas de taille à éliminer complètement le relativisme historique, j'affirme cependant avec d'autant plus de force qu'elles peuvent réussir et que de fait elles réussissent à l'éliminer partiellement. Car j'ai soutenu que l'histoire critique ne résulte pas d'une simple créance accordée aux témoignages dignes de foi, mais qu'elle consiste à découvrir tout ce qu'on a jusqu'alors enregistré sans avoir réussi pourtant à le connaître adéquatement. Et touchant ce processus de découverte, j'ai reconnu, en plus de ses aspects heuristique, sélectif, critique, constructif et judicatif, un aspect extatique qui provoque l'élimination de perspectives admises initialement pour les remplacer par les perspectives et les vues qui émergent de l'interaction cumulative des données, de la recherche, de l’insight, de la supposition, de l'image et des éléments de preuve. C'est de cette façon que l'histoire critique accède d'elle-même à la connaissance objective du passé, même si plusieurs facteurs comme une conception erronée du possible, des jugements de valeur erronés ou trompeurs, une vision du monde, une optique ou un état de la question inadéquats, peuvent lui faire obstacle.

Bref, cette section a essayé de mettre en lumière l'ensemble des procédés qui, de diverses manières, conduisent les historiens à affirmer la possibilité de la connaissance historique objective. Carl Becker, par exemple, est d'accord pour se reconnaître relativiste car, selon lui, la Weltanschauung influence le travail de l'historien ; mais il déclare en même temps qu'un noyau considérable et même croissant de connaissances peut être objectivement déterminé12. Erich Rothacker, pour sa part, met la Wahrheit en corrélation avec la Weltanschauung, concédant que toutes deux influencent la pensée historique, mais il affirme tout aussi bien l'existence d'une exactitude (Richtigkeit) attachée aux procédés critiques et aux inférences correctes13. Dans la même veine, Karl Heussi soutient que les vues philosophiques n'affectent pas les procédés critiques, bien qu'elles puissent avoir une influence sur la façon dont on rédige l'histoire14 ; et il avance les propositions suivantes : d'une part, la forme relativement simple selon laquelle l'historien organise ses matériaux ne provient pas de la succession extrêmement complexe des événements, mais uniquement de la pensée de l'historien et, d'autre part, si des historiens différents opèrent à partir d'une même optique, ils aboutissent à une organisation semblable de la matière15. De la même manière Rudolf Bultmann soutient qu'une fois une Fragestellung adoptée, la méthode critique conduit à des résultats univoques16. Ainsi, ces écrivains parlent de diverses façons de la même réalité. Ils veulent dire, je crois, qu'il existe des procédés qui, cæteris paribus, conduisent à la connaissance historique. Le but et l'objet de notre recherche, dans cette section, consistait précisément à indiquer la nature de ces procédés.


1 G. EBELING a exprimé des vues semblables. Il considère en effet comme indiscutable le fait que la science historique moderne soit encore loin d'être capable d'offrir une explicitation de la méthode historique critique à laquelle on ne trouverait rien à redire au plan théorique, et qu'il lui faut par conséquent la coopération de la philosophie pour atteindre ce but. Voir Wort und Glaube, Tubingue, 1960, p. 36-37 (Word and Faith, Londres, 1963, p. 49). On peut obtenir une illustration plus concrète de la question en lisant les Epilegomena de R. G. COLLINGWOOD, dans The Idea of History, Oxford, 1946. Les trois premières sections, intitulées : « Nature and History », « The Historical Imagination » et « Historical Evidence », touchent directement au cœur de la question. La quatrième section, « History as Re-enactment », se voit compliquée par les problèmes de l'idéalisme. Voir ibid., préface de l'éditeur, vii-xx. Voir également A. DONAGAN, The Later Philosophy of R. G. Collingwood, Oxford, 1962.

2 Pour plus d'information, voir L’insight, ch. 5.

3 ARISTOTE, Physique, V, II, 219b 12.

4 Pour avoir une anthologie étendue et une bibliographie de vingt pages sur les sujets auxquels nous venons de toucher ainsi que sur des sujets connexes, voir P. GARDINER, Theories of History, New York et Londres, 1959. Quand le lecteur remarquera des différences par rapport à la présente approche, je pense qu'il trouvera que la racine de ces différences réside dans la théorie de la connaissance.

5 Pour une réaction contemporaine contre les aspects destructeurs de la philosophie des lumières et une réhabilitation de la tradition comme condition de possibilité d'une interprétation, voir H.-G. GADAMER, Wahrheit und Methode, p. 250-290.

6 Il s'agit du passage du vécu au thématique, de l'existenziell à l'existenzial, de l'exercite au signate, de ce qui est expérimenté fragmentairement à ce qui est connu méthodiquement.

7 Voir, par exemple, dans G. P. GOOCH, History and Historians in the Nineteenth Century, Londres, 1952, le chapitre 8 qui porte sur l'école prussienne.

8 R. BULTMANN, Histoire de la tradition synoptique, Paris, 1973. Traitant du même sujet, I. DE LA POTTERIE, De Jésus aux Évangiles, Gembloux, 1967, pour lequel la Formgeschichte joue un rôle intermédiaire entre la Traditionsgeschichte et la Redaktionsgeschichte

9 Notez que critique a deux sens tout à fait différents. En histoire précritique, il signifie qu'on a vérifié la crédibilité de ses autorités avant de les croire. En histoire critique, il signifie qu'on a fait passer les données d'un contexte à un autre. Sur ce sujet, R. G. COLLINGWOOD se révèle brillant et convaincant. Voir ses deux études, « The Historical Imagination » et « Historical Evidence » dans The Idea of History, Oxford, 1946, p. 231-282.

10 K. Heussi, Die Krisis des Historismus, Tubingue, 1932, p. 58.

11 Londres, 1957. Pour avoir un ensemble de points de vue sur l'histoire de l'historiographie, voir C. BECKER, « What is Historiography ? », The American Historical Review, 44 (1938) p. 20-28 ; l'article est reproduit dans Detachment and the Writing of History. Essays and Letters of Carl L. Becker, édité par P. L, SNYDER, Ithaca, N. Y., 1958.

12 C. BECKER, « Review of Maurice Mendelbaum's The Problem of Historical Knowledge », Philosophic Review, 49 (1940) p. 363 ; cité par C. W. SMITH, Carl Becker. On History and the Climate of Opinion, Ithaca, N. Y., 1956, p. 97.

13 E. ROTHACKER, Logik und Systematik der Geisteswissenschaften, Munich et Berlin, 1927, Bonn, 1947, p. 144.

14 K. Heussi, Die Krisis des Historismus, Tubingue, 1932, p. 63.

15 Ibid., p. 56.

16 R. BULTMANN, « Le problème de l'herméneutique », Foi et compréhension, I, Paris, 1970, p. 618-619.

 

 

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