Une pastorale de l'intelligence pour le monde qui vient

J'ai connu Raymond Bourgault, jésuite, en 1970 alors qu'il enseignait au département des Sciences de la religion de l'UQAM. À sa retraite en 1982, Raymond Bourgault s'est entièrement consacré sur une base hebdomadaire, bimensuelle ou mensuelle, à l'animation de groupes de religieuses et de laïcs intéressés par la Bible et ce jusqu'à son décès en 1994. Ces rencontres bibliques comme nous avions l'habitude de les appeler étaient tout autant intellectuelles que spirituelles. De qui ces groupes étaient-ils composés? Essentiellement de gens curieux, croyants ou non-croyants, qui voulaient dépasser une lecture naïve des textes de la Bible. Ghislaine Lincourt et moi avons assisté régulièrement tout au long de cette période à l'un ou l'autre de ces groupes. Au cours des années 90, des retraites annuelles d'une semaine pour tous les membres de ces groupes étaient offertes, ainsi que des rencontres annuelles d'une journée. C'est au cours de ces rencontres oecuméniques, comme les appelait Raymond Bourgault, que des participants se sont demandés si on pouvait archiver ces rencontres qui étaient souvent enregistrées sur cassettes audio et qui étaient aussi accompagnées de textes que préparait l'animateur. Vu que nous avions commencé à conserver ces écrits et ces enregistrements audio, Ghislaine et moi avons tout naturellement continué à les rassembler. Au fil des années, nous avons essayé de rassembler les documents de différents groupes animés par Raymond Bourgault ainsi que tous ses écrits pour la période précédant sa retraite à partir des années 60. Comme beaucoup, nous considérions que sa contribution était un aggiornamento : une relecture unique et infiniment précieuse non seulement des Écritures bibliques mais tout aussi de la compréhension de la foi à notre époque et que ça ne doit pas se perdre.

Raymond Bourgault n'était pas seulement un bibliste reconnu par l'ACEBAC¹, mais aussi un helléniste, un historien des religions, un religiologue² co-fondateur du département des Sciences de la religion de l'UQAM, un mystagogue, animateur de groupe biblique, un philosophe et un théologien, marqué profondément par la pensée de Bernard Lonergan qu'il a pratiqué toute sa vie. Cependant, il faut le dire, s'il a beaucoup écrit, il a peu publié. Aussi, le risque était grand que toute cette pensée originale se perde. Nous souhaitons ici simplement que son héritage intellectuel et spirituel soit disponible aujourd'hui et dans le futur, car à nos yeux, elle est toujours pertinente.

Pour plus de détails sur la carrière de Raymond Bourgault, on pourra lire dans le dossier Florilège le texte de Jean-Paul Labelle SJ qui résume bien son parcours. Signalons enfin que le livre de Pierre Robert consacré à Raymond Bourgault : Ma question c'était l'histoire³ est une excellente introduction à sa pensée.

Puissiez-vous profiter comme nous de cet apport original où durant cette période que l'on appelle la révolution tranquille, qui précipitait la fin de la chrétienté au Québec, Raymond Bourgault était déjà à préparer l'avenir de ce qu'il appelait une christité nouvelle, désoccidentalisée et planétaire. Il insistait pour se faire sur la nécessité d'un retour à l'Écriture par une démarche qu'il qualifiait d'appropriation-priante-désappropriante. On aura plaisir à découvrir, en le lisant, ce qu'il entendait par là.

-Luc Lepage, Montréal, 2023