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Introduction à |
Authenticité, intégration et communications Louis Lesage 0.0 Une communication authentique et une réponse en filigrane. Avec un titre comme
celui-là, on pourrait s’attendre à une recherche savante sur le sens de ces
expressions : authenticité, intégration, communications dans l’œuvre de
Lonergan. Mais au fond tout simplement, ce que je souhaiterais faire :
c’est de vous communiquer de la
manière la plus authentique comment je pense avoir intégré
quelques dimensions de la pensée ou de la démarche de Lonergan. Ce qui
sous-tend cette tentative, c’est la thématique du colloque : de quelle
manière l’authenticité décrite par Lonergan
construit ou déconstruit nos appartenances, appartenances signifiant
pour moi les multiples facettes
de notre identité, de mon identité. Mais la réponse à la question restera
plutôt en filigrane. 0.1 Un détour : les influences. D’abord, un
petit détour. Récemment, j’ai été appelé, a faire un topo, un court reportage télévisé, sur Claude Ryan en faisant ressortir d’une façon très sommaire
l’influence qu’a exercée sur lui, le
Cardinal John Henry Newman qui vécut tout au long XIXè siècle, de 1801 à 1890. Ce qui m’a fasciné, c’est que cette
influence qui toucha Ryan au début de sa vingtaine fut durable et qu’elle marqua
toute sa vie intellectuelle, spirituelle, théologique. Notre journaliste et politicien bien
connu se dit redevable à Newman de quelques grandes idées ou thématiques sur la rigueur intellectuelle, la place de
la raison ou de l’esprit dans le développement de la foi, la valorisation de la
culture, de la politique, et dans un univers
plus ecclésial, de la
valorisation du laïcat, et même aussi de sa compréhension de l’Évangile,
car Ryan a toujours médité les sermons de Newman. Par ailleurs, on sait aussi que Newman a aussi beaucoup influencé
Lonergan. Ce dernier aurait lu, selon Gaston Raymond cinq fois « Grammar
of Assent ». Je mentionne ces faits pour contextualiser mon approche de
Lonergan et essayer de cerner plus précisément
l’influence qu’a pu exercer sur moi la fréquentation et la lecture assez
régulière de quelques pages du théologien et philosophe canadien et québécois.
Je fais également tous ces rapprochements parce en m’interrogeant sur
l’influence de Lonergan dans ma une réalité dont on parle continuellement sans
pouvoir jamais véritablement la mesurer .Quelle a été l’influence du pape sur
du monde? L’influence de l’opinion publique sur les politiciens? L’influence de Lonergan sur Gaston Raymond,
que je remercie d’ailleurs d’avoir été
à la source de l’influence de
l’influence de Lonergan dans milieu francophone et influence qui va sans
doute croître à la suite de ce colloque. Pour rejoindre la thématique du
colloque, quelle a été l’influence de Lonergan dans la construction des mes
appartenances? Qu’est-ce qu’une appartenance. Est-ce une nouvelle façon de
raconter ou de dire mon identité? 0.2 Présence des œuvres de Lonergan. D’abord, je
dois dire que a été présent dans ma vie
depuis 40 ans. Depuis les premiers cours
de logique, car c’était dans un cours de logique que Gaston nous a introduit à
Lonergan, en octobre 1964, j’ai toujours gardé un œil sur Lonergan, acheter
plusieurs de ces livres , ou des essais qui lui sont consacrés et je rêve
encore d’une lecture complète, sérieuse, méthodique de l’Insight que
plusieurs d’entre vous connaissez par cœur. Bien que je n’en sois pas
devenu un spécialiste, la lecture, et la réflexion et la méditation devrais-je
ajouter de nombreuses pages de Lonergan, m’ont inspiré beaucoup et parfois
guidé à certaines étapes de ma vie. Son œuvre, au-delà de ses technicalités est
une invitation constante à l’authenticité¸à l’intégration, et à la
communication . Elle est un soutien au
dépassement continu de soi, vécu dans une grande liberté et dans une
attention non seulement à sa propre conscience
intentionnelle mais aussi une attention à l’Esprit créateur, que l’on
peut écrire avec une petit e ou
un grand E. 0.3 Deux points. C’est le temps de
plonger dans le vif du sujet et allons-y. Il y deux points sur lesquels l’influence de Lonergan a été plus
explicite, plus consciente, plus opérationnelle . 1.1. Objectivité et honnêteté. D’abord
parlons du journalisme. Sur le plan éthique, le milieu journalistique est
depuis longtemps traversé par une
problématique qui revient régulièrement : l’objectivité journalistique.
Il y a des politiques journalistiques, des codes d’éthique,
qui nous renvoient à des exigences d’objectivité. Et que l’un des
commentaires critiques adressées le plus souvent aux médias, venant des gens
d’horizons sociaux ou politiques ou culturels très différents, c’est en
plus de la superficialité,
le manque d’objectivité, et
d’être « biaisés» .Bien des fois, ai-je entendu ou lu des critiques qui
accusent par exemple Radio-Canada d’être fédéraliste, d’être trop
souverainiste, d’être pro-syndical, ou
pro-patronat . La couverture de l’actualité religieuse fournit très souvent les
mêmes genres de commentaires. Celle-ci serait superficielle, nourri par des
préjugés sommaires, malicieuse, caricaturale et insignifiante. Ces critiques
sont souvent sous-tendues par une conception de l’objectivité qui est de
l’ordre de l’équilibre entre les points de vue , ou encore de l’équité. Un média est objectif s’il présente équitablement
les différents points de vue sur une question. Dans le milieu journalistique,
même elle est présente dans les codes, on a renoncé peu à peu à cette notion et
on a remplacé par celle d’honnêteté. Et que de fois, j’ai entendu cette
expression :l’important ce n’est pas d’être objectif, mais d’être honnête.
Et l’analyse fondée sur des exigences d’objectivité et de connaissance des faits, a été supplantée
progressivement par les chroniques où les faits sans qu’ils soient suffisamment présentés deviennent
plutôt le prétexte à un exercice de style de la part du chroniqueur. Ce qui est
le plus décisif c’est le choix du sujet,
la subjectivité du chroniqueur,
son ton , ses émotions, son style, ses
préjugés et ses humeurs et la déformation des faits, des déclarations n’a plus
aucune importance. Et à la télévision, ce sera souvent la force émotionnelle de
l’image, la simplification de l’analyse, la recherche du plus petit
dénominateur commun qui gagneront du terrain non seulement dans la production des
reportages mais aussi dans l’organisation même des structures de l’information.
C’est une dérive assez présente dans l’information dont la conséquence est souvent la simplification des problèmes,
ou l’absence de débats en profondeur appuyés sur une recherche fouillée des
faits ou des analyses. 1.2.Objectivité et subjectivité.
Dans
l’observation de cette évolution ou dans mon implication personnelle dans cette
même évolution car je ne suis pas au-dessus de la mêlée et je participe
moi-même à l’évolution ambiguë et fascinante des médias, je me suis toujours
rappelé la conception de l’objectivité
que l’on peut retracer chez Lonergan. Évidemment, l’idée que je me fais de
l’objectivité chez Lonergan est elle-même partielle, partiale, subjective. De toute façon, je lie
l’objectivité au dépliement le plus
méthodique possible des opérations
intellectuelles qui rendent possibles l’énoncé
vrai, conforme à une certaine réalité. Une clef de l’objectivité, à
toute fin pratique existe dans le
jugement . C’est là où se croisent les exigences de l’objectivité et aussi de
l’honnête. Et c’est là aussi où l’on peut prendre conscience et analyser les distorsions possibles qui peuvent « biaiser » de
jugement. :manque de données, paresse intellectuelle, idées toutes faites,
intérêts, stratégies, conformisme de gauche ou de droite, libéral ou
conservateur, tiers-mondisme ou
impérialisme américain. Tout ce qui nous empêche de fonctionner selon un raison
droite, selon la plus grande liberté possible, ce qui est tout à fait le
contraire de la rectitude politique ou
de l’orthodoxie ambiante, ou des attachement inconditionnés à des options
politiques 1.3. Univers de la conscience intentionnelle et
impératif d’authenticité.
Pour
donner une assise plus concrète à tout ça,
revenons au journalisme et à
l’observation quotidienne de l’actualité, activité que chaque citoyen est
appelé à exercé. D’ailleurs nous avons
tous des idées, des jugements de fait ou de valeur , par exemple sur les
gouvernement actuels, les enjeux écono-écolo-kyoto, sur l’avenir de la société
québécoise, le mariage gay, sur les
priorités de l’Église. .La prise de conscience du processus qui nous fait poser
ces questions, les réponses que je peux trouver, les conditions à réaliser pour que les conclusions soient valables, la
vérification des sources, la validité des informations factuels, la conscience de mon horizon dans la
détermination de mes choix de données, le fait que cet horizon construit ou
déconstruit ma manière de percevoir et de sélectionner les informations, donc
construit la réalité. Tout nous situe dans l’univers de la conscience
intentionnelle au cœur de notre désir de connaître.Tout ça enveloppe donc toute quête de la vérité qu’elle soit journalistique ou autre mais qui serait idéalement le
résultat d’un ensemble d’opérations
intellectuelles menées à terme. Tous
les lonerganiens les connaissent bien : attention aux données,
compréhension, exercice du jugement et entrée dans le monde des valeurs par la
délibération, la décison et l’action. C’est ainsi que j’essaie d’intégrer dans
ma démarche de journaliste une exigence d’objectivité comprise l’exercice d’une subjectivité authentique, ou l’exercice
authentique de ma subjectivité. Dans l’univers lonerganien, l’impératif catégorique, ou l’impératif
d’authenticité se déploie sur quatre axes
d’être attentif à la recherche
des données, à la compréhension , au jugement sur la vérité de ma compréhension, et aussi aux
délibérations, décisions ou actions qui seront posées par la suite. C’est une grille très exigeante et
elle ne peut être portée par de simples individus.Et elle devrait imprégner
l’organisation même des médias dans leur politique de recherche de
l’information. Mais pour le moment on n’en est pas là. 2.1.
Le don de l’amour de Dieu.
Maintenant
je change complètement de plan . Ce serait malhonnête si on me demande de
parler de l’influence de Longergan dans ma vie sans parler de cette dimension.
Quand je pense à l’héritage pour moi de Lonergan, il y a un énoncé qui revient
souvent dans ses ouvrages mais qui n’est pas de Lonergan. Quelques uns d’entre
vous l’ont peut-être déjà deviné. C’est la phrase de Romain 5,5. :
« L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous
a été donné ». Le cadeau intérieur
de l’amour de Dieu, le don de l’amour , l’expérience possible de ce don
intérieur de l’amour de Dieu, la foi en
la réalité de la présence de Dieu en nous par son Esprit, est peut-être
ce qui ultimement anime tout l’édifice
anthropologique de Lonergan et aussi tout son projet moral qui peut en découler même si l’on peut séculariser ou
dé-théologiser ,ou même pour d’un militant contemporain de l’athéisme,
athée-ologiser complètement la démarche
Lonergan. D’ailleurs dans l’Insight, il nous suggère dans un premier temps une méthode de
connaître et d’action en étant sensible
aux différentes opérations du sujet connaissant ou agissant. J’ai déjà
mentionné les autre préceptes de l’impératif d’authenticité : l’attention
aux données, deuxièmement, la saisie de
liens ou de relations entre ces données, troisièmement l’expression de
jugements sur la réalité , et puis
enfin l’entrée dans le monde des
valeurs par la délibération, la décision et l’action. Et la cinquième dimension, le cinquième niveau de cette belle construction, c’est le fait d'être en
amour, amour que l’on peut expérimenter
dans nos relations quotidiennes, amour du couple homme-femme, ou femme-femme,
homme-homme, amour de nos enfants, amour social, amour de la patrie, et ultimement
amour de Dieu.. Au-delà d’un bienfait spirituel et d’une capacité de ressaisissement que
peut provoquer cette impulsion, on
peut considérer les conséquences des
énoncés sur l’Amour de Dieu comme état une assisse solide et fondamentale pour le dialogue œcuménique, le dialogue inter-religieux, mais aussi pour le
dialogue avec la culture contemporaine et
avec les nouvelles formes de l’athéisme contemporain. Et c’est peut-être
e à partir de cette réalité que peut se vivre la vraie communication, qui est je crois, dans l’esprit de Lonergan, un
partage de significations, en-deça même
du langage conceptualisé. Car je crois que là aussi le dialogue, l’échange ou
le partage ne peut s’opérer quand
s’appuyant sur une structure naturelle et spirituelle fondamentale, le désir de
connaître concurrent au désir d’aimer ,
d’être aimé, et d’être heureux. 2.2. Authenticité et critique. Si l’on
choisit de reconnaître que l’amour de Dieu est répandu en nos cœurs par
l’Esprit qui nous a été donné, et même si on le souhaite, il faut continuer à
être attentif pour bien s’en rendre compte et pas tomber dans un certain
illuminisme. La marche vers l’authenticité
consiste donc en épousant la dynamique même de la connaissance et de
l’amour à toujours se s’interroger sur
le nombre et les qualités des données, à la validité de notre compréhension, à
la pertinence de notre jugement, à la justesse de nos décisions y compris quand la réalité qui est au cœur de nos désirs et de nos aspirations
est la réalité spirituelle elle-même
que l’ on peut désigner comme Dieu. On sera être attentif à ses manifestations
à travers des objets de conscience, ou à travers la visée intentionnelle de la
conscience dont on peut en même temps interroger la visée. 2.3. Intégration.
L’intégration ici est surtout à
comprendre non pas comme un intégrisme mais comme la descente vers des
réalités premières qui sont au centre
de l’âme comme dirait Jean de la Croix et qui deviennent des principes d’action en étant des dons des grâces. tout
simplement et. Et c’est là que pourrait se réaliser la communication, la plus recherchée, qui est la communication de
l’Amour de Dieu en nos cœurs par
l’Esprit de Dieu . Et l’autre volet de cet ambitieux projet de
communication, étant de communiquer aux autres ce goût de l’Esprit ,
c’est-à-dire cette passion de Dieu qui
en sa Parole est Amour et Esprit. Voilà pour la tentative de mettre en des mots
simples mais qui peuvent paraître abstraits
ce qu’a évoqué pour moi Romain
5,5 . On est peut-être là au
cœur de la spiritualié , et peut-être de la théologie de Bernard Lonergan. 3.0. Intégration et conversion. Donc, si
je me résume, l’apport de Lonergan a
été d’introduire dans la construction de ma subjectivité deux principes
d’intégration…je les perçois comme lignes de fond qui consciemment ou
inconsciemment oriente ma vie mes principaux choix. L’un est d’abord une exigence critique face au développement d’un désir de connaître une réalité complexe et en mouvement, la société actuelle. Par ailleurs, le problème c’est que cette exigence peut nous conduire à l’infini et à retarder un jugement définitif parce qu’il au toujours des conditions qui ne sont pas remplies. J’avoue que c’est ce qui parfois m’empêche de me faire des opinons tranchées sur plusieurs enjeux de notre société séculière ou ecclésiale. L’autre
principe d’intégration est l’ouverture à une dimension plus enveloppante, plus
globale qui insidieusement devient plus
intérieure, plus mystérieuse, plus centrale, et plus inspirante. Mais dimension
qui est aussi soumise à l’évaluation i rationnelle, et responsable de cette
subjectivité qui se construit au fil des jours. Mais en cherchant à camper notre subjectivité donnée et celle qui est à
développer, Lonergan peut amener ses lecteurs à entreprendre pour eux-mêmes une conversion personnelle
dans laquelle on peut rejoindre d’une façon expérimentale et aussi notionnelle le substrat de la nature humaine et aussi le
substrat de toute démarche religieuse avant de les formuler dans des systèmes
de notions, de concepts, qui pourront se sédimenter et devenir des idéologies
dogmatiques et s’incarner dans des institutions sclérosés. Les idéologies
dogmatiques sont autant à gauche qu’à
droite, et on se rend compte qu’il est à peu près impossible d’échapper à un
moment ou l’autre de notre vie, à un moment ou l’autre de la journée, ou sur un terrain ou un autre à l’emprise
des idées toutes faites. 3.1. Un principe d’amour et de fraternité. Lonergan
m’a permis d’esquisser les traits
essentiels d’une structure spirituelle ouverte et fondamentale qui devient un
principe d’universalité et qui embrasé par la lumière et la force de l’Esprit
est un principe d’amour et de fraternité. Ad major Dei Gloriam. |