Oeuvres de Lonergan
Dimensions de la signification

 

Conférence prononcée à l’Université Marquette
(Milwaukee) en 1965.
Traduction originale d’Evelyn Dumas
publiée dans
Pour une méthodologie philosophique (1991).

Révision et © Pierrot Lambert 2020.

 

Dimensions de la signification

  1. La signification et le monde du sujet

    Mon sujet est la signification et, à première vue au moins, cela semble être une question très secondaire. Ce qui compte c'est la réalité. Ce qui est de première importance c'est, non pas la simple signification, mais la réalité qui est signifiée.

    Une telle affirmation est tout fait juste, tout à fait vraie, à l'intérieur de ses limites. Mais je crois qu'elle trahit une méprise (oversight). Car elle ne tient pas compte du fait que la réalité humaine, le tissu même de l'existence humaine, n'est pas seulement signifiée mais dans une large mesure constituée au moyen d'actes de signification. Voilà, si vous voulez bien me suivre, ce que je vais tenter maintenant d'expliquer.

    Si je suis plongé dans un sommeil sans rêves, ou si je gis, impuissant, dans le coma, alors la signification ne fait pas partie de mon être. Le petit enfant, étymologiquement celui qui ne parle pas, apprend à se développer, à différencier, à combiner, à grouper en synthèses toujours plus larges ses capacités d'effectuer des mouvements de la tête et de la bouche, du cou et des bras, des yeux et des mains, à maîtriser la complexité de la station debout, puis à trébucher d'un point à un autre. Quand l'audition et la parole commencent à se développer, ils sont centrés sur les objets qui sont présents; ainsi, la signification à l'origine est confinée au monde de l'immédiat, un monde qui n'est pas plus grand qu'une chambre d'enfant, un monde, semble-t-il, qui n'est pas mieux connu du fait qu'il n'est pas seulement objet d'expérience mais qu'il est signifié également. Ainsi, selon toutes les apparences, il est tout à fait juste de dire que la réalité vient en premier lieu et que la signification est tout à fait secondaire.

    Mais à mesure que la maîtrise et l'usage de la langue se développent, un renversement des rôles se produit. Car les mots désignent non seulement ce qui est présent mais aussi ce qui est absent, non seulement ce qui est proche mais aussi ce qui est lointain, non seulement ce qui est passé mais aussi l'avenir, non seulement les faits mais aussi le possible, l'idéal, ce-qui-devrait-être vers lequel nous nous efforçons constamment de tendre sans jamais y parvenir. Ainsi en venons-nous à vivre non pas comme le petit enfant dans un monde d'expérience immédiate, mais dans un monde beaucoup plus vaste, qui nous est apporté par les souvenirs d'autres hommes, par le sens commun de la communauté, par la littérature, par les travaux des érudits, par les recherches des hommes de science, par l'expérience des saints, par les méditations des philosophes et des théologiens.

    Ce monde plus vaste, médiatisé par la signification, n'est pour personne objet d'expérience immédiate. Il n'est même pas la somme, l'intégralité de l'ensemble des mondes de l'expérience immédiate. Car la signification est un acte qui ne fait pas que répéter l'expérience mais qui va au-delà. Ce qui est signifié n'est pas seulement expérimenté mais est aussi de quelque façon compris et en général également affirmé. C'est cet ajout de compréhension et de jugement qui rend possible le monde plus vaste médiatisé par la signification, qui lui donne sa structure et son unité, qui l'arrange en un tout ordonné fait d'un nombre presque infini de différences. Ces différences sont partiellement connues et familières, partiellement plongées dans une pénombre où baignent des choses dont nous avons entendu parler mais que nous n'avons jamais examinées ni explorées, partiellement reliées à une région indéterminée où sont les choses que nous ne connaissons pas du tout. C'est ce monde plus vaste médiatisé par la signification que nous désignons quand nous parlons du monde réel, et c'est en lui que nous vivons nos vies. Le monde plus vaste, médiatisé par la signification, nous le savons incertain, parce que la signification est incertaine, puisque s'y côtoient la vérité et l'erreur, les faits et la fiction, l'honnêteté et la tromperie, la science et le mythe.

    Au-delà du monde que nous connaissons, il y a le monde que nous faisons. Or ce que nous faisons, nous commençons par le projeter. Nous imaginons, nous faisons des plans, nous examinons les possibilités, nous pesons le pour et le contre, nous concluons des contrats, nous donnons et exécutons d’innombrables ordres. Du début à la fin du processus, nous sommes engagés dans des actes de signification; sans eux, le processus ne se déroulerait pas et la fin ne serait pas atteinte. Les pionniers de notre pays ont découvert ses côtes, son intérieur, ses montagnes et ses plaines; mais ils l'ont couvert de villes, enlacé de routes, ils l'ont mis en valeur par leurs industries, à tel point que le monde fait par l'homme se dresse entre nous et le monde antérieur de la nature. Pourtant tout ce monde ajouté, artificiel, fait par l'homme est le produit cumulatif, parfois planifié parfois chaotique, d'actes de signification humains.

    Le faire de l'être humain n'est pas réservé à la transformation de la nature : il y a aussi la transformation de l'être humain lui-même. Cela est sans doute particulièrement évident dans le processus éducatif, dans les différences entre l'enfant qui se présente à la maternelle et l'universitaire qui rédige sa thèse de doctorat. La différence produite par l'éducation individuelle ne fait toutefois que récapituler un processus plus long, celui de l’éducation de l'humanité, de l'évolution des institutions sociales et du développement des cultures. Les religions et les œuvres d'art, les langues et les littératures, les sciences, les philosophies, l'écriture de l'histoire ont toutes eu des débuts rudimentaires, se sont lentement développées, ont atteint leur sommet, sont peut-être tombées en déclin, pour connaître plus tard une renaissance dans un autre milieu.

    Et ce qui est vrai des acquis culturels l'est aussi, de façon moins évidente, des institutions sociales : la famille, l'État, la loi, l'économie ne sont pas des entités fixes et durables. Ils s'adaptent aux changements; ils peuvent être reconçus à la lumière d'idées nouvelles, ils peuvent subir des changements révolutionnaires. De plus, et c'est ce que je veux maintenant faire valoir, tout changement de ce genre est par essence un changement de signification, un changement d'idée ou de concept, un changement de jugement ou d'évaluation, un changement de l'ordre ou de la requête. On peut changer un État en récrivant sa constitution. On peut le changer aussi, de façon plus subtile mais non moins efficace, en réinterprétant sa constitution ou encore en agissant sur l'esprit et le cœur des humains pour changer les objets de leur respect, de leur allégeance et de leur loyauté. La communauté est affaire de champ commun d'expérience, de mode de compréhension commun, de commune mesure de jugement et de commun accord. La communauté est la possibilité, la source et le fondement d'une signification commune, et c'est cette signification commune qui est la forme et l'acte s'exprimant dans la famille et la politique, dans les systèmes juridiques et économiques, dans la morale courante et l'organisation de l'éducation, dans la langue et la littérature, l'art et la religion, la philosophie, la science et l'écriture de l'histoire.

    J'aimerais résumer ici ce que j'ai essayé d'établir. J'ai affronté l'objection selon laquelle la signification est simplement une question secondaire, que ce qui compte est la réalité signifiée et non la simple signification qui y réfère. J'ai fait valoir que cette objection ne fait pas justice aux fonctions de la signification. Je ne disconviendrais pas que, pour l'enfant qui apprend à parler, son petit monde de l'immédiat a la préséance et que les mots dont il se sert ne sont qu'une grâce additionnelle. Mais à mesure que l'enfant devient un adulte, le monde de l’immédiat se contracte en un coin discret et pas très important du monde réel, du monde que nous ne connaissons que par la médiation de la signification. Au surplus, il y a la transformation que l'être humain fait subir à son environnement, transformation qui s'opère par des actes intentionnels par lesquels l'être humain envisage les fins, choisit les moyens, s'assure des collaborateurs, dirige les opérations. Finalement, outre la transformation de la nature, il y a la transformation de l'être humain par l'être humain lui-même; et dans cette seconde transformation le rôle de la signification n'est pas seulement de diriger, mais aussi de constituer.

  2. Le contrôle de la signification

    Un exposé plus élaboré sur les fonctions constitutives de la signification nous permettrait d'aborder beaucoup de thèmes profonds. Car c'est dans le domaine où la signification est constitutive que la liberté de l'être humain atteint son sommet. C'est là aussi que sa responsabilité est la plus grande. C'est là que se produit l'émergence du sujet existentiel, découvrant par lui-même qu'il doit décider pour lui-même ce qu'il va faire de lui-même. C'est là que les individus s'écartent de la communauté, que la communauté éclate en factions, que les cultures s'épanouissent et tombent en déclin, que la causalité historique exerce son emprise.

    Toutefois, je voudrais utiliser le peu qui a été dit et tout ce que j'espère avoir évoqué simplement comme tremplin. Je me suis efforcé de vous convaincre de l’importance de la signification dans la vie humaine. Je voudrais maintenant signaler l'importance encore plus grande de la réflexion sur la signification, et du contrôle de la signification qui en résulte. Car si les changements sociaux et culturels sont, à la racine, des changements de signification saisis et acceptés, les changements dans le contrôle de la signification ponctuent les grandes époques de l'histoire humaine.

    2.1 Le contrôle classique : fonctionnement et échec

    L'expression classique de l'effort de la raison pour contrôler la signification se trouve dans les premiers dialogues de Platon, dans lesquels Socrate pose des questions très simples, écoute sérieusement les réponses dont il montre ensuite invariablement l'insuffisance. Les questions n'étaient pas abstruses. Au contraire, quiconque disposait d'une mesure moyenne de sens commun, voire n'importe quel Athénien, se sentait en mesure de répondre à ces questions. Qu'est-ce que la maîtrise de soi? Qu'est-ce que la justice? Qu'est-ce que la connaissance? Après tout, personne ne dira qu'il n'a aucune idée de la différence entre le courage et la lâcheté, ou qu'il ne sait pas ce que veut dire la maîtrise de soi, ou qu'il n'a jamais pu arriver à comprendre ce que les gens entendent par la justice, ou que la connaissance et l'ignorance sont pour lui du pareil au même. Mais si chacun pensait naturellement pouvoir répondre aux questions de Socrate, personne ne pouvait donner la sorte de réponse que Socrate voulait. Car Socrate cherchait des définitions universelles, des énoncés brefs et précis qui s'appliquaient à chaque cas de courage et qui, en même temps, ne s'appliquaient à rien d'autre qu'au courage; ou encore qui s'appliquaient à chaque cas de maîtrise de soi mais se limitaient à cela; qui s'appliquaient à toutes et à chacune des manifestations de la justice et seulement à la justice.

    Aussi profond soit le platonisme, nous pouvons tous voir par nous-mêmes que Socrate a fait subir aux Athéniens une expérience qui a trait à la signification. Le résultat de cette expérience était très clair. La signification a au moins deux niveaux. Il y a le niveau primaire et spontané, où nous employons le langage de tous les jours. Il y a un niveau secondaire, réfléchi, où nous ne faisons pas qu'employer le langage de tous les jours mais disons aussi ce que nous entendons par lui. Au niveau primaire et spontané, les Athéniens étaient tout à fait à l'aise; ils savaient parfaitement la différence entre courage et lâcheté, entre maîtrise de soi et complaisance envers soi-même, entre justice et injustice, entre savoir et ignorance; ils n'étaient portés d'aucune façon à confondre l’un avec l'autre, ni à se mêler dans leur usage des mots. Mais paradoxalement cela ne les rendait pas capables de passer au niveau secondaire et réfléchi et d'élaborer des définitions satisfaisantes du courage et de la maîtrise de soi, de la justice et du savoir. Au contraire, la définition était une idée neuve; Socrate devait expliquer sans arrêt ce qu'était une définition; sans cesse il montrait qu'une bonne définition devait être omni et soli, qu'elle devait s'appliquer à chaque cas de ce qui était défini, exclusivement. Les Athéniens comprenaient ce qu'il voulait dire mais ne pouvaient pas produire les définitions. Socrate lui-même savait ce qu'il voulait dire, mais il ne pouvait pas non plus produire les définitions. Il était le plus sage des hommes selon l'oracle de Delphes, mais les fondements de cette marque d’approbation étaient ironiques : il était le plus sage parce qu'au moins il savait qu'il ne savait pas.

    Sans doute voudrez-vous vous référer à une source plus autorisée que l'oracle de Delphes avant de vous laisser convaincre que Socrate était vraiment sage. Après tout, quel intérêt peut avoir cette médiation de la signification, cette démarche à partir d'un niveau primaire, où nous savons tous assez bien ce que nous voulons dire, jusqu'à un niveau secondaire, où nous découvrons que nous avons la plus grande difficulté à dire exactement ce que nous voulons dire. Cela ne semble-t-il pas être une perte de temps, un effort excessif consacré à une subtilité inutile ? De prime abord, on pourrait répondre : oui. Mais, à la réflexion, peut-être optera-t-on pour la réponse négative. Et il y a de très sérieux motifs qui amènent à réfléchir. Les anthropologues vous diront que les primitifs sont aussi intelligents et raisonnables que nous tous dans les choses pratiques de la vie, dans leur chasse et leur pêche, leurs semailles et leurs récoltes, dans toute activité produisant des résultats vérifiables et palpables. Pourtant, malgré leur intelligence et leur rationalité, il reste que toutes leurs activités et toute leur existence sont pénétrées, entourées, dominées par le mythe et la magie. Au surplus, ce qui est vrai des primitifs l'est aussi, quoique d'une façon modifiée, des grandes civilisations anciennes de Babylone, de l’Égypte et de la Crète, des anciens établissements le long de l’Indus et du Hoang-Ho, des Incas et des Mayas en Amérique du Sud et en Amérique centrale. Dans ces civilisations, les entreprises d'envergure étaient fréquentes : il y avait de grands travaux d'irrigation, de vastes structures de pierre ou de brique, des armées et des marines, des procédés comptables complexes, les débuts de la géométrie, de l'arithmétique, de l'astronomie. La pauvreté et la faiblesse du primitif ont fait place à la richesse et au pouvoir du grand État. Le champ où l'homme exerçait son intelligence pratique a été énormément élargi. Pourtant le mythe et la magie demeurent, pénétrant, entourant et dominant à la fois les activités courantes de la vie quotidienne et les aspirations secrètes et profondes du cœur humain.

    Il faut dire que le mythe et la magie sont tous deux des exemples de signification. Le mythe a un sens déclaratif; la magie a un sens impératif. Mais l'affirmation du mythe est erronée, et l'ordre que donne la magie est vain. Tous deux ont une signification, mais une signification égarée. Ainsi la prédominance du mythe et de la magie parmi les primitifs et leur survie même dans les hautes civilisations anciennes manifestent l'importance de l'entreprise socratique. La médiation de la signification n'est pas affaire de propos oiseux mais de technique qui met fin aux propos oiseux; ce n'est pas une vaine subtilité mais un remède à la maladie qui guette tous les humains. Tout comme la terre, laissée à elle-même, peut produire des plantes grimpantes et des arbrisseaux, des buissons et des arbres, avec une telle abondance excessive qu'il en résulte une jungle impénétrable, de même l'esprit humain, mené par l'imagination et l'affect, et sans le contrôle d'aucune technique réflexive, se livre avec exubérance au monde du mythe, où ce sont les charmes de la magie qui doivent permettre d'atteindre la gloire et d'échapper à tous les maux. C'est ainsi que, dans la culture occidentale depuis vingt-quatre siècles, le mouvement lié au nom de Socrate et les réalisations de l'Athènes du 4e siècle sont considérés comme un haut lieu, une ligne de démarcation, la percée d'une ère radicalement nouvelle dans l'histoire de l'humanité.

    Je vous ai répété, à ma manière, quelque chose qui ressemble aux affirmations mises de l'avant par le philosophe existentialiste allemand Karl Jaspers, dans son ouvrage Origine et sens de l'histoire. Selon Jaspers, toute l'histoire humaine tourne autour d'un axe; et cet axe se situe entre les années 800 et 200 avant notre ère; pendant cette période, en Grèce, en Israël, en Perse, en Inde, en Chine, l'être humain a atteint sa majorité; il a mis de côté les rêves et les fantasmes de l'enfance; il a commencé à faire face au monde tel qu'il est peut-être.

    Mais si je répétais le point de vue d'un autre, c'est que j'avais un motif ultérieur qui ne concerne ni les primitifs ni les Grecs, mais nous-mêmes. Car la médiation de la signification réalisée par les Grecs a produit la culture classique et, dans une large mesure, la culture classique est morte. Dans une large mesure, ses canons artistiques, ses formes littéraires, ses règles du discours correct, ses normes d'interprétation, ses modes de pensée, sa manière en philosophie, sa notion de la science, son concept du droit, ses normes morales, ses méthodes pédagogiques, ne sont plus acceptés. Ce qui a insufflé une forme et une vie à la civilisation de la Grèce et de Rome, ce qui est né de nouveau au moment de la Renaissance en Europe, ce qui a fourni la chrysalide d'où sont sorties les langues et les littératures modernes, les mathématiques et la science modernes, la philosophie et l'histoire modernes, a tenu bon jusqu’au 20e siècle; mais aujourd'hui, presque partout, cela est mort et presque oublié. La culture classique a fait place à une culture moderne et je pense que la crise de notre temps vient dans une large mesure du fait que la culture moderne n'a pas encore atteint sa maturité. La médiation classique de la signification s'est effondrée; l'effondrement a été causé par tout un ensemble de techniques nouvelles et plus efficaces; mais leur multiplicité et leur complexité mêmes nous laissent abasourdis, désorientés, confus, en proie à l'anxiété, effrayés à l'idée de devenir victimes du mythe à la mode qu'est l'idéologie ou de la magie hypnotisante et très efficace du contrôle de la pensée.

    L'illustration la plus claire et la plus nette de l'effondrement de la culture classique se trouve dans le domaine de la science. Il est évident, certes, que la science moderne connaît beaucoup plus de choses beaucoup plus pleinement que la science grecque ou médiévale. Mais ce que je veux faire valoir est d’ordre qualitatif et non pas quantitatif. La différence significative n'est pas qu'il y ait plus de connaissances ou une connaissance plus adéquate, mais tient à l'émergence d'une conception toute différente de la science elle-même. La conception grecque a été formulée par Aristote dans les Seconds Analytiques; elle envisageait la science comme étant la connaissance vraie et certaine de la nécessité causale. Mais la science moderne n'est pas vraie; elle est simplement en chemin vers la vérité. Elle n'est pas certaine, car ses affirmations positives ne prétendent à rien de plus que la probabilité : non le savoir mais l'hypothèse, la théorie, le système, la meilleure opinion scientifique offerte jusque-là. Son objet n'est pas la nécessité mais une possibilité vérifiée : les corps tombent à une vitesse qui croît constamment, mais le taux d'accélération pourrait être différent; et, de même, d'autres lois naturelles visent à stipuler, non pas ce qui ne pourrait être autrement mais ce qui se passe dans les faits. Enfin, quand la science moderne parle de causes, elle ne se préoccupe pas pour autant des quatre causes aristotéliciennes, la fin, l'agent, la matière et la forme; son but ultime est d'atteindre une explication complète de tous les phénomènes, et par une telle explication on entend la détermination des termes et des relations intelligibles qui rendent compte de l'ensemble des données. Ainsi, à chacun des cinq éléments constitutifs de l'idéal grec de la science, à la vérité, la certitude, le savoir, la nécessité et la causalité, la science moderne substitue quelque chose de moins ardu, quelque chose de plus accessible, quelque chose de dynamique, quelque chose d'efficace. La science moderne fonctionne.

    Il faut dire que ce déplacement du sens même du mot « science » affecte le tissu fondamental de la culture classique. Si l'objet de la science grecque était nécessaire, il était également évident pour les Grecs qu'une grande partie de notre monde était, non pas nécessaire, mais contingente. L'univers grec, conséquemment, était un univers divisé : en partie nécessaire et en partie contingent. De plus, cette division dans l'objet impliquait une division correspondante dans le développement de l'esprit humain. Comme l'univers était partiellement nécessaire et partiellement contingent, ainsi l'esprit de l'homme était divisé entre science et opinion, théorie et pratique, sagesse et prudence. Dans la mesure où l'univers était nécessaire, il pouvait être connu scientifiquement; mais dans la mesure où il était contingent, il ne pouvait être connu que par l’opinion. De même, dans la mesure où l’univers était nécessaire, les actions humaines ne pouvaient le changer; l'homme ne pouvait que le contempler à travers la théorie; mais dans la mesure où l'univers était contingent, il y avait un domaine où l'action humaine pouvait être efficace, et c'était la sphère de la pratique. Enfin, dans la mesure où l'univers était nécessaire, l'homme pouvait découvrir des fondements ultimes et invariables, et la philosophie était donc la poursuite de la sagesse; mais dans la mesure où l'univers était contingent, il était un empire de variations et de différences incessantes, qui ne pouvaient être ramenées à des règles rigides; et pour naviguer sur cette mer qui échappe aux cartes, il fallait toutes les astuces de la prudence.

    L'idéal moderne de la science n'implique rien de tel. Nous n’opposons pas la science et l’opinion; nous parlons d’opinions scientifiques. Nous n'isolons pas la théorie et la pratique dans des compartiments étanches; au contraire, notre pratique est le fruit de notre théorie, et notre théorie est orientée vers les résultats pratiques. Nous distinguons entre science pure et science appliquée, science appliquée et technologie, technologie et industrie; mais ces distinctions ne sont pas des séparations, et si grandes soient les différences entre la recherche fondamentale et l'activité industrielle, toutes deux sont liées par des zones intermédiaires d'enquête, de découverte, d’invention. Enfin, si les problèmes de la philosophie contemporaine sont beaucoup trop complexes pour être abordés dans le présent contexte, nous pouvons au moins dire que la philosophie a envahi le champ du concret, du particulier et du contingent, celui des décisions du sujet existentiel et de l'histoire des peuples, des sociétés et des cultures. Cette entrée de la philosophie dans le domaine de l'existentiel et de l'historique n'a pas seulement pour effet d'étendre le rôle de la sagesse philosophique à la vie concrète mais aussi, par cette extension même, de restreindre les fonctions attribuées antérieurement à la prudence.

    Et la prudence n'est pas seulement restreinte par en haut : son domaine est également envahi par en bas. Nous ne faisons pas confiance à la mémoire de l'homme prudent, mais nous gardons plutôt des dossiers et des registres, et développons des systèmes de recherche documentaire. Nous ne faisons pas confiance à l'ingéniosité de l'homme prudent, mais nous faisons appel à des experts en efficacité ou nous posons des problèmes pour la recherche opérationnelle. Nous ne faisons pas confiance au jugement de l'homme prudent, mais nous utilisons des ordinateurs pour maintenir des inventaires et prévoir la demande. Nous ne nous fions pas à la vaste expérience de l'homme prudent, mais nous conduisons des enquêtes sur le terrain et nous compilons des statistiques. Le besoin de mémoire et d'ingéniosité, de jugement et d'expérience est toujours aussi grand; mais il a été comblé par une foule de mécanismes et de techniques, qui fonctionnent à un niveau et sur un mode différents; tandis que l'homme prudent d'antan qui, par un quelconque phénomène de décalage culturel, dérive à travers le 20e siècle, est considéré comme un demeuré.

    2.2 Le contrôle moderne : fonctionnement et problèmes

    Jusqu'ici, j'ai indiqué très sommairement comment une nouvelle notion de la science a érodé et rendu périmés certains éléments fondamentaux de la culture classique. Mais outre cette notion même, il y a aussi sa mise en œuvre. Une nouvelle notion de la science conduit à une nouvelle science de l'homme. La science d'orientation classique, par sa nature même, se concentrait sur l'essentiel en négligeant l'accidentel, sur l'universel en négligeant le particulier, sur le nécessaire en oubliant le contingent. L'être humain est un animal rationnel, composé d'un corps et d'une âme immortelle, doué de capacités vitales, sensibles et intellectuelles, qui a besoin d'habitudes et peut les acquérir, qui est libre et responsable dans ses délibérations et ses décisions, soumis à une loi naturelle qui, selon les changements de circonstances, doit être complétée par des lois positives appliquées par une autorité dûment constituée. Je suis très loin d'avoir épuisé le contenu de cette science de l'homme d'orientation classique mais cela suffit à en indiquer le style. Elle est limitée à l'essentiel, au nécessaire, à l'universel ; elle est formulée de telle sorte qu'elle s'applique à tous les humains, qu'ils soient éveillés ou qu'ils dorment, qu'ils soient des bébés ou des gens d'âge mûr, qu'ils soient des crétins ou des génies; elle établit très clairement que vous ne pouvez pas changer la nature humaine; la multiplicité et la diversité, les développements et les accomplissements, les effondrements et les catastrophes de l'existence humaine, tout cela doit être accidentel, contingent, particulier et, conséquemment, doit être hors du champ de l'intérêt scientifique selon la conception classique. Mais la science moderne vise à expliquer complètement tous les phénomènes et donc les études modernes s'intéressent à chaque phénomène humain. Non pas l'être humain abstrait mais, du moins en principe, tous les humains de chaque époque et de chaque lieu, toutes leurs pensées, leurs paroles et leurs actions, l'accidentel aussi bien que l'essentiel, le contingent aussi bien que le nécessaire, le particulier aussi bien que l'universel sont convoqués à la barre de la compréhension humaine. Si vous objectez qu’une telle connaissance est inatteignable, qu'on ne peut ainsi avancer le jour du jugement général, on vous répondra que la science moderne n'est pas une œuvre toute faite emmagasinée pour tous les temps dans un grand livre, mais un processus continu que nulle bibliothèque et encore moins aucun esprit individuel ne peut contenir. Et même si ce processus continu ne peut jamais maîtriser tous les phénomènes humains, il reste que, par son ouverture totale, par son exclusion de tout obscurantisme, la science de l'homme moderne peut aller beaucoup plus loin que ne le permettaient les limitations conventionnelles des sciences humaines d’orientation classique.

    Du point de vue moderne, la culture classique semble avoir entraîné une standardisation quelque peu arbitraire de l'être humain. Elle distinguait le sens propre et le sens figuré des mots et des phrases, et elle allait jusqu'à affirmer la priorité du sens propre, considérant le sens figuré comme un vêtement ou un ornement qui rend le sens propre plus frappant, plus vif, plus efficace. C'est peut-être Giambattista Vico, dans sa Scienza Nuova, qui fut le premier à mettre de l'avant l'avis contraire en proclamant la priorité de la poésie. De toutes façons, son affirmation est vraie dans le sens donné ci-dessus : ce n'est qu'à travers d'innombrables siècles de développement que l'esprit humain réussit un jour à se libérer du mythe et de la magie, à distinguer la vérité au sens propre de l'expression figurée, à prendre position sur ce qui existe vraiment au sens propre et ainsi à rationaliser les figures du discours pour les réduire aux catégories de la rhétorique classique. Mais cette réalisation, si elle est une étape nécessaire dans le développement de l'esprit humain, aboutit facilement à obscurcir la nature de l'être humain, à contraindre sa spontanéité, à assécher sa vitalité, à limiter sa liberté. Proclamer avec Vico la priorité de la poésie, c'est proclamer que l'esprit humain s'exprime au moyen de symboles avant de savoir, s'il le sait jamais, ce que ces symboles signifient au sens propre. C'est ouvrir la voie à un abandon de la définition classique de l'être humain comme animal rationnel pour la remplacer, avec les phénoménologues culturels, par une définition de l'être humain comme animal symbolique ou, avec les personnalistes, comme un esprit incarné.

    Ainsi, le 20e siècle a été témoin d'une redécouverte du mythe, et cette redécouverte a pris de multiples formes. On peut, avec Freud, trouver dans la vie humaine contemporaine les figures terrifiantes des relations familiales présentées dans le cycle thébain des tragédiens grecs. Avec Jung, on peut plonger dans les archétypes primitifs et les symboles de transformation attribués à un inconscient collectif. Avec Ludwig Binswanger et Roll May, on peut distinguer entre les rêves de la nuit, causés par quelques perturbations somatiques, et les rêves du matin quand le sujet existentiel, n'étant pas encore éveillé et en possession de lui-même, est néanmoins déjà occupé au projet qui donne forme tant au sujet lui-même qu'à son monde. Avec Gilbert Durand, on peut explorer tout le domaine de la métaphore quotidienne omniprésente, et placer cet ensemble vaste et complexe dans une séquence dialectique, en le reliant aux trois réflexes dominants relatifs à la préservation de l'équilibre, à l'absorption de la nourriture et à l'accouplement. On peut pousser plus loin et explorer les arts de Madison Avenue dans nos démocraties, ou des ministères de la culture dans les États totalitaires. On peut, avec les critiques littéraires, articuler les mécanismes psychiques sous-jacents à la surface brillante des vers immortels de la poésie. On peut se tourner vers les experts en liturgie et les historiens des religions pour chercher, avec Mircea Eliade, un langage transculturel antérieur aux langues développées par l'être humain et indépendant d'elles. On peut lire l'Ancien Testament comme une réinterprétation des symboles de Babylone et de Canaan et, avec Paul Ricoeur, discerner la dialectique par laquelle des symboles plus anciens et moins adéquats de la culpabilité sont complétés, corrigés, modifiés et pourtant retenus en combinaison avec les plus nouveaux.

    Nous pouvons laisser ces images chargées d'affect en nous et les nombreuses interprétations qui les éclairent, pour nous tourner vers l'extérieur, vers la phénoménologie de l'intersubjectivité. La communication humaine n'est pas l'œuvre d’une âme cachée dans une retraite non identifiée du corps, et qui émettrait des signaux en un code morse quelconque. Âme et corps ne sont pas deux choses, mais sont conjointement principes dans la constitution d'une même chose. La présence corporelle d'un autre est la présence de son esprit incarné, et cet esprit incarné se révèle à moi par chaque variation du regard, de l'expression, de la couleur, des lèvres, de la voix, du ton, des doigts, des mains, des bras, de la position. Une telle révélation n'est pas un objet à percevoir. Elle agit plutôt immédiatement sur ma subjectivité, pour me faire partager chez l'autre le sérieux ou la vivacité, le confort ou l'embarras, la joie ou la peine, et, de même, ma réaction touche sa subjectivité, l'amène à en dire davantage, ou doucement et imperceptiblement le repousse, le tient à distance, ferme la porte.

    Comme la phénoménologie explore tout le drame de nos relations interpersonnelles, elle a aussi ses assises à l'intérieur de nous, à l'intérieur de ce volume (défini par une statue de nu) de sensation, d'émotion, de contact, d’espace de désir qu'est le corps humain, pour donner une thématique à nos perceptions, aux activités pré-conceptuelles de notre intellect, à la liberté verticale pour laquelle nous émergeons des processus pré-volontaires et pré-personnels pour devenir, librement et de manière responsable, résolument mais de manière précaire, les personnes que nous choisissons d’être.

    Et pourtant, qu'allons-nous choisir d'être? Qu'allons-nous choisir de faire de nous-mêmes? Dans nos vies vient inévitablement le moment de crise existentielle, quand nous apprenons par nous-mêmes que nous devons décider par nous-mêmes ce que, par nos propres choix et décisions, nous allons faire de nous-mêmes; mais les psychologues, les phénoménologues et les existentialistes nous ont révélé la multitude de nos possibilités sans nous indiquer l'arbre de vie, sans dévoiler le secret du bien et du mal. Et quand nous nous détournons de notre mystérieuse intériorité pour chercher une orientation dans le monde qui nous entoure, nous nous trouvons devant une multiplicité semblable, un raffinement illimité, une grande précision technique qui, à la fin, n'aboutissent pas.

    A l'époque où les gens instruits ou cultivés, les gentilshommes ou les saints étaient moulés dans la culture classique, on reconnaissait que ces définitions pouvaient être expliquées mais ne se discutaient pas. Aujourd'hui, les termes continuent d'être définis, mais il ne s'agit plus de définitions uniques : au contraire, pour chaque terme il y a une séquence historique de définitions différentes; il y a une explication savante pour chaque changement de définition; et aucun encouragement n'est donné au point de vue optimiste selon lequel il n'y aura plus de nouveaux changements dans cette série évolutive.

    Ce qui est vrai des définitions l'est aussi des doctrines. Elles existent mais elles ne jouissent plus du splendide isolement qui force l'adhésion. Nous connaissons leur histoire, le moment où elles sont nées, le cours de leur développement, leurs enchevêtrements, leurs sommets de haute synthèse, leurs périodes de stagnation, de déclin et de dissolution. Nous connaissons le genre de sujet qui les séduisent et le genre qu'elles repoussent : dites-moi ce que vous pensez et je vous dirai pourquoi vous pensez ainsi. Mais une telle perspicacité, subtile et érudite à l'infini, engendre le détachement, le relativisme, le scepticisme. L'atmosphère spirituelle devient trop raréfiée pour soutenir la vie de l'être humain.

    Faut-il se tourner vers une autorité ? Mais même les autorités sont des entités historiques. Il est assez facile de répéter ce qu'elles ont dit. Dire ce qu’elles voulaient signifier est une tâche plus complexe. Il y a certes des secteurs où il n'y a pas de problèmes d’interprétation. Les Éléments d’Euclide ont été écrits il y a quelque vingt-trois siècles et, bien qu'il faille étudier pour les comprendre, néanmoins, une fois qu'on les a compris, leur signification ne pose plus de problème. Il n'y a pas d'écrits herméneutiques portant sur les écrits d'Euclide. Mais quand il s'agit de Platon et d'Aristote, de saint Paul et de saint Jean, d’Augustin et de Thomas d'Aquin, de Kant et de Hegel, il y a une infinité d'œuvres qui les commentent, les interprètent, en font l'exégèse, les expliquent; et il n'y a pas de raison de croire que la source va se tarir, que le dernier mot sera dit.

    Bref, la médiation classique de la signification s'est écroulée. Elle a été remplacée par une médiation moderne de la signification qui interprète nos rêves et nos symboles, qui fait une thématique de nos sourires tristes et de nos mouvements incertains, qui analyse notre esprit et scrute notre âme, qui prend l'ensemble de l'histoire humaine comme domaine pour comparer et relier entre eux les langues et les littératures, les formes d'art et les religions, les arrangements familiaux et les morales coutumières, les systèmes politiques, légaux, éducatifs et économiques, les sciences, les philosophies, les théologies et les histoires. Des milliers de nouveaux livres paraissent chaque année; nos bibliothèques ont besoin de toujours plus d'espace. Mais le vaste effort moderne en vue de comprendre la signification dans toutes ses manifestations ne s'est pas accompagné d'un effort comparable pour pouvoir juger la signification. L'effort de compréhension est la tâche commune d'innombrables scientifiques et érudits. Mais le jugement et la décision sont laissés à l'individu, qui trouve son sort désespérant. Il y a beaucoup trop à apprendre avant qu'il puisse commencer à juger. Pourtant, il doit juger et il doit décider s'il veut exister, s'il veut être une personne accomplie.

    Conclusion

    Beaucoup d'entre vous trouveront ce portrait trop sombre. En particulier, plusieurs signaleront que je n'ai rien dit de la foi catholique, de la philosophie catholique, de la théologie catholique. Il faut ajouter un mot à ce propos.

    Donc, la crise que j'ai tenté de décrire est une crise non pas de la foi, mais de la culture. Il n'y a pas eu de nouvelle révélation d'en haut qui remplace la révélation apportée par le Christ Jésus. Aucune nouvelle Bible n'a été écrite et aucune nouvelle Église n'a été fondée pour nous relier à lui. Mais la philosophie catholique et la théologie catholique sont affaire, non seulement de révélation et de foi, mais aussi de culture. Toutes deux ont été complètement et profondément imbriquées dans la culture classique. L'effondrement de la culture classique et finalement, aujourd'hui, le caractère manifestement global et exclusif de la culture moderne, pose à la philosophie catholique et à la théologie catholique des problèmes très graves, leur impose des tâches gigantesques, les invite à des travaux herculéens. Au vrai, à partir du moment où la philosophie devient existentielle et historique, qu'elle s'interroge sur l'être humain, non dans l'abstrait, non pas comme il serait dans un quelconque état de pure nature mais comme il est en fait, ici et maintenant, avec tout ce qu'a de concret sa vie et sa mort, la possibilité même de l'ancienne distinction entre la philosophie et la théologie disparaît. Ce qui est vrai de cette distinction l’est aussi des autres. Ce qui est vrai des distinctions l'est aussi de chacune des autres techniques qui marquent le style et façonnent le tissu de notre héritage culturel. La culture classique ne peut être larguée sans être rem placée; et ce qui la remplace, inévitablement, ira à l'encontre des attentes classiques. Inévitablement, une droite solide se formera, déterminée à vivre dans un monde qui n'existe plus. Inévitablement se formera une gauche éparpillée, captivée tantôt par un développement nouveau, tantôt par un autre, explorant tour à tour des possibilités nouvelles. Mais ce qui comptera, ce sera le centre, peut-être faible par le nombre, mais assez vaste pour être à l'aise tant avec l'ancien qu'avec le nouveau, assez appliqué pour résoudre une à une les transitions à faire, assez fort pour refuser les demi-mesures et pour exiger des solutions complètes même si elles tardent à venir.

 

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