|
Introduction à |
|
Livres cités : V : La notion de verbe dans les écrits de saint Thomas d'Aquin I : L'insight VTM : Les voies d'une théologie méthodique PMP : Pour une méthodologie philosophique CE : La compréhension et l'être PE : Philosophie de l'éducation PMT : Pour une méthode en théologie Voir l'excellent glossaire rédigé par Louis Roy, o.p., et publié en appendice de Pour une méthode en théologie, ainsi que le lexique publié par le Lonergan Web Site d'Ottawa) Déjà, dehors, là, maintenant, réel Niveau de conscience et d'intentionnalité
« Quand la recherche aboutit à un résultat ou bien à une impasse, l'intelligence cède intelligemment la place à la réflexion critique; en tant qu'apte à réfléchir de manière critique, le sujet entre en relation consciente avec un absolu - l'absolu qui nous fait considérer le contenu positif des sciences non comme vrai et certain, mais seulement comme probable. » (PMT, 29) « la réflexion et le jugement rejoignent un absolu : grâce à eux, nous reconnaissons ce qui est véritablement tel que compris, ce qui est indépendant de nous et de notre réflexion. » (PMT, 50) « l'objectivité absolue […] résulte de la combinaison des résultats de l'objectivité expérientielle et de l'objectivité normative, de telle manière que l'objectivité expérientielle garantit que les conditions sont remplies et que l'objectivité normative garantit que les conditions sont liées à ce qu'elles conditionnent. » (PMT, 301) « La connaissance de ce qu'est l'être exige absolument un acte de compréhension de tout ce qu'il y a à comprendre au sujet de tout […] l'idée de l'être est absolument transcendante, car elle est le contenu d'un acte de compréhension non restreint. Or non seulement un tel acte nous amène à dépasser toute réalisation humaine, mais il établit la limite ultime de tout le processus de dépassement. » (I, 657) Abstrait, Abstraction « À proprement parler, abstraire c'est saisir l'essentiel et négliger l'accessoire, voir ce qui est signifiant et laisser de côté ce qui n'est pas pertinent, reconnaître ce qui est important et ce qui est négligeable […] l'abstraction est la sélectivité de l'intelligence … » (I, 52) « Le caractère rationnel de la conceptualisation implique aussi une explication psychologique de l'abstraction […] précisons que par une explication psychologique de l'abstraction nous entendons l'élimination par l'entendement de ce qui n'est pas intellectuellement pertinent parce que cela est compris comme n'étant pas pertinent. » (V, 39) « le ‹ ici et maintenant › ou le ‹ là-bas et alors › comme tels n'ont aucune importance pour l'entendement, l'explication, la détermination des causes. L'intellect en fait abstraction dans la mesure où et parce qu'il comprend que ce n'est pas pertinent. » V, 40-41) « D'un point de vue simple et courant, l'abstrait est une maigre réplique du concret [...] une théorie juste de l'abstrait s'impose […] L'abstraction, loin d'être un simple appauvrissement des données des sens, est, dans tous ses moments essentiels, enrichissante. Son premier moment est une anticipation enrichissante d'une intelligibilité qui doit s'ajouter aux présentations sensibles : il y a quelque chose que l'insight doit permettre de connaître. Le deuxième moment de l'abstraction est l'érection de structures heuristiques et l'obtention de l'insight permettant de révéler dans les données ce qu'on désigne de diverses façons : le signifiant, le pertinent, l'important, l'essentiel, l'idée, la forme. Son troisième moment est la formulation de l'intelligibilité que l'insight a révélée. L'aspect négatif de l'abstraction, c'est-à-dire l'omission de l'insignifiant, du non-pertinent, du négligeable, de l'accessoire, du résidu purement empirique, n'apparaît qu'à l'intérieur de ce troisième moment » (I, 108-109) « Cette interprétation intellectualiste de la pensée de saint Thomas va tout à fait à l'encontre du conceptualisme courant, mais le point majeur du conflit, celui auquel les conceptualistes s'attachent presque exclusivement, c'est l'abstraction des concepts » (V, 127) « Selon l'interprétation de saint Thomas proposée par les conceptualistes, l'abstraction formative est inconsciente et non-rationnelle; elle précède l'abstraction appréhensive. Selon l'interprétation intellectualiste, que nous trouvons plus conforme au texte de saint Thomas, l'abstraction appréhensive précède; l'abstraction formative qui la suit est un acte de la conscience rationnelle » (V, 157) Note : Dans La notion de verbe dans les écrits de saint Thomas d'Aquin, Lonergan présente une théorie complexe de l'abstraction faisant état de trois types, soit 1) l'abstraction objective, l'illumination du phantasme, 2) l'abstraction appréhensive, l'insight (ou « l'intuition pénétrant le phantasme », selon la traduction offerte), qui ne connaît que dans le cas imaginé, et 3) l'abstraction formative, qui peut poser l'universel hors de tout cas particulier. Aliénation « Le terme d'aliénation peut avoir plusieurs sens. Mais dans la présente analyse, l'aliénation fondamentale est le mépris des préceptes transcendantaux : sois attentif, sois intelligent, sois rationnel, sois responsable. En outre, l'idéologie fondamentale consiste en une doctrine qui justifie une telle aliénation. Toutes les autres formes d'aliénation et d'idéologie dérivent de cette aliénation et de cette idéologie fondamentales, car celles-ci corrompent le bien social. » (PMT, 72) « l'homme est aliéné de son être profond dans la mesure où il refuse le dépassement de soi. Et c'est dans l'autojustification de l'homme aliéné que réside la forme fondamentale de l'idéologie. » (PMT, 400) « négliger de prendre conscience de ces sentiments revient à les laisser dans le clair-obscur de ce qui est conscient sans être objectivé. À la longue, il en résulte un conflit entre le moi conscient et le moi objectivé. Cette aliénation de soi amène à adopter de faux remèdes, qui à leur tour entraînent de nouvelles erreurs jusqu'à ce que, en désespoir de cause, le névrosé recoure à l'analyste ou au conseiller. » (PMT, 48) « l'humanité peut devenir étrangère aux humains. L'être humain établit un ordre inhumain parce qu'il conçoit l'être humain comme une composante d'une machine; et l'être humain hait cette machine […] Or il peut aussi y avoir une aliénation, une perte de l'organisation à l'intérieur de l'être humain, soit la négation de la valeur éthique. Alors la personne est à la dérive, elle ne fait aucun choix, elle ne veut pas être un centre de choix intelligents, rationnels, libres et responsables. Et s'il lui arrive de faire un choix, ce sera le choix d'être comme tout le monde, de se fondre dans la foule et d'adopter son conformisme […] il peut y avoir une négation de la valeur religieuse, une aliénation par rapport à Dieu, le laïcisme, la négation de l'idée de péché, une auto-affirmation humaine totale. » (PE, 42-43) « Nous vivons à l'époque du gigantisme dans tous les domaines : finance, industrie et commerce […] La multitude des tâches à entreprendre dans ces grands ensembles donne naissance à un type d'organisation connu sous le nom de bureaucratie […] les grands ensembles et leurs administrations bureaucratiques souffrent de quatre maux. Leurs produits et leurs services sont définis en fonction de principes universels, mais ce qui est bon est toujours plus concret qu'une série de normes universelles. Le mode de fonctionnement du grand ensemble est rigide et il laisse peu de place à l'initiative personnelle. Sa capacité de bien observer ce qui se passe et de réagir de façon critique afin de réviser les théories et de modifier le fonctionnement, ne semble pas supérieure à celle qu'attribuait Thomas Kuhn au monde scientifique. Enfin, sa taille, sa complexité et sa solidarité avec les autres grands ensembles et bureaucraties offrent un vaste champ à l'ingéniosité des égoïstes, aux déviations des groupes et aux dangereuses absences de saisie des soi-disant tenants du gros bon sens. » (VTM, 78-81) « À moins que vous ne sollicitiez une explication assez détaillée de la connaissance et demandiez ensuite si ce type de connaissance existe, vous vous trouvez à affirmer quelque chose d'éminemment abstrait; et parce que c'est abstrait, ce sera perçu comme étranger. Le département de philosophie en vient à ressembler à tous les autres, et il est étranger à tout le monde : étranger aux étudiants - ça ne les intéresse pas - et étranger aux spécialistes des autres domaines. Cette aliénation devient médiation et, donc, source de moyens pour corriger la situation, dans la mesure où nous abordons le problème de façon intelligente et cherchons délibérément à le résoudre. » CE, 106) Amour « Les notions transcendantales que sont nos questions relevant de la compréhension, de la réflexion et de la délibération, constituent la capacité que nous avons de nous dépasser nous-mêmes. Cette capacité s'actualise lorsque nous commençons à aimer. Notre être devient alors un être-en-amour. » (PMT, 127) « Il y a certes des sentiments qui surgissent et disparaissent facilement. Il y a aussi ceux que nous avons inhibés en les réprimant et qui mènent une vie malheureuse et souterraine. Mais il existe aussi des sentiments dont nous sommes pleinement conscients et qui s'avèrent si profonds et si forts - surtout quand ils sont délibérément renforcés - qu'ils canalisent l'attention, configurent l'horizon et inspirent la vie d'un individu. Ici, l'exemple suprême est l'amour. Un homme ou une femme qui se met à aimer reste en amour non seulement en présence de l'aimé mais en tout temps. Outre les actes particuliers que l'on fait par amour, on peut remarquer l'état originel qui consiste à être en amour; cet état constitue en quelque sorte la source de toutes les actions d'une personne. Si bien que l'amour mutuel est un enlacement de deux vies. » (PMT, 47) Analyse de l'intentionnalité« les phénoménologues ont remplacé la psychologie des facultés par une analyse de l'intentionnalité où le processus cognitif est élevé par la délibération, l'évaluation. la décision et l'action. » (VTM, 137) « La recherche essentielle était la théorie de la connaissance et même si je parlais encore d'une psychologie des facultés, en réalité je ne subissais déjà plus son influence et je menais une analyse de l'intentionnalité. » (PMP, 32) « l'analyse minutieuse de l'intentionnalité que fit Edmund Husserl (1859-1938) rendit évident le fait que la pensée et le jugement ne sont pas simplement des événements psychologiques, mais qu'ils visent, renvoient à, ou signifient toujours et intrinsèquement des objets distincts d'eux-mêmes. » (PMT, 244) « Brentano inspire Husserl, et la psychologie des facultés cède la place à l'analyse intentionnelle. » (PMT, 117) « nous nous sommes dégagé d'une psychologie des facultés et de ses options entre l'intellectualisme et le volontarisme, pour passer à une analyse de l'intentionnalité qui distingue quatre niveaux successifs d'opérations conscientes et intentionnelles, doit chacun élève les précédents en allant au-delà d'eux, en établissant un principe supérieur, en faisant intervenir de nouvelles opérations et en préservant l'intégrité des niveaux précédents, dont il augmente énormément la portée et l'importance. Cette transition est grosse de conséquences […] La priorité de l'intellect ne concerne donc que les trois premiers niveaux, ceux de l'expérience, de la compréhension et du jugement […] l'intellect spéculatif de la raison pure n'est plus qu'une abstraction […] le vieil adage : nihil amatum nisi praecognitum souffre peut-être une exception. Il appert, en effet, que le don que Dieu fait de son amour (Rm 5, 5) n'est pas une réalité qui découle ou dépend de la connaissance que l'homme a de Dieu […] Les termes fondamentaux et les relations fondamentales de la théologie systématique ne seront plus métaphysiques, comme dans la théologie médiévale, mais psychologiques. » (PMT, 382, 385) A priori « Notre notion de l'être est-elle simplement une catégorie a priori imposée aux données? Notre position est-elle kantienne? […] ‹ L'a priori › est une expression qui s'emploie dans trois contextes différents. Premièrement, on l'utilise relativement au raisonnement ou à l'inférence. L'inférence a priori est un passage de la cause à l'effet; l'inférence a posteriori est un passage de l'effet à la cause […] Kant évoque l'a priori, surtout en ce qui concerne les propositions ou les jugements. Selon lui, une proposition ou un jugement a priori est quelque chose d'absolument indépendant de l'expérience […] En ce qui concerne les intuitions et les concepts, Kant a introduit un troisième sens de l'a priori. Il pose l'existence d'intuitions a priori, de concepts a priori et d'idées a priori […] vous aboutissez par un processus d'élimination à quelque chose qui n'est pas tiré de l'expérience, ce que Kant appelle a priori […] La visée de l'être opère comme une finalité. Elle procède radicalement de la nature, et elle opère dans la connaissance comme une finalité, un guide, un critère, une exigence. Elle est absolument transparente. Il ne s'agit pas d'un a priori qui détermine ce que vous connaîtrez; elle exige, elle déclenche le processus du connaître, guide le processus et établit des critères suivant lesquels le processus est mené à terme correctement ou non. » (CE, 161-163, 173) « Réaliser l'appropriation de soi, c'est d'abord et avant tout prêter attention - à soi-même, comme expérimentant, comprenant et jugeant. Deuxièmement, c'est se comprendre soi-même comme expérimentant, comprenant et jugeant. Troisièmement, c'est s'affirmer soi-même comme expérimentant, comprenant et jugeant. » (CE, 39) « la philosophie recherche ses données propres dans la conscience intentionnelle et sa première fonction consiste à favoriser une appropriation de soi qui va à la racine des différences et des incompréhensions philosophiques. » (PMT, 115) « Dans son expression technique, cette appropriation ressemble à la théorie. Mais en elle-même, elle consiste à atteindre un degré plus élevé de conscience intentionnelle, à prêter attention non seulement aux objets mais encore au sujet doué d'intentionnalité et à ses actes. » (PMT, 102) « Il est clair que l'appropriation de soi se réalise moyennant une élévation de notre degré de conscience et que cette élévation ne révèle pas le sujet comme objet, mais comme sujet. Je soutiendrais pourtant que cette élévation de notre degré de conscience nous conduit à une objectivation du sujet, à une affirmation intelligente et rationnelle du sujet, et qu'elle nous permet ainsi de passer du sujet comme sujet au sujet comme objet. » (PMT, 299) (Voir Méthode transcendantale) « L'authenticité ne s'obtient qu'au prix d'une longue fidélité aux préceptes
transcendantaux. Elle est essentiellement le fruit d'une croissance. Par
contre, l'authenticité chez l'homme et la femme est toujours une qualité
précaire : notre attention marque toujours un effort d'arrachement à
l'inattention, nos actes de compréhension corrigent nos méprises, notre
rationalité constitue une victoire sur la stupidité, notre responsabilité
témoigne d'une fuite du péché. » (Dialectic of Authority, Third Collection, 8) « Ce qui est fondamental, c'est l'authenticité humaine, et cette authenticité est double. L'authenticité mineure est celle de l'homme par rapport à la tradition qui le nourrit; l'authenticité majeure est celle qui justifie ou condamne la tradition elle-même. La première mène à un jugement humain sur des personnes, tandis que la seconde soumet les traditions au jugement de l'histoire. » (VTM, 65) « les valeurs originaires, qui opèrent des choix : ce sont les personnes authentiques, celles qui réussissent à se dépasser en faisant des choix judicieux […] On doit grandir en sensibilité et en disponibilité face aux valeurs, si l'on veut être authentique en fait d'humanité. Mais comme le développement n'est pas inévitable, les résultats varient. Il existe des échecs humains. Il existe également des médiocrités […] De même que l'orientation constitue, pour ainsi dire, la direction du développement, ainsi la conversion est un changement de direction, un changement pour le mieux. On se libère alors de ce qui est inauthentique pour grandir en authenticité. » (PMT, 67-68) « Les jugements de valeur […] sont objectifs ou simplement subjectifs dans la mesure où ils procèdent ou ne procèdent pas d'un sujet qui se dépasse. C'est dire que le critère de leur vérité ou de leur fausseté réside dans l'authenticité ou l'inauthenticité du sujet » (PMT, 52) « Il faut avoir découvert par soi-même qu'il faut décider pour soi ce qu'on fera de soi-même; il faut s'être montré de taille à affronter ce moment de décision existentielle; et il faut continuer à le prouver dans toutes ses décisions, si l'on veut être une personne humaine douée d'authenticité. C'est cette entreprise hautement complexe d'authenticité et d'inauthenticité qui doit remplacer la notion simpliste de volonté comme puissance arbitraire. L'arbitraire n'est qu'un autre nom de l'inauthenticité; penser la volonté comme une puissance arbitraire, c'est tenir pour acquis que l'authenticité n'existe ou ne se produit jamais. » (PMT, 125) « Il devient alors manifeste que, dans le monde médiatisé par la signification et animé par la poursuite des valeurs, l'objectivité s'avère simplement le fruit d'une subjectivité authentique, c'est-à-dire d'une attention, d'une intelligence, d'une rationalité et d'une responsabilité véritables. » (PMT, 303) « Les hommes peuvent être ou n'être pas convertis intellectuellement, moralement ou religieusement […] Mais les non-convertis peuvent n'avoir aucune appréhension réelle de ce que c'est que d'être converti […] Une telle inauthenticité peut s'étendre : elle peut devenir tradition. À tel point que des gens élevés dans une tradition inauthentique ne peuvent devenir des êtres humains authentiques qu'en purifiant leur tradition. » (PMT, 339) « Le bien particulier est ce que les gens ont en tête habituellement lorsqu'ils parlent du bien. C'est l'aspect le plus manifeste du bien, ce qu'on entend communément par id quod omnia appetunt, ce que toutes choses recherchent. Dans tout cas donné, le bien particulier peut être une chose - une nouvelle voiture, par exemple -, un événement - tel que l'arrivée ou le départ de quelqu'un -, une satisfaction ou une opération. Le bien particulier concerne la satisfaction d'un appétit particulier. Il est tout à fait familier et très simple. Le bien qu'est l'organisation [good of order] est l'ordre général des choses. La famille, par exemple, n'est pas un bien particulier, mais un flot de biens particuliers pour le père, la mère et les enfants. Un autre exemple du bien qu'est l'organisation : l'ensemble technologie-économie-structure politique […] L'aspect le plus manifeste de toute forme du bien qu'est l'organisation est une récurrence régulière de biens particuliers […] cette récurrence régulière se produit grâce à des opérations humaines coordonnées […] la coordination et les opérations ne peuvent exister que si certaines conditions sont remplies […] Premièrement, il y a les habitudes chez le sujet […] La deuxième condition d'une coordination efficace est l'existence des institutions […] La troisième condition d'une opération coordonnée est l'équipement matériel, les moyens matériels permettant de faciliter la coopération […] Le dernier élément du bien qu'est l'organisation est le statut personnel. Lorsque vous avez des opérations coordonnées qui produisent un flot de biens particuliers, il en découle des relations personnelles qui sont congruentes à la structure du bien qu'est l'organisation. Ces relations personnelles créent un statut […] Le troisième élément de la structure invariante du bien humain est la valeur […] La question de savoir ce que doit être précisément le bien qu'est l'organisation qui opère concrètement et qui détermine les habitudes, les institutions, l'équipement matériel et le statut personnel de chacun dans tous les aspects de la vie - l'ensemble total du bien qu'est l'organisation humain - soulève la question de la valeur. Est-ce que l'organisation est bonne? Nous pouvons distinguer trois façons d'aborder la valeur ou, si vous voulez, trois types de valeur : esthétique, éthique et religieuse. » (PE, 29-33) « [Huitième fonction constituante]. La communication s'occupe des relations qui existent entre la théologie et les autres domaines de la vie. Ces relations sont de trois genres. D'abord les relations interdisciplinaires avec l'art, le langage, la littérature et les autres religions, avec les sciences de la nature et les sciences humaines, avec la philosophie et l'histoire. Ensuite les transpositions que la réflexion théologique doit effectuer pour que la religion, tout en conservant son identité, rejoigne l'esprit et le cœur des hommes de toutes cultures et de toutes classes. Enfin les adaptations nécessaires pour utiliser à fond et à bon escient les divers média de communication disponibles à un moment ou à un endroit donné. » (PMT, 157) « Le symbole a donc le pouvoir de reconnaître et d'exprimer ce que le discours logique abhorre : l'existence de tensions, d'incompatibilités, de conflits, de luttes et de dommages intérieurs […] le symbole […] comble un besoin que ces procédés raffinés [la logique et la dialectique] ne peuvent satisfaire. Ce besoin concerne la communication intérieure. La vie organique et psychique doit se manifester à la conscience intentionnelle et, en retour, la conscience intentionnelle doit s'assurer la collaboration de l'organisme et du psychisme. De plus, comme notre perception des valeurs se réalise dans des réponses intentionnelles, à savoir les sentiments, il est nécessaire, ici également, que les sentiments révèlent leurs objets et, réciproquement, que les objets suscitent des sentiments. C'est donc grâce aux symboles que l'esprit et le corps, l'esprit et le cœur, le cœur et le corps réussissent à communiquer entre eux. » (PMT, 83-84) « C'est dans cette responsabilité collective d'une action commune et complémentaire que se trouve l'élément constitutif principal du sujet collectif appelé ‹ nous ›. C'est la communication qui rend possible ce sujet collectif, et la communication principale ne consiste pas à dire ce que nous savons mais à montrer qui nous sommes. » (PMP, 71) « Le quatrième rôle de la signification est celui de la communication. On communique ce qu'on veut dire à un autre, de manière intersubjective, artistique, symbolique, linguistique ou personnifiée. » (PMT, 97) « Il y a autant de sortes de sens commun qu'il y a de langages, de différences sociales ou culturelles, et presque même de différences de lieu et de temps […] Un pluralisme multiforme en résulte. Il s'agit principalement d'un pluralisme en matière de communication plutôt qu'en matière de doctrine. » (PMT, 315) « l'enseignement est la communication de l'insight. L'enseignement communique les indices, les indications explicites, qui mènent à l'insight. » (I, 192) « dans le monde du sens commun, ce que je pense, je ne le dis pas simplement : je le dis à quelqu'un. J'explore d'abord l'intelligence de mon interlocuteur. Puis je détermine quels autres insights je dois lui communiquer. J'entreprends la communication non pas comme un exercice de logique formelle, mais plutôt comme une œuvre d'art. » (I, 195) « Ce qui est connu par l'acte de compréhension c'est la forme dans la matière […] l'intelligence saisit la forme dans les données sensibles, et la forme qui est saisie ne s'apparente pas au concept. Ce qui correspond à la forme, ce n'est pas le concept, mais plutôt la compréhension. » (PE, 105-106) « Nous avons notre groupe fondamental d'opérations dans la connaissance humaine : l'expérience, la compréhension et le jugement […] la compréhension en elle-même ne constitue pas le connaître. » (PE, 167) « La compréhension n'est pas qu'un autre élément expérientiel; c'est une unification qui s'ajoute aux éléments expérientiels, et elle se situe dans un ordre différent. » (CE, 209) « Au niveau empirique, nous sentons, percevons, imaginons, éprouvons, parlons, bougeons. Au niveau intellectuel, nous cherchons, parvenons à comprendre, exprimons ce que nous avons compris, dégageons les présuppositions et les implications de notre expression. » (PMT, 22) « l'utilisation que nous faisons des mots saisies (insights) et compréhension (understanding) est plus précise et, en même temps, a une portée plus large que la connotation et la dénotation de Verstehen. La saisie, en effet, se produit dans toute connaissance humaine, dans les mathématiques comme dans les sciences de la nature, dans le sens commun comme en philosophie, dans les sciences humaines comme en histoire et en théologie. Elle se produit : 1) en réponse à une recherche et 2) en relation avec des données ou des représentations sensibles, incluant les mots et les symboles de toutes sortes. De plus, elle consiste à saisir une unité ou une relation intelligible dans les données, dans l'image ou dans le symbole. Aussi constitue-t-elle la base dynamique d'où procèdent la conception, la définition, l'hypothèse, la théorie ou le système […] l'expérience et la compréhension, mises ensemble, ne constituent pas une connaissance, mais seulement une pensée. » (PMT, 244-245) Compréhension réflexive « L'acte de compréhension réflexive est un insight, tout comme les actes de compréhension directe et de compréhension introspective. Les premiers répondent à des questions relevant de la compréhension, et le dernier, à des questions relevant de la réflexion. Les premiers mènent à des définitions et à des formulations, et le dernier, à des jugements. » (I, 298) « l'intelligence nous entraîne au-delà de l'expérience et s'interroge : qu'est-ce que c'est? pourquoi? comment? dans quel but? La rationalité nous entraîne au-delà des réponses de l'intelligence et se demande si les réponses sont vraies et si ce qu'elles signifient est bien ainsi. » (PMT, 24) « L'affirmation est rationnelle puisqu'elle découle d'un acte de compréhension réflexive grâce auquel on saisit l'inconditionné de fait. » (PMT, 93-94) Configurations d'expérience« Il existe […] différentes configurations d'expérience dynamiques […] la configuration d'expérience biologique […] est […] un ensemble de relations intelligibles qui lient des séquences de sensations, de souvenirs, d'images, de conations, d'émotions et de mouvements corporels. Nous parlons d'une configuration d'expérience biologique simplement en ce sens que les séquences convergent vers des activités terminales d'intussusception ou de reproduction ou encore d'autopréservation, lorsque de telles séquences ont une portée négative. [La configuration d'expérience esthétique] Antérieurement aux questions bien formulées de l'intelligence systématisatrice, l'esprit connaît un étonnement profond d'où toutes les questions tirent leur source et leur fondement. L'art, comme expression du sujet, manifeste cet étonnement dans toute son ampleur originaire. Et comme double libération des sens et de l'intelligence, l'art révèle la réalité de l'objet premier de cet étonnement. [La configuration d'expérience intellectuelle] Chez le théoricien absorbé par la solution d'un problème, le subconscient même se met à l'œuvre pour produire à des moments inattendus les images suggestives des indices et des chaînons manquants, des configurations et des perspectives, qu'évoquent l'insight désiré et l'« Eurêka! » triomphant. La réflexion crée un climat où règne un calme dégagé de toute passion. La mémoire rejette les cas qui iraient à l'encontre du jugement prospectif [la configuration d'expérience dramatique] [la] vie ordinaire présente un courant de conscience, courant qui comporte non seulement une succession d'états mais un élément de direction. » (I, 200-205) « On peut distinguer et décrire tour à tour : 1) chacune des différentes sortes d'opérations conscientes qui se produisent; 2) les configurations de l'expérience - biologique, esthétique, intellectuelle, dramatique, pratique ou cultuelle - à l'intérieur desquelles les opérations se produisent … » (PMT, 326) « l'accès à la connaissance est une prestation progressive où la recherche donne lieu aux insights qui soulèvent de nouvelles questions, lesquelles mènent à de nouveaux insights qui entraînent à leur tour de nouvelles questions. » (I, 569) « Les deux types de connaître ont leur validité propre […] Le type élémentaire est constitué entièrement au niveau de l'expérience. Il n'entre dans sa genèse ni questions relevant de la compréhension ni questions relevant de la réflexion […] Il en va autrement pour le connaître pleinement humain, qui ne tire de l'expérience que des matériaux pour les questions, essentielles à sa genèse […] Le problème que pose l'existence de deux types de connaître n'est pas celui d'une élimination de l'un des deux types, mais plutôt celui d'une distinction critique entre les deux. » (I, 272) « Les gens sont portés à se représenter la connaissance d'une chose comme un regard sur cette chose […] Connaître, c'est fixer, intuitionner, contempler » (I, 338) « Nous avons notre groupe fondamental d'opérations dans la connaissance humaine : l'expérience, la compréhension et le jugement […] Tout le connaître humain tient à l'accomplissement de ces trois opérations. » (PE, 167) « Le processus menant à la métaphysique explicite est donc essentiellement un processus menant à la connaissance de soi. » (I, 416) « une métaphysique explicite et adéquate est un corollaire d'une connaissance de soi explicite et adéquate. Elle découle de l'affirmation de soi comme unité de conscience empirique, intelligente et rationnelle, de la définition heuristique de l'être, où l'affirmation intelligente et rationnelle s'avère être la connaissance de la réalité, et de la reconnaissance des quatre formes d'objectivité : expérientielle, normative, absolue et principale, qui dépouille les contrepositions de leur plausibilité apparente. L'être humain ne parvient toutefois à cette connaissance adéquate de soi qu'au terme d'une longue ascension. Car la connaissance de soi comporte une objectivation de soi et, avant de pouvoir contempler sa propre nature dans des concepts précis mais très difficiles, l'être humain doit mettre en lumière les virtualités de cette nature. » (I, 551) « Le sage enseigne : « Connais-toi toi-même ». Ce précepte est nécessaire, il ne va pas de soi. La sincérité vers laquelle je tends s'enrichira d'harmoniques nouvelles si, plutôt que de connaître simplement une composition psychologique qui m'explique par mon passé et mon milieu, je dois me connaître moi-même, tel que je suis, à partir d'une analyse morale de mes actions, de mes paroles, de mes motivations mélangées. » (I, 613) « Conscience (consciousness) s'entend d'une perception interne (awareness) immanente aux actes cognitifs. Mais comme il y a différents genres d'actes cognitifs, la perception interne comporte différents genres correspondants. Une conscience empirique caractérise les actes de sentir, de percevoir et d'imaginer. Comme le contenu de ces actes est simplement un contenu présenté ou représenté, ainsi la perception interne immanente à ces actes est la simple présence de ces actes. Il y a toutefois une conscience intelligente, qui caractérise la recherche, l'insight et la formulation. À ce niveau, en recherchant l'intelligible et en l'atteignant, le processus cognitif se montre par le fait même intelligent; le processus opère intelligemment […] Enfin, au troisième niveau, celui de la réflexion, de la saisie de l'inconditionné, du jugement, se manifeste la conscience rationnelle […] Cette conscience émerge comme une tension vers l'inconditionné et comme un refus de donner son assentiment sans réserve à un fondement qui serait en deçà de cet inconditionné. » (I, 340) « Le jugement est un acte de la conscience rationnelle, alors que la décision est un acte de la conscience de soi rationnelle. » (I, 627) « Parallèlement aux différents degrés de développement et aux différents mondes médiatisés par la signification, il existe des variations dans la différenciation de la conscience. Ce n'est que dans le processus de développement que le sujet devient conscient de lui-même et de sa distinction d'avec son monde. » (PMT, 43) « une conscience complètement différenciée distingue quatre domaines de signification. On trouve d'abord, dans le domaine du sens commun, des significations exprimées dans un langage quotidien ou ordinaire. Dans le domaine de la théorie, le langage devient technique, absolument objectif dans ses références, et il envisage le sujet et ses opérations comme de purs objets. Apparaît ensuite le domaine de l'intériorité, où le langage parle vraiment du sujet et de ses opérations en termes objectifs tout en s'appuyant sur une appropriation de soi qui a vérifié, dans l'expérience personnelle, quels sont l'agent, les opérations et les processus auxquels renvoient les termes fondamentaux et les opérations fondamentales du langage employé. S'ajoute enfin le domaine de la transcendance, où le sujet est mis en relation avec la divinité grâce au langage de la prière et du silence. » (PMT, 293-294) « [Dix différenciations de la conscience] Une première différenciation se réalise dans le processus de croissance. Le tout-petit vit dans un monde d'immédiateté. L'enfant, lui, découvre avec intérêt le monde médiatisé par la signification […] En second lieu […] le sens commun […] le processus spontané d'enseignement et d'apprentissage […] se poursuit constamment parmi les membres d'un groupe […] En troisième lieu, le sens commun s'applique au monde présent, à l'immédiat, au concret, au particulier. Mais le don que Dieu fait de son amour oriente la vie humaine vers ce qui est transcendant dans la bonté […] En quatrième lieu, la connaissance et le sentiment humains sont incomplets sans expression. C'est dire que le développement des symboles, des arts et de la littérature est inhérent au progrès humain […] En cinquième lieu, émerge la signification systématique […] En sixième lieu, vient la littérature postsystématique […] En septième lieu, intervient la méthode. Elle consiste à transposer la signification systématique d'un contexte statique à un contexte évolutif et dynamique […] En huitième lieu, il faut considérer le développement de l'érudition, c'est-à-dire des compétences du linguiste, de l'exégète et de l'historien […] En neuvième lieu, se développe une littérature postérieure à la science et à l'érudition […] En dixième lieu, vient l'exploration de l'intériorité […] la série peut s'appeler : découverte progressive de l'esprit humain. » (PMT, 343-346) « la méthode transcendantale […] Il s'agit essentiellement d'atteindre un degré de conscience plus élevé en objectivant celle-ci; c'est là une démarche que chacun, en fin de compte, doit faire par lui-même et pour lui-même. En quoi consiste cette objectivation? Il s'agit d'appliquer nos opérations en tant qu'intentionnelles à la conscience que nous avons de ces mêmes opérations. » (PMT, 27-28) (Voir Niveaux de conscience et d'intentionnalité) « la conversion est un changement de direction, un changement pour le mieux. On se libère alors de ce qui est inauthentique pour grandir en authenticité. » (PMT, 68) « Notons tout de suite qu'une conversion peut être authentique ou inauthentique … » (PMT, 156) « l'explicitation d'un horizon est fonction de la présence ou de l'absence d'une conversion intellectuelle, morale et religieuse, conversion qui n'est jamais la suite logique d'une position antérieure mais, au contraire, une révision radicale de cette position. Fondamentalement, le point en cause souligne la nécessité de passer de la logique abstraite du classicisme au caractère concret de la méthode et de reconnaître non plus la preuve mais la conversion comme point de départ. La preuve fait appel à une abstraction appelée la raison droite; la conversion, en revanche, transforme l'individu concret pour le rendre apte à saisir non seulement les conclusions mais également les principes. » (PMT, 380) « La réalité fondatrice - à distinguer de son expression - est la conversion religieuse, morale et intellectuelle. D'ordinaire, la conversion intellectuelle dépend de la conversion morale et religieuse; la conversion morale dépend de la conversion religieuse; et la conversion religieuse dépend du don que Dieu fait de sa grâce. Une conversion de cette nature n'influe pas seulement sur l'explicitation des fondements, mais aussi bien sur la phase médiatisante de la théologie, soit sur la recherche des données, l'interprétation, l'histoire et la dialectique. » (PMT, 306) « Nous entendons par conversion une transformation du sujet et de son monde. Il s'agit normalement d'un processus qui s'étend sur une longue période, bien que la reconnaissance explicite de cette transformation puisse se concentrer en quelques jugements et décisions d'importance. On ne saurait pourtant ramener la conversion à un pur développement ou même à une série de développements, car elle consiste plutôt en un changement - sans doute préparé - de parcours et de direction. » (PMT, 154-155) « La conversion est une expérience existentielle, intensément personnelle et tout à fait intime. Mais elle n'est pas si privée qu'on puisse la qualifier de solitaire. Elle peut se produire chez plusieurs et ceux-ci peuvent se convertir et former une communauté pour se soutenir les uns les autres dans cette transformation d'eux-mêmes […] Enfin, ce qui est devenu communautaire peut aussi devenir historique, c'est-à-dire se transmettre d'une génération à l'autre, se répandre d'un milieu culturel à l'autre … » (PMT, 155) « La conversion intellectuelle consiste en une clarification radicale et, conséquemment, en une élimination d'un mythe extrêmement tenace et fallacieux concernant la réalité, l'objectivité et la connaissance humaine. Le mythe veut que l'acte de connaître soit comme l'acte de regarder, que l'objectivité soit le fait de voir ce qui est là et de ne pas voir ce qui n'est pas là, et que le réel soit ce qui est dehors, là, maintenant et qu'il s'agit de regarder. » (PMT, 272) « La conversion morale amène une personne à changer le critère de ses décisions et de ses choix en substituant l'adhésion aux valeurs à la recherche des satisfactions. » (PMT, 274) « La conversion religieuse est le fait d'être saisi par la préoccupation ultime. Elle consiste à se mettre à aimer d'un amour transmondain (other-worldly falling in love), à s'abandonner de manière totale et permanente, sans condition, sans restriction et sans réserve. Cet abandon n'est pas, à proprement parler, un acte, mais plutôt un état dynamique qui est antécédent et principe par rapport à des actes subséquents. La conversion se révèle, après coup, comme un courant de fond de la conscience existentielle … » (PMT, 275) « L'appropriation que l'on fait de son héritage social, culturel et religieux est en grande partie une question de croyance […la] connaissance que l'individu acquiert par lui-même (immanently generated knowledge), n'est qu'une faible portion de ce que tout homme civilisé considère savoir […] On oppose souvent science et croyance, mais en fait, la croyance joue un aussi grand rôle en science que dans presque tous les autres secteurs de l'activité humaine […] Je ne puis communiquer à un autre ma faculté de juger, mais je puis lui transmettre ce que j'affirme ou ce que je nie et il peut me croire. Voilà le premier pas […] Le second pas est un jugement de valeur dont la portée est générale. Ce jugement consiste à approuver la division du travail dans l'acquisition de la connaissance […] Le troisième pas est un jugement de valeur qui rejoint le particulier. Il porte sur la crédibilité d'un témoin, d'une source, d'un compte rendu, sur la compétence d'un expert, sur la sûreté de jugement d'un professeur, d'un conseiller, d'un chef, d'un homme d'État, d'une autorité […] Le quatrième pas est la décision de croire. C'est un choix qui fait suite aux jugements de valeur général et particulier […] Le cinquième pas est l'acte de croire. » (PMT, 57-62) « la notion classique de culture est normative : en droit tout au moins, il n'existe qu'une culture, qui est à la fois universelle et permanente […] à côté de la notion classique, on trouve la notion empirique de culture; celle-ci se définit alors comme un ensemble de significations et de valeurs qui informent un style de vie. » (PMT, 9) « Une culture se définit comme un ensemble de significations et de valeurs informant un style de vie collectif et il y a autant de cultures qu'il y a d'ensembles différents de significations et de valeurs. Cette façon de concevoir la culture est toutefois relativement récente. Elle est le produit des études empiriques sur l'homme. En moins de cent ans, elle s'est substituée à une autre vue plus ancienne, celle du classicisme, qui avait prévalu durant plus de deux millénaires. Cette perspective plus ancienne de la culture n'était pas empirique, mais normative. Elle opposait culture et barbarie […] Cette culture ne pouvait que se prétendre universaliste. Ses classiques étaient des œuvres d'art immortelles, sa philosophie jouissait de la même pérennité, ses lois et ses structures constituaient le dépôt laissé par la sagesse et la prudence de l'humanité. » (PMT, 341) « L'homme ne vit pas seulement de pain. Au-delà du simple fait de vivre et de fonctionner, les hommes doivent trouver un sens et une valeur au fait de vivre et de fonctionner. Il appartient à la culture de découvrir, d'exprimer, de valider, de critiquer, de corriger, de développer et d'améliorer ce sens et cette valeur. » (PMT, 46) « Sorokin a élaboré un schème décrivant trois types de cultures : la culture du donné sensoriel, la culture idéaliste et la culture idéationnelle. » (CE, 223) « nous pouvons dénommer les opérations de la façon suivante : expérimenter (experiencing), comprendre, juger et décider. Ces opérations sont à la fois conscientes et intentionnelles. » (PMT, 28) « Les fondements s'enracinent donc véritablement dans le quatrième niveau de la conscience humaine - niveau de la délibération, de l'évaluation et de la décision. Il s'agit de décider pour qui et pour quoi vous êtes; ou encore, contre qui et contre quoi. Il s'agit d'une décision qui tient compte des multiples possibilités manifestées par la dialectique. Il s'agit d'une décision pleinement consciente concernant son horizon, son approche, sa vision du monde. » (PMT, 306) « L'art reflète ce fonctionnement organique des sens et de la sensation, de l'intellect non pas en tant que formulation concrète mais plutôt comme insight concret, du jugement qui n'est pas que jugement, mais mène à la décision, au libre choix, à l'action responsable. » (PE, 196) Déjà, dehors, là, maintenant, réel « La conversion intellectuelle consiste en une clarification radicale et, conséquemment, en une élimination d'un mythe extrêmement tenace et fallacieux concernant la réalité, l'objectivité et la connaissance humaine. Le mythe veut que l'acte de connaître soit comme l'acte de regarder, que l'objectivité soit le fait de voir ce qui est là et de ne pas voir ce qui n'est pas là, et que le réel soit ce qui est dehors, là, maintenant, et qu'il s'agit de regarder. Or ce mythe présuppose l'oubli de la distinction entre le monde de l'immédiateté - disons le monde de l'enfant - et le monde médiatisé par la signification. » (PMT, 272) « dans le monde médiatisé par la signification, on peut se rappeler et reconstituer l'objet du monde de l'immédiateté. Il est déjà, dehors, là, maintenant, réel (already, out, there, now, real). Il est déjà, car il est donné avant toute question à son sujet. Il est dehors, car il constitue l'objet de la conscience extravertie. Il est là : comme les organes des sens, les objets perçus appartiennent à l'ordre spatial. Il est maintenant, car le temps de la perception correspond au temps de ce qui est perçu. Il est réel : lié à la vie et à l'agir du sujet, il doit être aussi réel qu'eux. » (PMT, 300) « au niveau de la responsabilité, nous sommes confrontés à nous-mêmes, à nos propres opérations, à nos propres buts, et nous délibérons ainsi sur des actions possibles, les évaluons, prenons des décisions et les mettons en pratique. » (PMT, 22) « Nous expérimentons, en effet, que notre liberté est cet élan subjectif qui met fin au processus de délibération en retenant l'un des plans d'action possibles et en commençant à l'exécuter. » (PMT, 66) « Le dépassement de soi (self-transcendence) est le fruit de l'intentionnalité consciente. » (PMT, 50) « le sujet humain se dépasse au plan intellectuel quand il parvient à connaître […] il se dépasse au plan moral dans la mesure où il recherche ce qui est valable, ce qui est vraiment bien, devenant ainsi principe de bienveillance et de bienfaisance […] il se dépasse au plan affectif quand il se met à aimer, quand il sort de son isolement et quand il agit spontanément non pas uniquement pour lui-même, mais également pour les autres. » (PMT, 329) « cette indépendance de la vérité par rapport à l'esprit provient du fait qu'on se dépasse dans l'ordre de la connaissance quand on pose un jugement de réalité qui est vrai, et qu'on se dépasse dans l'ordre moral quand on pose un jugement de valeur qui est vrai. » (PMT, 60-61) « le dépassement de soi au plan de la connaissance est beaucoup moins difficile qu'au plan moral. » (PMT, 125) « La conversion religieuse se vit à l'égard du fait d'être en amour sans réserve, fondement efficace de tout dépassement de soi, que ce soit dans la poursuite de la vérité, dans la réalisation des valeurs humaines ou dans l'orientation que l'homme adopte par rapport à l'univers, à son fondement et à son but. » (PMT, 276) « L'homme est véritablement lui-même dans la mesure où il se dépasse, et la conversion constitue précisément la voie qui mène au dépassement de soi. À l'inverse, l'homme est aliéné de son être profond dans la mesure où il refuse le dépassement de soi. » (PMT, 400) « [Les jugements de valeur] sont objectifs ou simplement subjectifs dans la mesure où ils procèdent ou ne procèdent pas d'un sujet qui se dépasse. » (PMT, 52) « Nous entendons par désir de connaître l'orientation dynamique qui se manifeste dans les questions relevant de la compréhension et dans les questions relevant de la réflexion […] Le désir de connaître est donc tout simplement l'esprit chercheur et critique de l'être humain. Ce désir pousse l'être humain à chercher à comprendre et, par le fait même, l'empêche de se satisfaire du simple flot de l'expérience interne et externe. Il exige une compréhension adéquate et entraîne donc l'être humain dans le processus autocorrectif de l'apprentissage où des questions nouvelles donnent lieu à des insights complémentaires. Le fait qu'il amène l'être humain à réfléchir, à rechercher l'inconditionné, à n'accorder un assentiment sans réserve qu'à l'inconditionné, l'empêche aussi de se satisfaire du oui-dire et de la légende, des hypothèses non vérifiées et des théories non éprouvées. » (I, 367) « Ce désir est qualifié de pur, puisqu'il diffère radicalement des autres désirs. Ce n'est pas l'analogie trompeuse des autres désirs qui permet de le connaître, mais plutôt le libre exercice de la conscience intelligente et rationnelle. Ce désir est de fait impalpable et néanmoins puissant […] Il représente la perspicacité placide du sens commun, le désintéressement de la science, le détachement de la philosophie. Il revêt la forme de la concentration dans la recherche, de la joie de la découverte, de l'assurance du jugement, de la modestie face aux limites de la connaissance acquise. Il est sérénité inaltérable, patiente détermination, disposition imperturbable à enchaîner des questions avec à-propos, dans la genèse de la vérité. » (I, 368) « L'être est l'objectif du pur désir de connaître. » (I, 369) « L'objectivité normative se fonde sur le déploiement du désir de connaître détaché, désintéressé, sans restriction. Par son absence de restriction, ce désir s'oppose à l'obscurantisme qui dissimule la vérité ou bloque l'accès à la totalité ou à une partie de la vérité. Par son détachement, il s'oppose aux inhibitions du processus cognitif suscitées par d'autres désirs et besoins. Et par son désintéressement, il s'oppose au renforcement bien intentionné mais désastreux, apporté au processus cognitif par les autres désirs, qui en altèrent l'orientation pour la confiner dans leurs perspectives étroites. » (I, 399) « Il existe en effet un désir intellectuel, un éros de l'esprit. Sans ce désir, il n'y aurait ni questionnement, ni recherche, ni étonnement. » (I, 95) « À la lumière des considérations qui précèdent, nous pouvons définir un développement comme une séquence flexible et liée d'intégrations dynamiques, supérieures, de plus en plus différenciées, répondant à la tension de variétés sous-jacentes, successivement transformées par les applications successives des principes de la correspondance et de l'émergence … » (I, 472-473) « [Déviations dramatiques] La fascination des ténèbres peut prévaloir sur l'attrait de la lumière. Si les préventions et les préjugés vicient sensiblement les investigations théoriques, les passions élémentaires peuvent encore plus facilement entraîner une déviation de la compréhension dans les affaires pratiques et personnelles. Une telle déviation n'a pas qu'un seul effet isolé. L'exclusion d'un insight signifie l'exclusion des questions nouvelles qui en découleraient et des insights complémentaires qui permettraient l'approche d'un point de vue étoffé, équilibré. L'absence d'un tel point de vue global entraîne un comportement qui est source d'incompréhension à la fois en nous-mêmes et chez les autres. » (I, 209-210) « [Déviation individuelle]. L'égoïsme n'est ni pure spontanéité ni intelligence pure, mais interférence de la spontanéité dans le développement de l'intelligence […] L'égoïsme est donc un développement incomplet de l'intelligence. Il s'élève au-dessus d'une mentalité simplement héritée. Il possède l'audace d'une pensée autonome, mais il ne peut passer de la motivation initiale et préliminaire fournie par les désirs et les peurs à l'abnégation qu'implique l'engagement dans le libre jeu de la recherche intelligente. Sa recherche est renforcée par les désirs et les craintes spontanées, et du même coup il ne peut accéder à la considération d'un champ plus vaste. La compréhension correcte est nécessairement exclue lorsque le développement se trouve ainsi inachevé. » (I, 239-240) « [Déviation collective]. La déviation collective, comme la déviation individuelle, tient à une interférence dans le développement du sens commun pratique. Toutefois, si la déviation individuelle doit surmonter le sentiment intersubjectif normal, la déviation collective trouve dans ce sentiment un appui […] À l'instar de l'individu égoïste qui laisse advenir les questions jusqu'à un certain point, mais se désiste avant de parvenir à des conclusions incompatibles avec son égoïsme, le groupe est enclin à laisser disparaître dans un angle mort les insights qui révèlent que son bien-être est excessif, ou que son utilité tire à sa fin […] Les péchés de déviation collective peuvent être secrets et quasi inconscients. Mais ce qui au départ est une possibilité négligée devient à la longue une distorsion grotesque de la réalité. Seuls quelques esprits peuvent saisir les possibilités initiales. Par contre, les ultimes distorsions concrètes s'étalent aux yeux de tous. Et la déviation du développement social n'a pas révélé les idées négligées sans fournir également le pouvoir qui les réalisera. Car la déviation produit des classes florissantes, de même que des classes décadentes. Et un réformateur ou un révolutionnaire peut cristalliser en une force militante les sentiments des classes décadentes. » (I, 241-244) « [Déviation générale]. Il existe une autre déviation que nous sommes tous portés à subir […] le sens commun […] est incapable de s'analyser, incapable de constater qu'il constitue lui aussi un développement spécialisé de la connaissance humaine, incapable d'arriver à saisir qu'il présente un danger particulier; celui de prolonger son souci légitime du concret et de l'immédiatement pratique en un mépris des questions plus vastes, et en une indifférence envers les résultats à long terme […] Il convient donc de marquer une distinction entre le cycle court, imputable aux déviations collectives, et le cycle long, produit par la déviation générale du sens commun […] La déviation générale du sens commun n'est pas simplement affaire d'omissions; elle implique également des péchés de refus. » (I, 244-247) « une dialectique est un dévoilement concret de principes de changement liés mais opposés. » (I, 236) « Si ce que nous avons avancé est exact - à savoir que le problème sous-jacent consiste en une tension entre le Welt et le pur désir de connaître - la solution est d'ordre dialectique. La dialectique se rapporte à trois facteurs. Premièrement, elle se rapporte au concret : en l'occurrence, le sujet concret et son Sorge. Deuxièmement, elle se rapporte au contradictoire : la contradiction ne réside pas dans les propositions mais plutôt dans le sujet, car le sujet comme conscience intelligente et rationnelle n'est pas identique au sujet du Sorge; de là vient que ce qui est réel dans le Welt n'est pas réel dans l'univers de l'être, et vice-versa. Troisièmement, la dialectique se rapporte au changement : la contradiction implique une tension, une tension dans le concret, et tend donc vers le changement. » (CE, 188) « La structure de la dialectique comprend deux niveaux : le niveau supérieur, celui des opérateurs, et le niveau inférieur, où l'on assemble les matériaux sur lesquels on va opérer. Les opérateurs sont les deux préceptes suivants : développer les positions et renverser les contrepositions. » (PMT, 285) « Voilà donc la première tâche de la dialectique. Elle complète l'interprétation qui cherche à comprendre, en proposant une interprétation qui s'efforce de donner une appréciation. Elle complète également l'histoire qui saisit ce qui se préparait, en proposant une histoire qui évalue les réalisations et qui y discerne l'imbrication du bien et du mal. Elle oriente enfin une recherche spéciale requise pour mener à bien une interprétation et une histoire de ce genre. La dialectique comporte, en outre, une seconde tâche. En effet, dans notre exposé sur l'histoire critique, nous avons envisagé des résultats univoques pour le cas seulement où les historiens effectuent leurs recherches à partir d'une même optique. Mais les optiques se révèlent multiples et cette multiplicité prend différentes formes […] La dialectique concerne ces différences de fond. » (PMT, 281) « Notre quatrième fonction constituante de la théologie dépasse le domaine de la science empirique ordinaire. Elle entre, en effet, en relation avec des personnes. Elle reconnaît les valeurs qu'elles représentent tout comme elle désapprouve leurs manquements. De même, elle scrute leurs présupposés d'ordre intellectuel, moral et religieux, pour ensuite repérer les figures importantes, comparer leurs conceptions de base, discerner les processus de développement ou de déformation. » (PMT, 287-288) « bien que la dialectique révèle le polymorphisme de la conscience humaine - les oppositions profondes et irréconciliables en matière de religion, de morale et de connaissance - elle ne va pas plus loin : elle ne prend pas parti. C'est l'individu qui prend parti, et le parti qu'il prend dépend de sa situation par rapport à la conversion. » ((PMT, 306) « les doctrines prennent leur signification dans des contextes donnés; or la découverte progressive de l'esprit transforme ces contextes; si les doctrines doivent garder leur signification à l'intérieur de nouveaux contextes, il faut donc qu'elles soient repensées. » (PMT, 346) « Il importe d'abord de distinguer les sources premières, les doctrines de l'Église, les doctrines théologiques, la doctrine méthodologique et l'application de la doctrine méthodologique qui devient une fonction appelée l'établissement des doctrines. » (PMT, 335) « [La] cinquième sorte de doctrines, celle que désigne le titre de ce chapitre [L'établissement des doctrines]. Ce sont les doctrines théologiques obtenues par l'application d'une méthode qui distingue des fonctions et qui utilise l'explicitation des fondements pour choisir parmi les multiples doctrines présentées par la dialectique. » (PMT, 338) Données de la conscience « Les données sont celles des sens et celles de la conscience. Leur point commun est qu'elles sont présentes (given) ou peuvent l'être. On peut leur prêter attention ou non, les étudier ou non, les comprendre ou non, les exprimer ou non en concepts, les utiliser ou non comme éléments de preuve dans le jugement. Si on ne le fait pas, elles restent simplement présentes. Toutefois, dans la mesure où l'on en a fait un objet d'investigation, elles ne sont plus simplement présentes, mais elles se combinent également avec d'autres composantes de l'activité cognitive de l'être humain. » (PMT, 232) « L'ignorance des données de la conscience dans la sociologie durkheimienne et la psychologie behavioriste s'expliquent peut-être, d'une certaine façon, car la détermination de ces données pose des difficultés notables. » (I, 255) « L'étude de l'être humain, comme l'étude de la nature, s'amorce par la recherche et l'insight sur des données sensibles […] le spécialiste des sciences humaines dispose […] par sa conscience, d'un accès immédiat à l'être humain, accès qu'il peut utiliser de deux façons […] S'il commence par un examen des données des sens, le chercheur décrit d'abord, pour ensuite expliquer. Et s'il commence par un examen des données de la conscience, encore là, le chercheur se met d'abord à décrire puis en vient à expliquer. Il existe pourtant une importante différence entre les deux types d'explication. Car l'explication fondée sur les données des sens peut réduire les éléments d'hypothèse au minimum mais elle ne peut les éliminer complètement, tandis que l'explication fondée sur les données de la conscience peut écarter complètement ce qui n'est que supposé, postulé, inféré. » (I, 352-353) « La philosophie recherche ses données propres dans la conscience intentionnelle » (PMT, 115) « Le jugement fait rationnellement suite à la saisie d'un inconditionné de fait. Par inconditionné, il faut entendre tout x qui n'a pas de conditions. Par inconditionné de fait, il faut entendre tout x qui n'a pas de conditions non remplies. En d'autres termes, un inconditionné de fait est un conditionné dont les conditions sont remplies. Arranger les éléments de preuve, c'est déterminer si toutes les conditions sont remplies. Soupeser les éléments de preuve, c'est déterminer si le fait que les conditions soient remplies implique de façon certaine ou probable que le conditionné existe ou qu'il se produit. » (PMT, 124) « Le désir de la vérité contraint la rationalité à donner son assentiment lorsque les éléments de preuve sont suffisants, mais il refuse de donner son assentiment et il commande le doute lorsque les éléments de preuve sont insuffisants. » (PMT, 50) « nous décrivons l'intériorité en termes d'actes intentionnels et conscients qui se produisent aux quatre niveaux que sont l'expérience, la compréhension, le jugement et la décision. Les niveaux inférieurs sont présupposés et complétés par les supérieurs. Ceux-ci, à leur tour, élèvent les niveaux inférieurs. » (PMT, 124) « Parce que les conversions intellectuelle, morale et religieuse correspondent toutes au dépassement de soi, il est possible, quand toutes les trois surviennent à l'intérieur d'une même conscience, de concevoir leurs relations en terme d'élévation (sublation). J'utiliserai cette notion dans le sens de Karl Rahner plutôt que dans celui de Hegel, pour signifier que ce qui élève et intègre va au-delà de ce qui est élevé et intégré, introduit quelque chose de nouveau et de distinct, met tout sur une nouvelle base et, loin de gêner ou de détruire ce qui est élevé, en a au contraire besoin, l'inclut, en préserve tous les traits et les propriétés et les entraîne vers une réalisation plus complète dans un contexte plus riche. » (PMT, 276) « Nous n'avons […] pas adopté la méthode de la science empirique, qui tire ses données du domaine des présentations sensibles. Nous avons eu cependant l'occasion de parler d'une méthode empirique généralisée qui est aux données de la conscience ce que la méthode empirique est aux données des sens. » (I, 262) « Il faut distinguer […] différents niveaux de conscience et d'intentionnalité […] Au niveau empirique, nous sentons, percevons, imaginons, éprouvons, parlons, bougeons. » (PMT, 21-22) « l'être est l'objectif du pur désir de connaître […] l'être est ce qui doit être connu par la totalité des jugements vrais […] l'être est entièrement concret et entièrement universel. » (I, 367, 369) « l'être est tout ce qui peut être saisi intelligemment et affirmé rationnellement. » (I, 653) « Comme il est intelligible, l'être est également bon. » (I, 670) « L'être proportionné est tout ce qui doit être connu par l'expérience, la saisie intelligente et l'affirmation rationnelle. » (I, 411) « l'être proportionné est proportionné à notre connaître. Comme nos jugements reposent sur une saisie de l'inconditionné de fait, chaque être proportionné est à tous égards un inconditionné de fait. Comme il existe également comme question de fait, il est inconditionné. Mais il n'est pas formellement inconditionné au sens où il ne posséderait aucune condition; il est simplement inconditionné de fait au sens où ses conditions se trouvent à être remplies. » (I, 667) « Par ses actes, le sujet humain se fait ce qu'il deviendra, et il le fait librement et de façon responsable; bien mieux, il le fait précisément parce que ses actes sont des expressions libres et responsables de lui-même. Tel est le sujet existentiel. » (PMP, 127-128) « le développement de la connaissance et le développement du sentiment moral mènent à la découverte existentielle, à la découverte qu'on est un être moral, à la prise de conscience que non seulement on choisit parmi divers plans d'action, mais aussi que par là on fait de soi un être humain authentique ou inauthentique. » (PMT, 53-54) « Nous avons notre groupe fondamental d'opérations dans la connaissance humaine : l'expérience, la compréhension et le jugement. Le groupe forme un tout dont les éléments sont liés entre eux. Vous pouvez définir l'expérience comme étant ce que présuppose la recherche qui mène à la compréhension, comme les matériaux sur lesquelles s'exerce la compréhension, comme ce dont on abstrait l'essentiel, ce qui est nécessaire à l'acte de compréhension. » (PE, 167) Explicitation des fondements « Dans la mesure où la conversion elle-même est thématisée et explicitement objectivée, la cinquième fonction constituante - l'explicitation des fondements - prend corps […] L'explicitation des fondements […] ne propose pas des doctrines, mais l'horizon à l'intérieur duquel on pourra appréhender le sens de ces doctrines. » (PMT, 155-156) « C'est seulement dans le clair-obscur d'une longue et déconcertante initiation philosophique qu'on peut se frayer un chemin jusqu'au domaine de l'intériorité et trouver, grâce à l'appropriation de soi, une base, un fondement qui se révèle distinct du sens commun et de la théorie, qui reconnaît leur hétérogénéité, qui rend compte des deux et qui les fonde critiquement tous les deux. » (PMT, 104) « La finalité est […] fondamentalement l'aspect dynamique du réel […] finalité signifie non seulement dynamisme, mais dynamisme orienté […] le dynamisme orienté de la finalité ne tient pas du déductivisme, car le déductivisme constitue une erreur […] le dynamisme orienté de la finalité n'est pas déterminé, aux sens les plus obvies de ce terme […] le dynamisme orienté de la finalité est une réalisation effectivement probable de possibilités […] le dynamisme orienté est réaliste. Il découle des lois classiques qui se fondent sur les formes, des lois statistiques qui se fondent sur les actes, du processus émergent qui se fonde sur la puissance. […] la finalité est universelle. Elle est tristesse de l'échec, tout autant que joie de la réussite. Elle se discerne tout autant dans les faux départs et les insuccès que dans la stabilité et le progrès. […] la finalité est nuancée. Elle ne consiste pas en une formule simpliste et unique. Elle est aussi concrète, aussi différenciée, aussi variée que le sont les multiples êtres de notre monde […] la finalité est flexible. Il y a le processus habituel de l'univers, dans lequel ont cours les mêmes lois classiques et les mêmes lois statistiques. Un processus habituel n'est toutefois pas une règle sans exception. Il y a des changements d'état. » (I, 465-467) « De même que la structure heuristique de notre connaître cadre avec la probabilité émergente généralisée de l'être proportionné, révélant un dynamisme de finalité à orientation ascendante, menant vers l'être de plus en plus entier, ainsi la structure obligatoire de la conscience de soi rationnelle (1) trouve ses matériaux et sa base dans les produits de finalité universelle, (2) est elle-même une finalité sur le plan de la conscience intelligente et rationnelle et (3) est une finalité confrontée à une alternative : développement et progrès, ou déclin et extinction. » (I, 617) « Comme le souligne l'existentialisme contemporain, L'homme se définit par une exigence. L'être humain se développe biologiquement aux fins de se développer psychiquement, et il se développe psychiquement aux fins de se développer intellectuellement et rationnellement. Les intégrations supérieures souffrent des désavantages d'une émergence plus tardive. Elles constituent les exigences que nous impose la finalité avant d'être des réalités en nous. » (I, 639) « Le besoin s'impose, par conséquent, d'une nouvelle manifestation de la finalité, du dynamisme à orientation ascendante mais indéterminée de la probabilité émergente généralisée. Dans le chapitre sur le sens commun comme objet, nous avons établi la nécessité d'un point de vue supérieur à celui du sens commun. Ce X, nous l'avons appelé « cosmopolis » » (I, 646) « Il convient donc de concevoir la finalité de manière plus juste. Nous n'avons pas affaire à un dynamisme ascendant et dirigé de manière indéterminée, mais plutôt à l'ordination anticipée de chaque puissance à l'égard de la forme qu'elle reçoit, de chaque forme à l'égard de l'acte qu'elle reçoit, de chaque variété d'actes inférieurs à l'égard d'unités et d'intégrations supérieures sous lesquelles elle est subsumée. Ainsi, toute tendance et toute force, tout mouvement et tout changement, tout désir et tout effort sont modelés de façon à faire advenir l'ordre de l'univers de la manière où ils y contribuent de fait. » (I, 678-679) « L'application à l'univers hiérarchisé de la distinction théorique du finis
qui et du finis quo a donc permis d'établir deux types de finalité : la finalité absolue, qui concerne la relation de toutes choses à Dieu dans
sa bonté intrinsèque, et la finalité horizontale, qui concerne la limitation de
l'essence à un mode limité d'appétition et de procession. Or, nous devons
maintenant nous pencher sur un troisième type de finalité : celle qui
concerne la relation de tout niveau inférieur à tout niveau supérieur
d'appétition et de procession. Ce type, nous l'appelons finalité
verticale. » (Finality,
Love, Marriage, dans Collection, 20) Heuristique (fonction) « Toute recherche vise à faire passer de l'inconnu au connu […] L'intermédiaire entre l'ignorance et le savoir, c'est donc une visée, et l'objet de cette visée, c'est un inconnu à connaître […] la méthode transcendantale remplit une fonction heuristique. Cette méthode manifeste la nature même de cette fonction lorsqu'elle met en évidence l'opération de viser ainsi que son corrélatif, l'objet visé, qui est à la fois inconnu et visé […] nous avons en main des déterminations fondamentales immédiatement utilisables toutes les fois que l'inconnu est un sujet humain ou un objet proportionné au processus humain de la connaissance, c'est-à-dire un objet qu'on peut connaître par l'expérience, la compréhension et le jugement. » (PMT, 36-37) « L'histoire [troisième fonction constituante de la théologie] s'intéresse aux significations en tant qu'elles s'incarnent dans des actes et des mouvements. » (PMT, 397) « C'est dans ce champ des paroles et des actions signifiantes que l'historien se trouve engagé. Bien sûr, ce n'est pas à lui mais à l'exégète de déterminer ce que les gens ont voulu dire. Comme il envisage un objet tout à fait différent, l'historien ne se contente pas de comprendre ce que les gens ont voulu dire, mais il cherche à saisir ce qui se préparait dans des groupes particuliers, à des endroits et à des moments précis. » (PMT, 205) « en général, l'histoire se manifeste comme un processus ininterrompu. À mesure que le processus se déploie, le contexte à l'intérieur duquel on doit comprendre les événements continue de s'élargir. Et à mesure que le contexte s'élargit, les perspectives changent. » (PMT, 221) « J'essaie tout simplement de montrer l'influence du passé sur le présent et, de cette façon, de communiquer ce qu'on veut dire par l'expression : l'homme est un être historique. Mais ce qui est historique, c'est l'histoire dont on cherche à faire le récit. On peut, si on la considère de l'intérieur, lui donner le nom d'histoire existentielle - cette tradition vivante qui nous a formés et nous a conduits au point où nous avons été en mesure de nous former nous-mêmes. » (PMT, 208-209) « il existe une différence entre l'expérience historique et la connaissance historique. La suite des témoignages dignes de foi ne fait que reproduire l'expérience historique. Elle ne devient pas par elle-même une connaissance historique capable de saisir ce qui se préparait, ce que la grande majorité des contemporains ne savaient pas. » (PMT, 213-212) « [le] processus unifié que constitue le développement de la compréhension […] se déroule à deux reprises. Dans un premier moment, en effet, l'historien comprend de plus en plus ses sources. Dans un deuxième moment, moyennant une utilisation intelligente de ses sources ainsi comprises, il réussit de mieux en mieux à comprendre l'objet auquel elles se rapportent. Dans les deux cas, on peut parler d'un développement heuristique, extatique, sélectif, critique et constructif de la compréhension. » (PMT, 217) « L'horizon d'une personne est toujours le fruit de son développement. » (PMP, 200) « Toute connaissance humaine se réalise dans un contexte, un horizon, une vision d'ensemble, un cadre universel, une Weltanschauung. Hors de ce contexte elle perd son sens, son importance, sa signification. En outre, l'ampleur de l'horizon d'une personne est proportionnelle au dépassement de soi. » (VTM, 56) « L'horizon est la frontière entre la docta ignorantia et l'indocta ignorantia. Ce qui est au-delà de mon horizon est insignifiant à mon sens, même si cela peut ne pas être insignifiant en soi. Cela n'a pas de valeur pour moi mais cela peut en avoir en soi. Mon horizon, la frontière entre ma docta et mon indocta ignorantia, correspond à mon souci; je ne connais mon horizon que de manière indirecte […] Mon horizon est la limite, la frontière, où mon souci, mon intérêt, s'estompe. Quand je m'approche de l'horizon, mon intérêt, mon attention, mon souci tombent, disparaissent. À l'horizon, ils se sont estompés tout simplement. Ce à quoi je ne prête jamais attention, je n'en sais rien, et c'est ce qui détermine mon horizon. » (PE, 83) « Le souci du sujet détermine son horizon, et son horizon délimite son monde […] mon monde est la partie de l'univers déterminée par l'horizon de mon souci. » (PE, 79) « le dépassement de mon horizon n'est pas une affaire toute simple. Il y a une résistance organisée à ce dépassement de l'horizon personnel […] pour aller au-delà de son horizon, sauf de manière tout à fait fortuite et insignifiante, il faut une réorganisation du sujet, une réorganisation de ses modes de vivre, de ses façons de ressentir, de penser, de juger, de désirer, de craindre, de vouloir, de délibérer et de choisir. » (PE, 83) « [L'expérience religieuse] L'expérience d'être en amour avec Dieu, c'est celle d'être en amour sans restriction […] Tout comme le questionnement sans limite constitue la capacité que nous avons de nous dépasser nous-mêmes, être en amour de façon illimitée est l'accomplissement propre de cette capacité. Cet accomplissement n'est pas le fruit d'un savoir ou d'un choix. Au contraire, il fait éclater et supprime l'horizon dans lequel se situaient notre connaissance et notre engagement, pour établir un nouvel horizon dans lequel l'amour de Dieu transvaluera nos valeurs et dans lequel le regard de cet amour transformera notre connaissance. » (PMT, 128) « ce qui se trouve au-delà de l'horizon de quelqu'un n'appartient tout simplement pas au champ de ses connaissances et de ses intérêts : il l'ignore et ne s'en préoccupe pas […] Ces différences quant à l'horizon sont complémentaires, génétiques ou dialectiques. Les travailleurs, les contremaîtres, les directeurs, les techniciens, les ingénieurs, les gérants, les médecins, les hommes de loi, les professeurs ont des intérêts différents et vivent, en un sens, dans des mondes différents […] Seuls, ils ne sont pas autosuffisants, mais ensemble ils représentent les motivations et le savoir requis pour le fonctionnement d'un monde collectif. De tels horizons sont donc complémentaires. Les horizons peuvent également différer génétiquement. Ils sont alors reliés comme les étapes successives d'un processus de développement […] les horizons peuvent s'opposer de façon dialectique. Ce qui est intelligible chez l'un est inintelligible chez l'autre. Ce qui est vrai pour l'un est faux pour l'autre. Ce qui est bien pour l'un est mal pour l'autre. » (PMT, 270-271) « L'empirisme, l'idéalisme et le réalisme supposent trois horizons complètement différents et sans objets identiques communs. » (PMT, 273) « il existe […] des sentiments dont nous sommes pleinement conscients et qui s'avèrent si profonds et si forts - surtout quand ils sont délibérément renforcés - qu'ils canalisent l'attention, configurent l'horizon et inspirent la vie d'un individu, Ici, l'exemple suprême est l'amour. Un homme ou une femme qui se met à aimer reste en amour non seulement en présence de l'aimé mais en tout temps. » (PMT, 47) « toute recherche se fait à l'intérieur d'un horizon, même si l'on ignore qu'on travaille à l'intérieur d'un horizon ou même si l'on suppose qu'on n'a aucun présupposé. Qu'ils soient explicitement reconnus ou non, les horizons dialectiquement opposés conduisent néanmoins à des jugements de valeur opposés, à des reconstitutions opposées de mouvements historiques, à des interprétations opposées portant sur les mêmes auteurs et à des sélections différentes dans les données pertinentes que la recherche spéciale s'efforce d'établir. » (PMT, 283) « par ‹ insight › nous n'entendons pas un acte d'attention ou de mémoire. L'insight, c'est la survenue de l'acte de compréhension. Et cet acte ne tient pas d'une obscure intuition. L'insight est l'événement familier qui se produit fréquemment, sans difficulté, chez une personne modérément intelligente, mais rarement et à grand-peine chez les gens très stupides […] c'est l'insight qui fait la différence entre le problème obsédant et la solution évidente […] vu qu'il est l'acte de l'intelligence organisatrice, l'insight est une appréhension de relations […] chaque insight est à la fois a priori et synthétique. À priori, parce qu'il dépasse ce qui est simplement présent aux sens et à la conscience empirique. Synthétique, parce qu'il ajoute à ce qui est simplement présent une unification ou une organisation explicative. » (I, 1-3) « L'insight 1) survient comme un relâchement de la tension de la recherche, 2) se produit de façon soudaine et inattendue, 3) est fonction de conditions intérieures et non de circonstances extérieures, 4) pivote entre le concret et l'abstrait et 5) s'intègre dans la trame des habitudes de l'esprit. » (I, 26) « l'utilisation que nous faisons des mots saisies (insights) et compréhension (understanding) est plus précise et, en même temps, a une portée plus large que la connotation et la dénotation de Verstehen. La saisie, en effet, se produit dans toute connaissance humaine, dans les mathématiques comme dans les sciences de la nature, dans le sens commun comme en philosophie, dans les sciences humaines comme en histoire et en théologie. Elle se produit : 1) en réponse à une recherche et 2) en relation avec des données ou des représentations sensibles, incluant les mots et les symboles de toutes sortes. De plus, elle consiste à saisir une unité ou une relation intelligible dans les données, dans l'image ou dans le symbole. Aussi constitue-t-elle la base dynamique d'où procèdent la conception, la définition, l'hypothèse, la théorie ou le système. » (PMT, 244) Note : Diverses traductions de cette notion ont été données ou proposées au fil des publications de l'œuvre de Lonergan en français. Dans La notion de verbe dans les écrits de saint Thomas d'Aquin, cette notion est rendue par « l'intuition pénétrant le phantasme ». Dans Pour une méthode en théologie et dans Les voies d'une théologie méthodique, les traducteurs ont choisi d'employer le terme « saisie ». Dans les traductions subséquentes (Pour une méthodologie philosophique, L'insight, La compréhension et l'être, Philosophie de l'éducation), c'est le mot « insight » qui a été retenu. Autre équivalent proposé : « intellection ». « L'insight direct permet de saisir ce qu'il y a à comprendre, ou de voir la solution, ou de connaître la raison; l'insight à rebours par contre permet de saisir que d'une certaine façon ce qu'il y a à comprendre, c'est qu'il n'y a rien à comprendre, que la solution consiste en la négation d'une solution, ou que la raison est que la rationalité du réel admet des distinctions et des restrictions. » (I, 41-42) « La trame de nos vies est intentionnelle pour autant que nous en avons le moindrement conscience. Certes, la conscience n'est pas la totalité de la réalité; il existe des sciences comme la biologie et la neurologie, la physique et la chimie; mais tout ce que nous sommes au-delà du niveau biologique, tout ce que nous connaissons, est contenu dans un champ d'intentionnalité, champ qui englobe le sensitif, l'intellectuel, le judicatif et le volontaire. » (PE, 197) « Voilà donc l'homme confronté à trois questions fondamentales : Qu'est-ce que je fais quand je connais? En quoi cette activité est-elle une connaissance? Qu'est-ce que je connais quand j'accomplis cette activité? Ces questions nous dégagent des domaines extérieurs du sens commun et de la théorie et nous orientent vers l'appropriation de notre propre intériorité, de notre subjectivité, de nos opérations, avec leur structure, leurs normes et leurs potentialités. » (PMT, 102) « Dans le domaine de la théorie, le langage devient technique, absolument objectif dans ses références, et il envisage le sujet et ses opérations comme de purs objets. Apparaît ensuite le domaine de l'intériorité, où le langage parle vraiment du sujet et de ses opérations en termes objectifs tout en s'appuyant sur une appropriation de soi qui a vérifié, dans l'expérience personnelle, quels sont l'agent, les opérations et les processus auxquels renvoient les termes fondamentaux et les relations fondamentales du langage employé. » (PMT, 294) « Au cours de la troisième phase [de la signification], tandis que les modes du sens commun et de la théorie demeurent en place, les sciences affirment leur autonomie vis-à-vis des philosophies existantes, et d'autres philosophies apparaissent qui laissent la théorie aux sciences et qui s'appuient désormais sur l'intériorité. » (PMT, 105) « Les grands textes, les classiques, que ce soit en matière de religion, de littérature, de philosophie ou de théologie, se situent au-delà de l'horizon initial de l'interprète et peuvent même exiger de lui, en plus d'un élargissement d'horizon, une conversion intellectuelle, morale ou religieuse […] C'est là la dimension existentielle du problème de l'herméneutique. » (PMT, 187-188) « La meilleure façon d'aborder le problème de l'interprétation est de poser la distinction entre l'expression, l'interprétation simple et l'interprétation réflexive. Une expression, comme nous l'avons vu, est un flot verbal régi par un insight pratique F qui dépend d'un insight principal A devant être communiqué, d'une saisie B du développement intellectuel habituel C d'un auditoire anticipé et d'une saisie D des lacunes de l'insight E dont la résolution est nécessaire à la communication de l'insight A. Par ‹ interprétation › nous entendons une deuxième expression à l'intention d'un auditoire différent […] Dans l'interprétation simple, l'insight principal A' devant être communiqué est censé coïncider avec l'insight principal A de l'expression originale. [Dans l']interprétation réflexive […] l'insight B'' est une saisie de la saisie habituelle C'' que l'auditoire a de son propre développement intellectuel C', ainsi que de la différence entre ce développement et l'accumulation habituelle des insights C chez l'auditoire initial. » (I, 577-578) « Le premier point que je veux avancer en présentant la théorie de l'interprétation, c'est que tous les documents et tous les monuments du passé ne sont que des signes sensibles se présentant dans un certain ordre spatial. Toute intelligibilité attribuée à ces signes n'existe formellement que chez l'interprète et est fonction de sa capacité d'interpréter […] Toute interprétation dépend de la capacité qu'a l'interprète de passer de ses expériences à la reconstruction par l'imagination de la situation passée, de sa compréhension à une explication hypothétique de la compréhension exprimée par ces signes, de sa connaissance des possibilités du jugement humain et des possibilités découlant du polymorphisme du sujet humain au type de jugements et au type de décisions et de motifs existant derrière ces signes […] Deuxièmement […] pour résoudre le problème de l'interprétation, il me faut […] développer mon intelligence au maximum. Les jugements interprétatifs exacts ne sont possibles qu'au prix du développement le plus étendu de l'intelligence. » (CE, 224-225) « Une explication systématique des problèmes de l'interprétation cède la place dans [Pour une méthode en théologie] à une série ordonnée d'indications sur ce qui doit être fait pour avancer sur la voie d'un point de vue universel. » (PMP, 31) « L'acte de jugement est celui par lequel on donne son assentiment à une proposition, qui cesse d'être l'expression d'un objet de pensée, l'expression de quelque idée brillante qui me passe par la tête, pour devenir un objet d'affirmation […] l'une des caractéristiques de l'acte de jugement, c'est qu'il transforme une proposition, d'un objet de pensée en objet de connaissance […] Le jugement possède une deuxième caractéristique. Comme l'insight est relié aux présentations, à la recherche et à la conception, ainsi le jugement est-il relié à tout ce qui le précède dans le processus […] Le jugement est une réponse à une question relevant de la réflexion. » (CE, 112-115) « Lorsque vous appréhendez l'inconditionné et l'affirmez, le processus de la connaissance dépasse la subjectivité du simple fait que vous atteignez un inconditionné. Par le jugement, j'accède à un monde absolu […] Je m'achemine à travers le jugement, à travers l'inconditionné, vers un monde absolu, et j'y trouve non seulement des objets mais aussi moi-même. » (CE, 176) « Le jugement fait rationnellement suite à la saisie d'un inconditionné de fait. » (PMT, 124) « l'expérience et la compréhension, mises ensemble, ne constituent pas une connaissance, mais seulement une pensée. Le passage de la pensée à la connaissance exige la saisie réflexive de l'inconditionné de fait ainsi que son conséquent rationnel, le jugement. » (PMT, 245) « Dans Pour une méthode, le bien est une notion distincte. Il est visé intentionnellement dans des questions relevant de la délibération : cela en vaut-il la peine? Est-ce réellement bien ou seulement en apparence? On y tend dans la réponse intentionnelle du sentiment aux valeurs. Il est connu dans les jugements de valeur posés par une personne vertueuse ou authentique ayant une conscience droite. » (PMP, 32-33) « si le savant est parvenu à se dépasser dans l'ordre de la connaissance en posant des jugements de réalité et dans l'ordre moral en posant des jugements de valeur … » (PMT, 61) « Les jugements de valeur diffèrent des jugements de réalité quant au contenu mais non quant à la structure […] Le jugement de valeur renferme donc trois composantes : d'abord la connaissance de la réalité, en particulier de la réalité humaine; ensuite des réponses intentionnelles aux valeurs; et troisièmement l'élan initial vers le dépassement de soi d'ordre moral qui constitue le jugement de valeur lui-même. » (PMT, 53) « La différence entre la liberté essentielle et la liberté réelle tient à la différence entre une structure dynamique et sa portée opérationnelle. L'être humain jouit d'une liberté essentielle étant donné que des lignes de conduite possibles sont saisies par l'insight pratique, que leurs motifs sont cernés par la réflexion, et qu'elles sont exécutées par la décision. L'être humain jouit toutefois d'une liberté réelle dans une mesure qui varie suivant que sa structure dynamique est plus ou moins ouverte à la saisie d'une gamme vaste ou limitée de lignes de conduite autrement possibles, à la détermination de leurs motifs et à leur exécution. Je peux par exemple avoir la liberté essentielle mais non la liberté réelle de cesser de fumer. » (I, 634) « Joseph de Finance a établi une distinction entre l'exercice horizontal et l'exercice vertical de la liberté. L'exercice horizontal est la décision ou le choix qui se fait à l'intérieur d'un horizon déterminé; l'exercice vertical est l'ensemble des jugements et des décisions grâce auxquels nous passons d'un horizon à l'autre » (PMT, 272) « Il faut mentionner, en dernier lieu, la notion de médiation. Les opérations sont dites immédiates quand sont présents les objets sur lesquelles elles portent. Est immédiat, par exemple, l'acte de voir par rapport à ce qui est vu, l'acte d'entendre par rapport à ce qui est entendu, le toucher par rapport à ce qui est touché. Mais par l'imagination, le langage, les symboles, nous procédons par combinaison : de façon immédiate en ce qui a trait à l'image, au mot, au symbole, et de façon médiate à l'égard de ce qui est représenté ou signifié. De cette manière, nos opérations en viennent à porter non seulement sur ce qui est présent et réel, mais aussi sur ce qui est absent, passé, futur, simplement possible, idéal, normatif ou fantastique. Au cours de l'apprentissage d'une langue, l'enfant sort du monde que constitue son entourage immédiat et accède au monde beaucoup plus large qui lui est révélé à travers les souvenirs des autres, le sens commun d'une communauté, la littérature, les travaux des érudits, les investigations des scientifiques, l'expérience des saints, la pensée des philosophes et des théologiens. » (PMT, 42) « au fur et à mesure que la maîtrise et le maniement du langage se développent, le monde d'un enfant s'agrandit énormément […] Ce vaste monde, médiatisé par la signification, ne s'identifie pas à l'expérience immédiate d'un individu […] Cet apport de la compréhension et du jugement est ce qui rend possible un monde médiatisé par la signification, ce qui le structure et l'unifie, ce qui le constitue en un tout ordonné […] En plus du monde immédiat du petit enfant et du monde de l'adulte médiatisé par la signification, mentionnons la médiation de l'immédiateté par la signification, qui se réalise lorsque, dans la méthode transcendantale, on objective le processus cognitif et qu'en thérapie, on découvre, identifie et accepte ses sentiments secrets. Mentionnons enfin l'abandon de l'objectivation et le retour médiatisé à l'immédiateté qui caractérisent l'union des amants et la prière du mystique enveloppé dans le nuage de l'inconnaissance. » (PMT, 95-96) « On peut définir une méthode comme un schème normatif d'opérations susceptibles d'être reproduites (recurrent), reliées entre elles et qui donnent des résultats cumulatifs et progressifs. » (PMT, 16) « Ce que nous avons décrit comme un schème fondamental d'opérations, c'est la méthode transcendantale. Nous l'appelons méthode, car elle est un schème normatif d'opérations susceptibles d'être reproduites, reliées entre elles et qui donnent des résultats cumulatifs et progressifs. Nous l'appelons transcendantale, car les résultats escomptés ne se limitent pas aux catégories d'un sujet ou d'un domaine particulier, mais englobent n'importe quel résultat susceptible d'être visé par les notions transcendantales, qui sont ouvertes à tous. » (PMT, 27) « [Les fonctions de la méthode transcendantale]. En premier lieu, vient la fonction normative […] Le fondement ultime des préceptes transcendantaux, tout comme celui des préceptes catégoriaux, c'est finalement l'importance que l'on reconnaît à la différence qui existe entre l'attention et l'inattention, l'intelligence et la stupidité, la rationalité et l'irrationalité, la responsabilité et l'irresponsabilité. En deuxième lieu, la méthode transcendantale exerce une fonction critique […] les divergences touchant […] la réalité […] peuvent être ramenées à des divergences relatives [à] la connaissance et l'objectivité. Les divergences à propos [de] l'objectivité […] peuvent être ramenées aux divergences portant sur […] la théorie de la connaissance. Enfin, les divergences relatives à la théorie de la connaissance peuvent être éliminées en mettant en évidence la contradiction qui existe entre une théorie erronée de la connaissance et l'activité réelle de connaissance du théoricien induit en erreur […] En troisième lieu, la méthode possède une fonction dialectique. L'utilisation critique de la méthode transcendantale peut en effet s'appliquer à toute théorie erronée de la connaissance […] En quatrième lieu, il y a la fonction systématique. Car dans la mesure où cette méthode transcendantale est objectivée, on peut déterminer un ensemble de termes fondamentaux et de relations fondamentales, c'est-à-dire les termes qui se rapportent aux opérations du processus de connaissance et les relations qui unissent entre elles ces opérations […] En cinquième lieu, cette fonction systématique assure une continuité sans imposer aucune rigidité. La continuité est assurée par ce qui est à la source des termes fondamentaux et des relations fondamentales, à savoir le processus de la connaissance humaine dans sa réalité concrète. Aucune rigidité n'est imposée puisqu'on n'écarte en aucune manière la possibilité d'une compréhension plus profonde et plus adéquate du processus de la connaissance humaine […] En sixième lieu, il faut souligner la fonction heuristique […] Cette méthode manifeste la nature même de [la fonction heuristique] lorsqu'elle met en évidence l'opération de viser ainsi que son corrélatif, l'objet visé, qui est à la fois inconnu et visé […] nous avons en main des déterminations fondamentales immédiatement utilisables toutes les fois que l'inconnu est un sujet humain ou un objet proportionné au processus humain de la connaissance, c'est-à-dire un objet que l'on peut connaître par l'expérience, la compréhension et le jugement. En septième lieu, vient la fonction fondatrice […] C'est dans la mesure où les méthodes particulières reconnaîtront dans la méthode transcendantale leur noyau commun que des normes communes à toutes les sciences seront reconnues, que l'on atteindra une base solide permettant de s'attaquer aux problèmes interdisciplinaires [Les huitième, neuvième et dixième fonctions concernent la théologie] En onzième lieu, la méthode transcendantale constitue une clef pour l'unification des sciences […] Par la connaissance de soi, l'appropriation et la possession de soi […] il devient possible d'entrevoir une époque où les chercheurs engagés dans tous les domaines pourront trouver dans la méthode transcendantale des normes communes, des fondements communs, une systématisation commune, ainsi que des procédés communs de critique, de dialectique et d'heuristique [La douzième fonction concerne la théologie] » (PMT, 34-39) « la méthode […] consiste à transposer la signification systématique d'un contexte statique à un contexte évolutif et dynamique. » (PMT, 345) « l'idée de base de la méthode que nous essayons de développer s'appuie sur la découverte de ce qu'est l'authenticité humaine et sur une manière adéquate d'y faire appel. Ce n'est pas une méthode infaillible, car les hommes demeurent facilement dans l'inauthenticité, mais c'est une méthode efficace, car l'authenticité est à la fois le besoin le plus profond de l'homme et la réussite qu'on estime le plus chez lui. » (PMT, 290) « À l'intérieur d'une méthode transcendantale contemporaine, on clarifie le sujet à partir des objets, et l'on clarifie les objets à partir des opérations par lesquelles ils sont connus. » (VTM, 189) Méthode empirique généralisée « Nous n'avons donc pas adopté la méthode de la science empirique, qui tire ses données du domaine des présentations sensibles. Nous avons eu cependant l'occasion de parler d'une méthode empirique généralisée qui est aux données de la conscience ce que la méthode empirique est aux données des sens […] cette méthode généralisée […] consiste en une détermination des configurations des relations intelligibles qui unissent les données d'une manière explicative. » (I, 262) « la méthode empirique généralisée […] sous-tend aussi bien la méthode scientifique que la méthode historique pour fournir à la philosophie une théorie fondamentale de la connaissance, une épistémologie et, en corollaire, une métaphysique de l'être fini. À ce palier, la logique perd sa position-clé pour ne devenir qu'une modeste partie de la méthode … » (VTM, 220) « La méthode empirique généralisée est d'abord une méthode. C'est un schème normatif d'opérations reliées entre elles, susceptibles de récurrence et qui donnent des résultats cumulatifs et progressifs […] La méthode empirique généralisée […] considère à la fois les données des sens et celles de la conscience : elle ne s'arrête pas aux objets sans tenir compte des opérations correspondantes du sujet, et ne s'intéresse pas à ce dernier en laissant de côté les corrélats de sa conscience. Comme cette méthode généralise la notion de données pour y inclure les données de la conscience, elle généralise aussi la notion de méthode. Elle veut se situer à un stade antérieur à la division de la méthode en méthode expérimentale des sciences de la nature et méthodes très diverses de l'herméneutique et de l'histoire. Elle se veut en quelque sorte la découverte de leurs racines communes, ouvrant ainsi la voie à leur harmonieuse conjugaison dans l'étude de l'humain. » (VTM, 118-119) Niveaux de conscience et d'intentionnalité « la conscience et l'intentionnalité empiriques ne sont qu'un tremplin qui nous projette vers des activités ultérieures. Les données des sens incitent à la recherche, laquelle conduit à la compréhension […] sans l'effort de comprendre et sans ses résultats plus ou moins conciliables, nous n'aurions aucune matière sur laquelle faire porter nos jugements. Mais de telles occasions de juger se répètent et le sujet, capable d'expérience et de compréhension, manifeste alors sa rationalité réflexive et critique. Une fois de plus, c'est d'un moi agrandi qu'il devient conscient […] Il existe enfin une autre dimension propre à l'être humain, celle où nous émergeons comme personnes, où nous nous rencontrons les uns les autres dans un souci commun des valeurs … » (PMT, 22-23) « nos opérations conscientes et intentionnelles se produisent à quatre niveaux distincts et […] chacun d'eux comporte un critère de réussite et un but à lui. Le critère de réussite et le but du premier niveau - l'expérience - c'est la perception des données; ceux du deuxième niveau - la compréhension - c'est la saisie qu'on effectue dans les données perçues; ceux du troisième niveau - le jugement - c'est l'acceptation ou le rejet des hypothèses et des théories mises de l'avant par la compréhension pour rendre compte des données; et ceux du quatrième niveau - la décision - c'est la reconnaissance des valeurs et le choix des méthodes et des moyens qui permettent de réaliser ces valeurs. » (PMT, 157-158) « La notion de l'objectivité est principalement contenue dans un contexte configuré de jugements. » (I, 394) « Le fondement de l'objectivité absolue est l'inconditionné de fait qui est saisi par la compréhension réflexive et établi dans le jugement. » (I, 396-397) « Ce qui constitue l'objectivité normative, c'est l'exigence immanente du pur désir [de connaître], dans la poursuite de son objectif sans restriction. » (I, 399) « Le troisième aspect partiel de l'objectivité est l'aspect expérientiel. Il s'agit du donné en tant que donné. C'est le champ des matériaux sur lesquels porte notre recherche, où l'on trouve l'accomplissement des conditions du conditionné … » (I, 400) Point de vue supérieur « Les insights particuliers se produisent soit isolément soit dans des domaines connexes. Dans ce dernier cas, les insights s'associent, s'agglomèrent. et se fondent dans la maîtrise d'un sujet. Ils servent de fondement à des ensembles de définitions, de postulats, de déductions […] D'autres insights se produisent […] De nouvelles définitions et de nouveaux postulats sont mis de l'avant. Un champ de déductions nouveau et plus vaste est établi. Il devient possible d'obtenir des applications plus amples et plus précises. Une transformation si complexe de la structure globale d'insights, de définitions, de postulats, de déductions et d'applications peut être qualifiée sommairement d'émergence d'un point de vue supérieur. » (I, 35-36) « L'introduction d'une science supérieure autonome n'entrave en rien l'autonomie de la science inférieure […] la succession des sciences correspondant à la succession des genres supérieurs n'admet aucune transition purement logique […] Une telle mise en relation des grandes disciplines scientifiques correspond à la notion des points de vue supérieurs successifs » (I, 276) « Par ‹ point de vue universel › nous entendons une totalité potentielle de points de vue ordonnés génétiquement et dialectiquement. » (I, 579) « [le canon de la pertinence] exige que l'interprète parte du point de vue universel, et que son interprétation véhicule quelque différenciation de la notion protéiforme de l'être. Le fait de partir d'un point de vue universel élimine non seulement la relativité de l'interprète à l'égard de son auditoire à venir, mais également la relativité de l'interprète et de l'auditoire à la fois … » (I, 601) « un point de vue est universel dans la mesure 1) où il est un et cohérent, 2) où il soulève des questions trop fondamentales pour être esquivées et 3) où son analyse des données factuelles est suffisamment pénétrante pour expliquer l'existence de tous les autres points de vue tout en établissant ses propres fondements. » (I, 693) « Toutes les méthodes particulières consistent à appliquer, chacune à sa manière, les préceptes transcendantaux : sois attentif, sois intelligent, sois rationnel, sois responsable. Mais avant d'être formulés en concepts et exprimés en paroles, ces préceptes sont dotés d'une existence et d'une réalité antérieures dans le dynamisme spontané et structuré de la conscience humaine. De plus, tout comme les préceptes transcendantaux sont basés simplement sur une étude des opérations elles-mêmes, ainsi les préceptes catégoriaux spécifiques sont basés sur une étude de l'esprit tel qu'on le voit à l'œuvre dans un domaine déterminé. Le fondement ultime des préceptes transcendantaux, tout comme celui des préceptes catégoriaux, c'est finalement l'importance que l'on reconnaît à la différence qui existe entre l'attention et l'inattention, l'intelligence et la stupidité, la rationalité et l'irrationalité, la responsabilité et l'irresponsabilité. » (PMT, 34) « Il a été posé qu'une théorie de la probabilité émergente présente de façon générique l'intelligibilité immanente au processus universel. La probabilité émergente est la réalisation successive des possibilités des situations concrètes en accord avec leurs probabilités. » (I, 190) « si les affaires humaines tombent sous le coup de la probabilité émergente, une telle soumission se réalise d'une façon bien particulière […] Comme, chez l'individu, le courant de la conscience choisit normalement son propre cours à l'intérieur de la gamme des possibilités déterminées sur le plan neural, ainsi, au sein du groupe, les insights communément accessibles, disséminés par la communication et la persuasion, modifient et adaptent des mentalités pour déterminer le cours de l'histoire à partir des possibilités offertes par la probabilité émergente. » (I, 229-230) « Les sciences humaines peuvent se permettre d'ignorer la perspective scientifique du déterminisme mécaniste, en vogue au siècle dernier, et lui préférer celle d'une probabilité émergente. Elles peuvent tirer profit de la distinction entre la probabilité émergente intelligible du processus préhumain et la probabilité émergente intelligente qui se manifeste dans la mesure où l'être humain parvient à se comprendre lui-même et à mettre en oeuvre cette compréhension. » (I, 255) « Derrière l'orientation générale du développement et son mode général d'opération se profile une troisième considération générale, celle du champ où se produit le développement. En termes métaphysiques, ce champ peut être décrit comme la finalité, le dynamisme ascendant de l'être proportionné. Par contre, du point de vue des implications de la méthode scientifique, ce champ peut être décrit plus précisément comme une probabilité émergente généralisée. C'est une probabilité émergente qui fournit les variétés fortuites initiales d'événements dans lesquelles émergent les formes conjuguées supérieures. C'est une probabilité émergente qui fournit la série composée conditionnée de choses et de schèmes de récurrence tels que l'organisme, la psychè ou l'intelligence en développement auront un environnement où ils pourront fonctionner effectivement. C'est face à ce champ de la probabilité émergente que la séquence génétique jouira d'une double flexibilité : une flexibilité mineure assurant l'atteinte du même but par des voies différentes et une flexibilité majeure remplaçant le but en fonction de changements environnementaux. » (I, 480-481) « Lorsqu'un animal n'a rien à faire, il s'endort. Lorsqu'un humain n'a rien à faire, il peut se poser des questions. Le premier moment est un éveil de son intelligence. Une libération de l'emprise des besoins biologiques et de la routine quotidienne. L'émergence effective de l'étonnement, du désir de comprendre. » (I, 32) « Les questions […] ne sont pas un agrégat de monades isolées. Dès qu'une question donne lieu à un insight, il suffit d'agir, de parler ou même simplement de penser en se fondant sur cet insight pour en constater le caractère incomplet et faire émerger par le fait même une autre question. » (I, 192) « Notons d'abord les questions relevant de la compréhension. On se demande : qu'est-ce que c'est? pourquoi? comment? dans quel but? […] Aux questions relevant de la compréhension succèdent celles qui relèvent de la réflexion. On dépasse l'imagination et la supposition, l'idée et l'hypothèse, la théorie et le système, pour se demander si, oui ou non, il en est réellement ainsi, ou s'il pourrait en être ainsi. Le dépassement de soi revêt alors une nouvelle signification. Non seulement va-t-il au-delà du sujet, mais il cherche aussi ce qui est indépendant du sujet […] Pourtant, un tel dépassement de soi n'est encore que cognitif. Il ne se réalise pas dans l'ordre de l'agir, mais uniquement dans l'ordre de la connaissance. Au niveau final toutefois, à savoir celui des questions relevant de la délibération, le dépassement de soi devient moral. Lorsqu'on se demande si ceci ou cela est valable, s'il s'agit d'un bien simplement apparent ou d'un bien véritable, la recherche ne porte pas sur le plaisir ou la douleur, sur le bien-être ou le malaise, sur la spontanéité sensible, sur un avantage individuel ou collectif, mais sur une valeur objective. » (PMT, 126-127) « La prémisse majeure marque le lien entre le conditionné et ses conditions; la mineure exprime l'accomplissement des conditions; la conclusion présente le conditionné comme inconditionné de fait […] Le lien est saisi quand on saisit que son insight est invulnérable, qu'il n'y a pas d'autres questions pertinentes […] Un insight est corrigé dans la mesure où l'on se pose d'autres questions et qu'on voit la nécessité d'un autre insight pour nuancer, corriger, combler ou compléter de quelque façon l'insight qu'on avait déjà. Quand on voit qu'aucune autre question pertinente ne surgit, on est sûr du lien. » (PE, 139-120) « au troisième niveau, celui de la réflexion, de la saisie de l'inconditionné, du jugement, se manifeste la conscience rationnelle […] Cette conscience émerge comme une tension vers l'inconditionné et comme un refus de donner son assentiment sans réserve à un fondement qui serait en deçà de cet inconditionné. » (I, 340) « Le jugement est un acte de la conscience rationnelle, alors que la décision est un acte de la conscience de soi rationnelle. » (I, 627) « L'affirmation est rationnelle puisqu'elle découle d'un acte de compréhension réflexive grâce auquel on saisit l'inconditionné de fait. » (PMT, 93-94) « Toutes les méthodes particulières consistent à appliquer, chacune à sa manière, les préceptes transcendantaux : sois attentif, sois intelligent, sois rationnel, sois responsable. » (PMT, 34) « le réalisme est immédiat, non pas parce qu'il est naïf, affirmé sans raison et aveuglément, mais parce que nous connaissons le réel avant de connaître une différence à l'intérieur du réel, telle que la différence entre le sujet et l'objet. » (V, 89-90) « Le dualisme cartésien découle d'un double réalisme. Et les deux réalismes qui le constituent sont corrects. Le réalisme de l'animal extraverti n'est pas erroné, pas plus d'ailleurs que le réalisme de l'affirmation rationnelle. Le problème, c'est que ces deux réalismes sont incompatibles tant que n'ont pas été distingués nettement deux types de connaître. » (I, 433) « Le réaliste naïf connaît le monde médiatisé par la signification, mais il pense qu'il le connaît en le regardant. L'empiriste réduit la connaissance objective à l'expérience sensible; pour lui, comprendre et concevoir, juger et croire sont simplement des activités subjectives. L'idéaliste insiste sur le fait que la connaissance humaine inclut toujours aussi bien la compréhension que la perception sensible; mais il maintient la notion empirique de la réalité et il considère ainsi le monde médiatisé par la signification non comme réel, mais comme idéal. Seul le réaliste critique peut reconnaître tous les éléments de la connaissance humaine et déclarer que le monde médiatisé par la signification constitue le monde réel; il ne peut le faire que dans la mesure où il montre comment le processus de l'expérience, de la compréhension et du jugement est un processus de dépassement de soi. » (PMT, 273) (inquiry) « L'insight survient comme un relâchement de la tension de la recherche. » (I, 26) « Nous avons déjà eu l'occasion de parler de la tension psychologique qui se relâche dans la joie de la découverte. C'est cette tension, ce besoin, ce désir de comprendre, qui constitue le « pourquoi? » primordial. Quelle que soit la façon de désigner cette réalité - vivacité d'esprit, curiosité intellectuelle, esprit de la recherche, intelligence active, besoin de connaître - il s'agit toujours de la même réalité qui, j'en suis sûr, vous est très familière. » (I, 32) « Nous avons parlé de la recherche et de l'insight. Par recherche, nous n'entendions pas l'acte de s'étonner, purement et simplement, mais plutôt l'acte de s'étonner de quelque chose. » (I, 362) « Au niveau empirique, nous sentons, percevons, imaginons, éprouvons, parlons, bougeons. Au niveau intellectuel, nous cherchons, parvenons à comprendre […] ce que nous espérons trouver dans la recherche, ce n'est jamais simplement une nouvelle série de données, mais plutôt l'idée ou la forme, l'unité ou la relation intelligible qui organise les données en des ensembles intelligibles. » (PMT, 22) (research) « La recherche des données (research) procure à la théologie les données dont elle a besoin. Elle est générale ou spéciale. La recherche spéciale s'applique à recueillir les données qui touchent à une question ou à un problème particulier, comme la pensée de M. X… sur la question Y […] la recherche générale […] repère des villes antiques, les fouille et en dresse les plans. Elle remplit les musées et reproduit ou copie les inscriptions, les symboles, les images et les statues. Elle déchiffre les écritures et les langues inconnues. Elle assemble et catalogue les manuscrits en vue d'éditions critiques. » (PMT, 151) « les religions appréhendent la signification ultime et la valeur absolue d'une façon symbolique. » (VTM, 138) « Avant d'entrer dans le monde médiatisé par la signification, la religion est la parole originelle que Dieu nous adresse en répandant son amour dans nos cœurs. Cette parole originelle n'appartient pas au monde médiatisé par la signification, mais au monde de l'immédiateté, à l'expérience non médiatisée d'un mystère d'amour et d'effroi […] La parole est […] personnelle […] La parole a également une portée sociale […] La parole, enfin, est historique. Elle est la signification proclamée. Elle doit trouver sa place dans le contexte d'autres significations, non religieuses. Elle doit emprunter et adapter un langage mieux fait pour ce monde que pour la transcendance. » (PMT, 135-136) « Une fois différenciés ces trois domaines que sont le sens commun, la théorie et l'intériorité, l'appropriation de soi qu'effectuera le sujet conduira ce dernier à une objectivation qui portera non seulement sur l'expérience, la compréhension, le jugement et la décision, mais aussi sur l'expérience religieuse. Il faut également distinguer, d'une part, ces objectivations du don de l'amour de Dieu qui se réalisent dans les domaines du sens commun, de la théorie et de l'intériorité et, d'autre part, l'émergence de ce don, qui constitue en lui-même un domaine différencié [la transcendance]. » (PMT, 304) « Comme exemple d'un schème de récurrence, le lecteur peut songer au système planétaire, à la circulation de l'eau à la surface de la terre, au cycle de l'azote, bien connu des biologistes, aux routines de la vie animale, aux rythmes économiques répétitifs de production et d'échange. » (I, 138) « Il existe dans le domaine des événements humains et des relations humaines, tout comme dans les domaines de la physique, de la chimie et de la biologie, des lois classiques et des lois statistiques qui se combinent concrètement dans des ensembles cumulatifs de schèmes de récurrence. Car l'apparition de l'être humain n'abroge pas la règle de la probabilité émergente. Les actions humaines sont récurrentes. Leur récurrence est régulière. Et cette régularité consiste dans le fonctionnement d'un schème, d'un ensemble de relations configuré, qui aboutit à des conclusions du type : si X se produit, X va se reproduire. » (I, 228-229) « le dynamisme orienté de la finalité ne tient pas du déductivisme, car le déductivisme constitue une erreur. Des prédictions justes sont possibles, mais leur possibilité se fonde sur la survie de schèmes de récurrence. Une telle survie n'est pas nécessaire; elle est probable. » (I, 465-466) « Les événements physiques réguliers ont tendance à se reproduire dans quelque schème déterminé unique. Or les événements organiques, psychiques et intellectuels ne sont pas récurrents dans des schèmes uniques, mais plutôt dans des cercles flexibles de gammes de schèmes. Et ce n'est pas tout. Il y a le fait du développement. À travers le temps, les formes conjuguées passent d'une indétermination générique à une perfection spécifique. De façon concomitante, le cercle flexible des schèmes de récurrence change et s'étend à la fois. » (I, 479) « On peut décrire le sens commun en insistant sur ce qu'il n'est pas, à savoir une exploitation méthodique de l'universalité […] Le sens commun consiste donc en un noyau fondamental d'insights, qui permet à chacun de s'adapter de façon efficace aux conditions personnelles et matérielles de la vie quotidienne, selon la culture et la classe auxquelles il appartient. De là vient que le scientifique ou le mathématicien veulent établir des principes universels applicables à tous les cas, alors que les gens vivant dans le domaine du sens commun s'en remettent aux proverbes. Et que sont les proverbes? Ce sont des règles générales dont on découvre l'utilité quand on s'y arrête. » (CE, 91, 96-97) « Dans le cas plus courant, que nous appelons le sens commun, le désir de connaître est tout simplement une composante du désir de vivre et la connaissance, une composante de la vie. La connaissance est un aspect important de la vie et elle y joue un rôle fondamental. On ne saurait trop insister là-dessus. Seulement, la connaissance n'est pas recherchée pour elle-même, elle ne devient pas une fin en soi. Ce n'est qu'une partie du grand tout de la vie, la vie vécue comme être humain. Dans le cas présent, la spécialisation de la connaissance ne s'effectue pas en dehors du pratique. » (CE, 91) « Qu'est-ce que le sens commun? Fondamentalement, il s'agit d'une accumulation d'insights qui crée une habitude intellectuelle […] L'accumulation d'insights relativement à des comportements concrets constitue le développement fondamental et commun de la compréhension humaine. Elle n'implique pas une différenciation nette entre les sens et l'intellect, le corps et l'âme, le signe et le signifié, l'appréhension et l'appétition. Les gens comprennent; mais n'allez pas leur demander pourquoi - c'est comme ça, et c'est tout. Voilà le développement normal de la compréhension humaine. Si vous cherchez une compréhension au-delà du sens commun, les gens diront que votre propos devient technique. » (PE, 66) « L'exigence systématique différencie les domaines du sens commun et de la théorie […] Le domaine du sens commun est celui des personnes et des choses en relation avec nous … » (PMT, 100) « Ma formulation du sens commun me fournit une base générale permettant de distinguer quatre niveaux d'intégration […] Le premier niveau d'intégration est le sens commun indifférencié. Le sens commun indifférencié caractérise les primitifs. Dans les sociétés primitives, le même développement de la compréhension se déploie chez tous les membres de la tribu ou du clan. La pensée est une entreprise collective […] Le deuxième niveau d'intégration est celui du sens commun différencié, celui de la différenciation du sens commun par la division du travail. On peut associer ce niveau d'intégration aux sociétés d'Égypte, de Crête, de Sumer, de Babylone, d'Assyrie, des grandes civilisations antiques des vallées de l'Indus et de Hwang Ho, des Mayas d'Amérique centrale et des Incas du Pérou […] Le troisième niveau d'intégration implique la différenciation de la conscience, l'émergence de la configuration d'expérience intellectuelle. Nous l'appellerons le pur développement de la compréhension humaine. C'est ce qu'on entend par le classicisme en son sens optimal, celui de la culture grecque […] Il faut donc un quatrième niveau d'intégration, un niveau qui comporte à la fois un prolongement du développement pur et une transition vers le développement appliqué et la mentalité pratique. Il y a un prolongement du développement pur dans le passage des objets formels abstraits à la méthode génétique et aux groupes d'opérations. Il y a un développement appliqué dans les progrès de la technologie, dans l'industrie, l'éducation des masses, l'avènement de la médecine moderne comme science appliquée. Même la philosophie peut être appliquée; la conscience historique émerge lorsque est saisie la pertinence de la compréhension et de la sagesse humaines pour l'ensemble de la vie humaine. » (PE, 68-71) « Le premier rôle de la signification est d'ordre cognitif. Il nous entraîne en dehors du monde de l'immédiateté propre au petit enfant, pour nous faire entrer dans le monde de l'adulte, monde médiatisé par la signification. » (PMT, 95) « Dans l'ensemble, nous aurons en tête la tradition occidentale et nous y distinguerons trois phases [de la signification]. Durant la première, les opérations conscientes et intentionnelles se produisent selon le mode du sens commun. Pendant la deuxième phase, le mode de la théorie, qui obéit aux lois de la logique, s'ajoute à celui du sens commun. Au cours de la troisième phase, tandis que les modes du sens commun et de la théorie demeurent en place, les sciences affirment leur autonomie vis-à-vis des philosophies existantes, et d'autres philosophies apparaissent qui laissent la théorie aux sciences et qui s'appuient désormais sur l'intériorité. » (PMT, 105) « Déjà, durant cette première phase, la signification remplit ses quatre rôles : elle est communicative, constitutive, efficiente et cognitive. » (PMT, 109) « À propos de la signification, mon premier thème sera les types de la signification; distinguons-en cinq : intersubjective, symbolique, incarnée, artistique et linguistique. » (PMP, 123) « La structure […] est appelée « heuristique » puisqu'elle anticipe des insights […] et, tout en se détachant de leur contenu encore inconnu, permet une élaboration de leurs propriétés générales de façon à orienter méthodiquement la recherche. Enfin, elle est appelée « structure » puisque, même si elle est opérative, elle n'est pas connue de façon explicite tant que la méprise à propos de l'insight (oversight of insight) ne fait pas place à l'insight sur l'insight. » (I, 67) « La métaphysique explicite est la conception, l'affirmation et la mise en œuvre de la structure heuristique intégrale de l'être proportionné […] Une notion heuristique est […] la notion d'un contenu inconnu, et elle est déterminée par une anticipation du genre d'acte par lequel l'inconnu deviendrait connu. Une structure heuristique est un ensemble ordonné de notions heuristiques. Enfin, une structure heuristique intégrale est l'ensemble ordonné de toutes les notions heuristiques. » (I, 410-411) « Un point de vue universel est simplement une structure heuristique qui contient virtuellement les diverses gammes des interprétations possibles. » (I, 580) « Nous allons d'abord rappeler la structure de la méthode empirique classique. Cette structure opère à la façon d'une paire de ciseaux. La lame supérieure consiste en une structure heuristique. Ainsi, la nature à connaître sera exprimée par quelque fonction. Cette fonction satisfera à des équations différentielles qui peuvent être établies à partir de considérations très générales […] La lame supérieure est donc un ensemble de généralités exigeant une détermination spécifique. Cette détermination est opérée par la lame inférieure, qui consiste en l'établissement d'hypothèses, de mesures précises, de corrélations empiriques, de déductions de leurs implications, d'expériences visant à vérifier les conclusions déduites, de révisions des hypothèses, et ainsi de suite da capo. » (I, 591-592) « la méthode statistique est venue compléter la méthode classique, et ces deux méthodes peuvent être complétées par la méthode génétique et la méthode dialectique […] De même qu'il y a un développement dans les structures heuristiques, il y a un développement dans la métaphysique explicite. » (I, 749) « La systématisation, septième fonction constituante de la théologie, cherche à offrir une compréhension des réalités déjà déterminées dans le cadre des doctrines. » (PMT, 377) « La systématisation ne vise pas à accroître la certitude, mais à promouvoir la compréhension. Elle ne cherche pas à établir les faits; elle s'efforce d'entrevoir comment il se peut que les faits soient ce qu'ils sont. Sa tâche est de rassembler les faits, établis dans les doctrines, et d'essayer de les intégrer en un tout assimilable. » (PMT, 378) « Si la systématisation vise à une compréhension, elle doit se présenter en un tout unifié et non en deux parties séparées qui tendent à négliger la primauté de la conversion et à exagérer l'importance de la preuve. » (PMT, 382) « un troisième aspect du bien, c'est-à-dire la valeur […] qui émerge au niveau de la réflexion et du jugement, de la délibération et du choix. » (I, 611) « la valeur est le bien en tant qu'objet possible d'un choix rationnel […] Les valeurs sont vraies dans la mesure où le choix possible est rationnel, tandis qu'elles sont fausses dans la mesure où la possibilité du choix résulte d'une fuite de la conscience de soi, ou d'une rationalisation, ou encore de la dérobade morale. Les valeurs sont terminales puisqu'elles sont objet de choix possibles, mais elles sont originaires puisque, de façon directe et explicite, ou encore de façon indirecte et implicite, le fait qu'elles sont choisies modifie notre vouloir habituel, notre orientation effective dans l'univers et, donc, notre contribution au processus dialectique du progrès et du déclin. Enfin, les valeurs sont effectives, ou émergentes, ou prospectives, selon qu'elles sont déjà réalisées, ou en voie de réalisation, ou que leur réalisation est simplement envisagée. » (I, 615) « Les valeurs terminales sont les valeurs qu'on a choisies; ce sont de vrais biens particuliers, un vrai bien qu'est l'organisation, une véritable échelle de préférences quant aux valeurs et aux satisfactions. Corrélativement aux valeurs terminales, il faut situer les valeurs originaires, qui opèrent des choix; ce sont les personnes authentiques, celles qui réussissent à se dépasser en faisant des choix judicieux. » (PMT, 67) « La notion de valeur est une notion transcendantale […] Les notions transcendantales constituent le dynamisme de l'intentionnalité consciente. Elles font passer le sujet des niveaux inférieurs aux niveaux supérieurs de la conscience, du plan expérientiel au plan intellectuel, de l'intellectuel au rationnel, du rationnel à l'existentiel. » (PMT, 49) « À mi-chemin entre le jugement de réalité et le jugement de valeur se trouve la perception de la valeur. Cette perception se produit dans les sentiments […] La perception de la valeur se produit […] dans une catégorie supérieure de réponse intentionnelle qui accueille soit la valeur ontique d'une personne, soit la valeur qualitative d'une beauté, d'une compréhension, d'une vérité, d'actions nobles et vertueuses, de grandes réalisations. » (PMT, 52-53) « Les jugements de valeur diffèrent des jugements de réalité quant au
contenu mais non quant à la structure […] Le jugement de valeur renferme donc
trois composantes : d'abord la connaissance de la réalité, en particulier de
la réalité humaine; ensuite des réponses intentionnelles aux valeurs; et
troisièmement l'élan initial vers le dépassement de soi d'ordre moral qui
constitue le jugement de valeur lui-même. » (PMT, 52-53)
|
© 2001-2007 Pierrot
Lambert | dernière mise à jour le 1er septembre 2007
créé en collaboration avec J.
Gaudet Services