Chapitre deuxième: le contexte religieux

Nous avons limité jusqu'ici notre réflexion à la dimension proprement humaine de l'homme, à ce qu'on appelle traditionnellement la nature. Il faut maintenant centrer notre attention sur la dimension religieuse de l'homme, ce qu'on appelle traditionnellement la surnature ou la grâce. Formulons ainsi la question qui commande ce chapitre: en quoi consiste l'élément ou le facteur spécifiquement religieux ou surnaturel qui vient s'insérer dans la nature humaine pour la transformer? Afin de répondre à cette question, nous suggérons une piste: être attentif aux textes scripturaires qu'utilise Lonergan et à l'interprétation qu'il en donne. Car même si ce que nous cherchons pouvait se découvrir au sein d'une analyse du phénomène religieux1, il nous est présenté par Lonergan à l'intérieur de l'interprétation chrétienne. Cette piste nous conduit principalement à deux textes du Nouveau Testament, le chapitre cinq, verset cinq, de l'épître de s. Paul aux Romains ainsi que la première épître à Timothée, chapitre deux, verset quatre.

1- Romains 5,5

Pour qui a fréquenté quelque peu les écrits récents de Lonergan, en particulier Method in Theology, il ne fait aucun doute que le texte scripturaire le plus important tant du point de vue de la fréquence avec laquelle il est cité que du rôle qu'il joue dans l'explicitation de l'expérience religieuse, c'est celui de l'épître de s. Paul aux Romains, chapitre cinq, verset cinq: "...l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous fut donné". Quel sens prend ce verset chez Lonergan? La première mention que nous en avons se trouve dans un exposé donné en 1968 pour le Catholic Theological Society of America et reproduit dans A Second Collection sous le titre de Natural Knwoledge of God2:

Que désigne finalement la religion sinon un dépassement de soi complet. Il s'agit de l'amour que Dieu répand dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous fut donné (Rm 5,5). C'est l'amour qui est en Jésus Christ et que s. Paul décrit en ces mots: "Oui, j'en ai l'assurance: ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur" (Rm 8, 38s). Cet amour ne se réfère pas à tel ou tel acte d'amour mais à un être-en-amour radical, à un premier principe qui est source de nos pensées, de nos paroles, de nos actions et de nos omissions, un principe qui nous écarte du péché et nous pousse à la prière comme à la pénitence, un principe qui peut devenir toujours davantage ce qui domine d'une manière discrète mais passionnée toute notre vie.3

Analysons le sens donné au verset de s. Paul dans ce contexte. Nous remarquons tout d'abord que l'accent porte sur le don de l'amour de Dieu. Ceci suscite une question: dans l'expression amour de Dieu, le mot Dieu est-il pris comme sujet ou comme objet? S'agit-il de la manifestation de l'amour de Dieu pour nous ou bien de l'amour qui a Dieu pour objet? Si nous considérons les diverses utilisations qu'en fait Lonergan, nous nous retrouvons avec des indices contradictoires: d'une part, lorsqu'il veut résumer ce verset paulinien, il emploie l'expression God's love (l'amour de Dieu pour nous)4; d'autre part, ce verset se trouve très souvent dans le contexte où l'amour de Dieu est mis en parallèle avec l'amour du conjoint et des enfants ainsi qu'avec l'amour de la communauté humaine, de telle sorte qu'il désigne un amour qui a Dieu pour objet. Prenons comme exemple ce passage:

Le fait d'être en amour avec Dieu existe. S. Paul a parlé de cet amour lorsqu'il écrivait aux Romains: "L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit de Dieu qui nous fut donné (Rm 5,5).5

Comment concilier ces deux aspects de l'amour de Dieu? Il nous semble que Lonergan désigne ici l'amour qui habite Dieu. Or l'amour qui habite Dieu vient de Lui et retourne à Lui, en ce sens qu'il a Dieu pour origine et Dieu pour terme. Et dans la mesure où il est donné à l'homme en partage, il conserve ses traits propres: il est dans l'homme un principe d'origine divine et orienté vers Dieu, et c'est ainsi que l'homme est capable d'aimer Dieu. L'amour de Dieu pour nous consiste donc à nous faire partager ce qu'on peut appeler sa vie divine, ou son être, ou sa nature, mais que Lonergan désigne par un seul mot, amour; cet amour a Dieu pour origine et Dieu pour objet. Ceci nous aide à comprendre pourquoi Lonergan parle presque indistinctement de being in love with God (être en amour avec Dieu) et de God's love (l'amour de Dieu pour nous) en référence à l'amour de Dieu. Un passage l'illustre bien:

La racine et le terrain réels de l'unité consistent plutôt dans le fait d'être en amour avec Dieu (being in love with God) - le fait que l'amour de Dieu (God's love) a été répandu dans le plus intime de nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné (Rm 5,5).6

En deuxième lieu, cet amour est un don gratuit. À plusieurs reprises on retrouve l'expression amour de Dieu précédée explicitement du mot don7. Ceci signifie que l'amour de Dieu ne relève pas de la nature humaine et n'est pas inné; il relève de l'initiative de Dieu, car rien ne l'obligeait à agir ainsi envers l'homme.

En troisième lieu, cet amour a été répandu dans nos coeurs. Lonergan y voit le caractère immanent de l'amour de Dieu; celui-ci devient un principe intérieur:

Tout en étant transcendante, la réalité divine est également immanente dans le coeur des hommes. Selon s. Paul, notre corps est le temple de l'Esprit Saint; selon le Coran, Dieu est plus près de nous que notre pouls; selon s. Augustin, Il nous est plus présent que nous à nous-mêmes; selon la mystique de l'Inde ancien, l'homme ne fait qu'un avec Brahma.8

Lorsqu'il est donné, l'amour de Dieu n'agit pas comme de l'extérieur mais comme de l'intérieur. Il transforme l'être de l'homme en un être-en-amour, si bien qu'il existe chez l'homme "une capacité d'être saint, une capacité d'aimer qui, si on se réfère à son immédiateté, l'oriente non pas vers la figure passagère de ce monde mais vers une réalité mystérieuse, immanente et transcendante, que nous appelons Dieu"9; cette capacité se trouve vraiment dans l'homme tout en étant l'oeuvre de Dieu. Pour désigner cet être-en-amour, Lonergan utilise souvent l'expression état dynamique d'être en amour avec Dieu10. Il s'agit d'un état, car nous sommes en face non pas d'actions précises mais de ce qui est à la source des actions; nous sommes en face d'un être, et donc d'une puissance déterminée. Mais il s'agit d'un état dynamique, car cette puissance est active, elle engendre une série d'actes:

Il existe une différence profonde entre des actes particuliers d'amour et l'état dynamique auquel nous nous référons lorsque nous parlons du fait de se mettre à aimer ou d'être en amour. Cet état dynamique, même s'il a ses causes, ses conditions et ses occasions, n'en demeure pas moins, une fois qu'il a pris naissance et aussi longtemps qu'il dure, un premier principe dans la vie d'un individu. Il est la source ou l'origine qui anime et colore les pensées et les sentiments, les espoirs et les craintes, les joies et les peines.11

Enfin, le lieu où se situe l'action de ce premier principe, le lieu où est répandu l'amour de Dieu, c'est le coeur. Nous avons déjà eu l'occasion d'établir que, pour Lonergan, le coeur se réfère au sujet existentiel ou sujet responsable, le niveau des sentiments qui sont des réponses intentionnelles aux valeurs et des opérations commandées par la notion transcendantale de valeur.

En quatrième lieu, le don de l'amour de Dieu se fait par la médiation de l'Esprit-Saint. Il semble que, pour Lonergan, le Saint Esprit s'identifie à l'amour de Dieu de telle sorte que, donner le Saint-Esprit, c'est donner l'amour de Dieu. Cette affirmation se comprend très bien dans le contexte de la théorie trinitaire de s. Thomas d'Aquin.12

En cinquième lieu, Lonergan identifie cet amour de Dieu à l'amour qui est dans le Christ. Comment comprendre ce "dans le Christ"? S'agit-il de l'amour que le Christ a manifesté en notre faveur ou bien de l'amour animant la vie du Christ et ayant Dieu pour objet?13 A ce propos un texte de Collection peut nous éclairer:

De même que le Christ ne s'est pas servi de son humanité comme d'un moyen pour atteindre une fin, car il possédait la fin, la vision de Dieu, et son amour pour nous provenait d'une surabondance d'amour, ainsi ceux qui sont unis au Christ participent à sa charité: ils aiment Dieu super omnia et peuvent alors aimer leur prochain comme eux-mêmes; ils ont part à cette charité, car ils sont les temples de l'Esprit du Christ, les membres de son corps, les enfants adoptifs de ce Père que le Christ pouvait appeler Abba.14

Ceux qui sont unis au Christ, nous dit Lonergan, participent à la charité qui était dans le Christ, parce qu'ils sont les temples de l'Esprit Saint. L'amour de Dieu dans le Christ se réfère donc à l'Esprit qui animait la vie du Christ et auquel a part le chrétien. Mais cette interprétation ne s'oppose nullement à celle voulant qu'il s'agisse de l'amour que le Christ a manifesté pour nous: c'est le même Esprit qui conduisait le Christ, suscitait son amour pour le Père et pour tous les hommes, et c'est encore cet Esprit qui est donné aux hommes avec la glorification du Christ.

L'amour de Dieu, qui est l'oeuvre de l'Esprit Saint en nous, constitue donc l'élément divin ou le facteur spécifiquement surnaturel qui vient s'insérer dans la nature humaine pour la transformer. Mais nous pouvons immédiatement poser la question: en quoi cet amour a-t-il un caractère surnaturel? En effet il n'y a pas une réalité plus naturelle et plus humaine que l'amour. De plus, dire que l'amour de Dieu est surnaturel, parce qu'il est l'oeuvre de l'Esprit ou parce qu'il a Dieu pour objet, ne nous avance pas beaucoup, car cela ne nous dit pas quels sont les traits de cet amour dont l'Esprit est à l'origine et dont Dieu est l'objet. Il nous semble donc important de nous demander: qu'est-ce qui distingue l'amour divin de l'amour humain? A ce sujet la réponse de Lonergan est très claire:

Le fait d'être en amour avec Dieu, tel qu'on l'expérimente, signifie qu'on aime sans aucune restriction. Tout amour comporte un abandon de soi, mais l'amour qui habite celui qui aime Dieu n'a ni limite, ni restriction, ni condition, ni réserve. Il se vit de tout son coeur et de toute son âme, de tout son esprit et de toutes ses forces.15

L'amour humain et l'amour divin représentent tous deux un mouvement affectif vers celui avec lequel on veut s'unir et dont on cherche le bien. Mais le premier se révèle un amour limité commandant un abandon limité, tandis que le second est un amour illimité commandant un abandon sans réserve et total: celui-ci est à la mesure de la connaissance qu'a Dieu de lui-même et du regard qu'il porte sur le monde16.

Dire que l'amour de Dieu constitue le facteur spécifiquement surnaturel qui vient s'insérer dans la nature humaine pour la transformer suscite une autre question: quel est le rapport entre cet amour et ce qu'on appelle traditionnellement la grâce, et plus particulièrement la grâce sanctifiante? En effet, dans la théologie traditionnelle, l'élément spécifiquement surnaturel qui transforme la nature, c'est la grâce. Lonergan aborde à quelques reprises ce sujet. Contentons-nous d'un texte qui peut résumer sa pensée:

Ce don que nous venons de décrire est en réalité la grâce sanctifiante, mais il s'en distingue au plan des notions. La différence notionnelle vient du fait qu'il existe différentes phases dans la signification. Parler de grâce sanctifiante relève de cette phase de la signification où les mondes de la théorie et du sens commun sont distincts sans encore avoir été explicitement distingués du monde de l'intériorité ni fondés en lui. Parler de l'état dynamique d'être en amour avec Dieu appartient à l'étape de la signification où le monde de l'intériorité est devenu le fondement explicite du monde de la théorie et de celui du sens commun. Ainsi donc, à cette étape de la signification, le don de l'amour de Dieu se présente d'abord comme une expérience, et c'est ensuite seulement qu'il s'objective dans des catégories théoriques.

Notons enfin que cet état dynamique est en lui-même la grâce opérante; mais ce même état, en étant que principe d'actes d'amour, d'espérance, de foi, de repentir etc., c'est la grâce coopérante.17

Il n'existe donc pas de différence réelle entre l'amour de Dieu en nous et la grâce sanctifiante: ces deux expressions se référent à la même réalité. Cependant Lonergan fait remarquer que, s'il n'existe pas de différence réelle entre ces deux significations, il existe néanmoins une différence notionnelle. Qu'est-ce à dire? Nous avons eu l'occasion de voir que toute affirmation se situe dans un contexte, et c'est ce contexte qui lui donne sa signification véritable. Or parler de grâce sanctifiante et parler d'amour de Dieu, c'est se référer au même objet mais à l'intérieur de deux contextes différents. Par contextes différents, Lonergan entend les diverses phases de la signification. Il serait trop long de présenter de manière satisfaisante ce que sont ces phases de la signification18. Mentionnons simplement qu'il existe pour Lonergan quatre domaines de la signification. Le premier porte le nom de domaine du sens commun: c'est dans ce domaine que se situe le langage ordinaire, le langage des images et des symboles; c'est dans ce domaine que nous sommes préoccupés par les problèmes pratiques de tous les jours et essayons de les résoudre, que nous décrivons les choses telles qu'elles apparais-ssent par rapport à nous. Le deuxième porte le nom de domaine de la théorie: c'est dans ce domaine que se situe le langage technique comme celui qu'on trouve dans les diverses sciences; c'est dans ce domaine qu'une personne se préoccupe d'expliquer le mieux possible les phénomenes, montrant les relations intelligibles qui existent entre eux et les intégrant à l'intérieur d'un système cohérent. Le troisième porte le nom de domaine de l'intériorité: c'est dans ce domaine que se situe le langage psychologique utilisé par Lonergan; ce domaine prend son point de départ, non pas dans les données des sens comme on le remarque dans les diverses sciences modernes, mais dans les données de la conscience; on y essaie d'analyser et de comprendre le dynamisme de l'esprit, de répérer ses éléments fondamentaux ainsi que leur relations dynamiques, d'établir par là la source a priori et universelle de toute connaissance et de toute action. Enfin le quatrième porte le nom de domaine de la transcendance: c'est dans ce domaine que se situe l'expérience religieuse, l'amour qu'il répand dans notre coeur par l'Esprit Saint. Or Lonergan se sert de ces quatre domaines non seulement pour désigner quatre contextes dans lesquels peut se situer aujourd'hui une affirmation, mais également pour établir les phases de l'histoire de la pensée humaine. Ainsi la première phase de cette histoire se situe uniquement dans le domaine du sens commun et se réfère à toute cette période allant des débuts de l'humanité jusqu'à l'apparition des philosophes grecs. La deuxième phase apparaît principalement avec des philosophes comme Platon et Aristote, avec la naissance du langage technique et de la pensée systématique; on y trouve non seulement le domaine du sens commun mais également le domaine de la théorie. C'est à cette phase qu'appartiennent la théologie médiévale et la pensée de s. Thomas. Notons qu'avec l'apparition du domaine de la théorie le domaine du sens commun ne disparaît pas pour autant; il se produit plutôt ce que Lonergan appelle une différentiation de la conscience par laquelle les deux domaines coexistent tout en ayant leur rôle propre et leur langage propre19. La troisième phase voit le jour avec la philosophie moderne et le tournant anthropologique par lequel les données de la conscience deviennent le point de départ de la réflexion. S'il faut établir une ligne de démarcation, nous pouvons la poser en Descartes20. Ici encore, la nouvelle différentiation de la conscience n'a pas pour conséquence de rejeter le domaine du sens commun et celui de la théorie, mais d'apporter une triple spécialisation fondamentale de la pensée, de fournir trois contextes où peut se situer une affirmation. Quant au domaine de la transcendance, il ne constitue pas une phase particulière de l'histoire humaine, car il coïncide avec le don de l'amour de Dieu; dans la mesure où une personne accueille ce don, le domaine de la transcendance coexiste avec les domaines du sens commun, de la théorie et de l'intériorité. Or, nous dit Lonergan, l'expression grâce sanctifiante appartient au domaine de la théorie et à cette phase de l'humanité où coexistent le domaine du sens commun et celui de la théorie, mais où on n'a pas encore clairement distingué ces deux domaines à l'aide du domaine de l'intériorité, et où on n'a pas encore trouvé dans ce dernier leur fondement. C'est ainsi que s. Thomas parle du don de Dieu dans le contexte théorique où la métaphysique occupe le rang de science première et où on présente l'homme en termes d'acte, de puissance, d'habitus, d'essence de l'ârne. Par contre, l'expression état dynamique d'être en amour avec Dieu appartient à cette phase où est survenue la troisième différentiation de la conscience et où existent les quatre domaines de la signification. Dès lors, continue Lonergan, il faut d'abord parler du don de Dieu en commençant par une description de l'expérience religieuse; l'objectivation de cette expérience en catégories théoriques représente une étape ultérieure. Enfin, si on veut poursuivre le parallèle entre le contexte métaphysique et le contexte de l'intériorité, on dira que la distinction entre grâce opérante (l'action de Dieu seul) et grâce coopérante (action conjuguée de Dieu et de la liberté humaine) devient avec Lonergan la distinction entre l'état dynamique lui-même, l'être-en-amour, et les actes qui originent de ce principe, i.e. les actes d'amour, d'espérance, de foi, de repentir, d'adoration etc.

Avant de quitter cette réflexion sur l'amour de Dieu, nous voulons poser une dernière question: l'interprétation donnée par Lonergan de Rm 5,5 et le rôle qu'il lui fait jouer correspond-elle à la pensée de s. Paul? Ayons donc recours à des exégètes.

Les travaux exégétiques sur ce verset ne sont pas très abondants. Il faut probablement y voir un signe que la pensée paulinienne ne soulève pas ici de difficultés majeures. On trouve néanmoins quelques points obscurs, en particulier l'expression amour de Dieu: faut-il entendre Dieu comme le sujet on comme l'objet de l'amour? De fait, au plan de l'analyse grammaticale du texte grec le génitif peut être le sujet ou le complément d'objet. Ceci explique pourquoi, dans l'histoire des commentaires exégétiques, certains ont traduit ce verset de l'épitre aux Romains par l'amour de Dieu à notre égard et d'autres par notre amour pour Dieu. W. S. Plumer nous fait la liste de ceux qui ont opté pour l'une ou l'autre inteprétation: dans le premier camp on trouve des noms comme Chrysostome, Ambroise, Luther, Calvin, Cajetan, et dans le deuxième des noms comme Théodoret, Augustin, Anselme21. La majorité des exégetes modernes s'entendent pour trancher la question en faveur de la première inteprétation, i.e. Dieu comme sujet22. Et la raison invoquée est fort simple: le contexte, en particulier les versets 6 à 8, se réfèrent exclusivement aux preuves de Dieu de son amour. Aussi un C.K. Barret affirme que "ce que Paul voulait dire aurait été exprimé avec plus de clarté s'il avait écrit: l'Esprit a été répandu dans nos coeurs, et dès lors l'amour de Dieu pour nous est devenu pleinement opérant, à la fois en nous rendant conscient de sa présence, à la fois en nous transformant"23. Il s'agit donc de l'amour de Dieu pour nous. Mais nous remarquons qu'aussitôt après avoir apporté ces précisions, on s'empresse d'ajouter que cet amour transforme la personne; "il est l'acte de Dieu à notre égard, nous dit Bornkamm, mais en même temps sa force agissante en nous"24. De même, C. Spicq écrit:

D'une part, la charité est versée par Dieu; d'autre part, une faculté, une puissance est donnée (cf διτοται, 1 Co 12, 8), pour que l'homme la reçoive et la retienne, la fasse sienne, puisse l'éprouver et en vivre. L'amour de Dieu pour nous devient notre amour.25

Ainsi, en comparant l'interprétation de Lonergan et celle des exégetes modernes, nous remarquons d'abord une différence mineure: alors que ceux-ci mettent l'accent sur l'amour de Dieu pour nous, Lonergan insiste plutôt sur la nature amoureuse de Dieu qui nous est communiquée, nous transforme et nous rend capable d'aimer Dieu. Mais ces différences sont mineures, car on ne peut dissocier ces deux aspects: dans Rm 5,5 s. Paul se réfère d'abord à l'amour que Dieu manifeste à notre égard, mais il est également vrai pour lui que cet amour ne peut que nous transformer, qu'il prend la forme du don de l'Esprit, si bien que l'homme peut s 'écrier: Abba. L'utilisation faite par Lonergan de ce verset se justifie donc pleinement selon nous. Mais il y a plus. Nous savons que Lonergan se sert de Rm 5,5 pour définir l'expérience religieuse. Or il se trouve un exégete qui émet des considérations semblables, C. Spicq:

Dès lors, le justifié est assuré de posséder Dieu en lui-même; le possédant dans son amour, il sait que tous les dons du salut lui seront communiqués (Rm 8, 28.32). Il ne s'agit pas seulement, semble-t-il, d'une connaissance spéculative, mais d'une expérience religieuse. L'effusion de l'agapè étant un lien réel et vivant entre Dieu et le croyant, celui-ci peut en prendre une certaine conscience.26

De même, nous avons vu que Lonergan identifie le don de l'amour de Dieu avec la grâce sanctifiante. Encore ici, Spicq va dans le même sens: "δια πνεθματος αγιου, écrit-il, serait l'équivalent de ce que la théologie appelle la 'grâce sanctifiante' ou même la 'vertu' de charité"27.

1 Tm 2,4

En plus du verset cinq du cinquiène chapitre de l'épitre aux Romains, il existe une autre citation tirée de l'Ecriture que nous retrouvons avec moins de fréquence dans les écrits de Lonergan mais qui joue un rôle tout aussi important. Cette citation se réfère à la première épître à Timothée, chapitre deux, verset quatre: "... lui (Dieu notre Sauveur) qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité". Quelle signification Lonergan donne-t-il à ce verset et comment l'utilise-t-il? Sur ce point nous bénéficions de quelques textes, tel que celui-ci tiré de A Second Collection:

J'ai cité s. Paul et s. Augustin et j'ai utilisé des termes chrétiens, mais je ne l'ai pas fait avec l'intention d'exclure qui que ce soit, car la doctrine chrétienne n'affirme nullement que Dieu limite aux chrétiens le don de son amour. La première Epître à Timothée nous dit: Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité (1 Tm 2, 4). Cette affirmation a conduit plusieurs théologiens à conclure que, étant donné que la grâce est nécessaire au salut, la grâce suffisante au salut est donnée à tous les hommes. On peut inférer, je pense, que cette grâce inclut la grande grâce, le don de Dieu de son amour, à partir de la présentation faite par le professeur Heiler des sept recoupements entre les grandes religions.28

Pour Lonergan ce verset de l'épître à Timothée sert de tremplin à l'affirmation que Dieu veut le salut de tous les hommes. A partir de cette prémisse et en accord avec les théologiens d'aujourd'hui, on peut déduire que Dieu donne à tous les hommes la grâce suffisante et nécessaire au salut, car aucun homme ne peut se sauver par ses propres moyens. Cependant, un point demeure obscur: à quoi correspond cette grâce suffisante? Les théologiens, nous dit par ailleurs Lonergan, n'apportent habituellement pas de réponse à cette question29. Aussi entreprend-il de préciser cette grâce suffisante. A partir d'éléments glanés un peu partout, nous avons répéré quatre voies par lesquelles Lonergan arrive à identifier la grâce nécessaire avec le don de l'amour de Dieu. La première approche est plutôt théorique: "on peut difficilement supposer que la grâce serait suffisante si elle n'incluait pas le don d'aimer Dieu par dessus tout et d'aimer son prochain comme soi-même"30. La deuxième voie prend appui sur ce que dit s. Paul de l'amour dans l'épître aux Corinthiens: "selon le treizieme chapitre de la première épître aux Corinthiens, la charité est nécessaire au salut"31. La troisième voie est inductive, empirique et a recours aux observations d'un spécialiste des sciences des religions, Friedrich Heiler, comme nous l'avons remarqué dans le texte cité précédemment: "on peut inférer, je pense, que cette grâce inclut la grande grâce, le don de Dieu de son amour, à partir de la présentation faite par le professeur Heiler des sept recoupements entre les grandes religions"32. Remarquons que ces sept recoupements entre les grandes religions ne se réfèrent pas explicitement à l'amour, mais Lonergan affirme que Heiler "reconnaîtrait au moins un équivalent approximatif entre les sept recoupements et ce que j'ai dit sur le fait d'être en amour avec Dieu"33. Mais dans Method in Theology il entreprend de démontrer comment ces sept recoupements se réfèrent tous à un être-en-amour34. La quatrième voie prend appui sur la qualité de l'amour et sur sa force inhérente, et elle bénéficie d'un certain concensus dans les milieux théologique: "en outre, on admet communément que la charité est suffisante au salut"35. Ainsi Lonergan est-il en mesure d'affirmer que la grâce nécessaire et suffisante pour le salut c'est le don de l'amour de Dieu. En combinant le désir de Dieu de sauver tous les hommes et le fait que le don de son amour est nécessaire au salut, nous pouvons penser que, fort probablement, Dieu fait à tous le don de son Esprit Saint pour qu'il change le coeur de pierre en coeur de chair. Chez tout homme, dans la mesure où il y a un accueil de cet amour, on peut donc trouver une authentique expérience religieuse, la grâce sanctifiante. De même, à la base des grandes religions se trouve l'Esprit Saint. Nous voyons donc que Lonergan se sert de 1 Tm 2,4 pour définir l'élément commun à toute expérience religieuse, de telle sorte que ce dont parle Rm 5,5 peut s'appliquer à tout homme. Et c'est d'ailleurs ce qui justifie selon lui le dialogue oecuménique entre l'Eglise catholique et les diverses religions, entre l'Eglise catholique et ceux qui se disent athées; car tous partagent un élément saint, un amour qui sauve:

Ce pourrait être la grâce que Dieu offre à tous les hommes, qui sous-tend ce qui est valable dans les religions de l'humanité et qui nous permet de croire que ceux qui n'ont jamais entendu proclamer l'Évangile peuvent être sauvés. Ce pourrait être ce qui incite les simples fidèles à prier leur Père céleste dans le secret, même quand leurs appréhensions religieuses sont fautives. C'est cette grâce, enfin, qui justifie théologiquement le dialogue entre les catholiques et les autres chrétiens, les non-chrétiens et même les athées, qui peuvent aimer Dieu dans leur coeur sans le connaître avec leur esprit.36

Posons-nous maintenant la question: l'interprétation que fait Lonergan de 1 Tm 2, 4 et l'utilisation qu'il en fait respecte-t-il pensée de s. Paul? Les commentaires exégétiques sur ce verset n'abondent pas; l'interprétation de la pensée paulinienne ne semble pas poser ici problème. Quel est le contexte général de ce verset, ou si l'on veut, pourquoi s. Paul insiste-t-il sur ce salut offert à tous les hommes?37 J.N.D. Kelly nous donne cette réponse:

En affirmant la portée universelle de la volonté salvifique de Dieu, Paul était probablement conscient qu'il s'opposait (a) à la croyance juive selon laquelle Dieu voulait la destruction des pécheurs et le salut uniquement des hommes justes, et (b) à la théorie gnostique d'après laquelle le salut appartenait seulement à une élite spirituelle.38

S. Paul s'opposait ainsi tout autant à la limitation du salut aux hommes justes qu'à la limitation du salut aux "connaissants". Ce contexte diffère évidemment du nôtre, mais il permet toutefois un certain parallèle. De plus, il semble même que s. Paul ait envisagé la question du salut des païens, si l'on croit Spicq:

Sans doute, ces secours (l'Église, les sacrements de grâce et le pardon) sont surtout destinés aux croyants, mais les païens ne sont pas exclus; non seulement ils vont être immédiatement mentionnés (v. 7), mais ils semblent jouir d'une économie propre -sur laquelle l'Apôtre n'a pas à insister-, puisqu'il précise que Dieu est sauveur de tous les hommes, principalement des croyants (IV, 10), ou que la grâce sauve tous les hommes, mais n'éduque que les croyants (Tit. Il, 11-12).39

L'inteprétation et l'utilisation que fait Lonergan de 1 Tm 2, 4 respecte donc la pensée paulinienne. Car même si le contexte actuel diffère de celui que s. Paul, l'affirmation de 1 Tm 2, 4 peut s'y insérer pour continuer son refus de limiter le salut à un groupe particulier.

Identifier la grâce suffisante à l'amour et affirmer que c'est l'amour qui sauve posent des difficultés. Car on affirme communément que, pour s. Paul, c'est par la foi en Jésus Christ que l'homme est justifié40. Aussi certains ont reproché à Lonergan de ne pas respecter la pensée paulinienne sur ce point41. Qu'en penser? Notons immédiatement que l'insistance de Lonergan en ce qui concerne le salut ne porte pas sur les oeuvres, les actes de charité, mais sur ce qui est antérieur aux actes, sur l'être-en-amour, et cet être-en-amour est une transformation opérée par l'Esprit Saint. Ce point de vue suit les grandes lignes de la pensée paulinienne, comme en témoigne cette phrase tirée du Vocabulaire de théologie biblique: "Dieu les (les hommes) sauve par pure miséricorde, sans considérer leurs oeuvres (2 Tm 1, 9; Tt 3, 5), par grâce (Ép 2, 5.8), en leur donnant l'Esprit-Saint (2 Th 2, 13; Ép 1, 13; Tt 3,5s)."42 De plus, l'inteprétation que fait Lonergan de 1 C 13 - la charité est nécessaire au salut - peut trouver certains appuis exégétiques. Par exemple, dans un ouvrage consacré à l'étude de l'agapè, Spicq écrit:

On n'est plus surpris que la vie chrétienne ici-bas se définisse par la charité, puisque cette vie n'a de sens qu'en fonction de son terme: l'union à Dieu par l'amour filial et reconnaissant. Avant même le premier appel à la foi, Dieu propose à chaque homme un don qui lui permettra de faire bon accueil à sa vocation; ce don ne peut être que celui d'un amour, l'αγαπη αληθειας... εις το σωθηναι αυτους (Il Thess. ii, 10). Ceux-là seuls s'engageront sur la route du salut qui sont aptes à aimer, c'est-à-dire ont leur coeur bien disposé, prêt à se donner et à être fidèle, à adhérer à la vérité quelle qu'elle soit, sous quelque forme qu'elle se présente, et malgré ses exigences les plus coûteuses.43

D'après Spicq, il serait conforme à la pensée paulinienne de penser que c'est l'amour qui, étant antérieur à la foi, permet de faire bon accueil à sa vocation, tout comme c'est l'amour qui définit la vie chrétienne. Mais l'exégète va encore plus loin lorsqu'il écrit:

Une étude objective de l'αγαπη - qui manquait encore à l'époque de la Réforme - ne peut aboutir qu'à cette conclusion, bien exprimée par W. Lütgert: "Le jugement dernier, selon saint Paul, est un jugement selon les oeuvres, et non selon la foi... Le jugement selon les oeuvres est un jugement selon l'amour" (Die Liebe im Neuen Testament, Leipzig, 1905, p. 213).44

L'amour fournit donc le critère du jugement final, de telle sorte qu' "en vérité, c'est la charité qui sauve"45. Tout cela nous convainct que Lonergan respecte assez bien la pensée de s. Paul. D'une part, lorsqu'il parle de l'amour, il ne se réfère pas avant tout à des actes d'amour particuliers et encore moins à un effort de l'homme pour faire le bien, mais à un être-en-amour, qui est antérieur à tout acte d'amour et qui est l'oeuvre de l'Esprit Saint; il n'encourt nullement par là le reproche de s. Paul aux tenants du salut par l'observance de la loi. D'autre part, en accordant une place fondamentale à l'amour, Lonergan peut se réclamer à bon droit de s. Paul, en particulier de 1 C 13. Mais malgré cela, une telle position peut ne pas susciter l'unanimité dans les milieux exégétiques. Dans ce cas nous laissons le soin de conclure à Lonergan lui-même. En effet, à quelqu'un qui lui rétorquait que, selon s. Paul, c'est la foi qui sauve, il répondît:

Peut-être pour "Paul". C'est une question exégétique. Je ne faisait que suggérer une ligne de pensée. Je ne fait pas d'exégèse détaillée. Les théologiens s'entendent pour admettre qu'il y a chez Dieu une volonté antécédente de sauver tous les hommes, et en 1 Co 12, 3 Paul associe la foi en Jésus avec le don de l'Esprit et l'absence de l'Esprit avec le rejet de Jésus.46

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1 Voir Olivier Rabut, L'expérience religieuse fondamentale, Tournai, Casterman, 1969. Lonergan se fait à quelques reprises l'écho de ce livre. Voir Method..., p. 122 et 290.

2 A Second..., p. 117-133. Notons cependant que, si l'on fait exception du verset paulinien, Lonergan se réfère à cette même réalité bien avant cet article. Dans une conférence donnée en 1964, il affirme déjà que "l'amour de Dieu, être en amour avec Dieu, peut être l'objet d'une expérience aussi totale, aussi dominante, aussi irrésistible et aussi durable que celle de l'amour humain" (Collection, p. 250). Nous sommes ainsi portés à penser que l'utilisation de Rm 5,5 est venue ultérieurement à son explicitation de l'expérience religieuse et lui sert plus de texte justificatif que de point de départ.

3 A Second..., p. 129.

4 Voir Method..., p. 105, 282, 327, 340; voir également A Second..., p.171, 204, 260.

5 A Second..., p. 145. Voir aussi p. 153; Method..., p. 105, 278.

6 Method..., p. 327.

7 Voir A Second..., p. 153; Method..., p. 282, 327, 340.

8 A Second..., p. 150.

9 A Second..., p. 146.

10 Voir Method..., p. 33, 106, 107, 110, 115, 119, 120, 122, 240, 289, etc.

11 A Second..., p. 145.

12 Voir B. Lonergan, Verbum: Word and Idea in Aguinas, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1967, p. 201-204.

13 Notons que la Bible de Jérusalem et la TOB traduisent ce απο της αγαπης του θεου χριστω ιησου τω κυριω ημων par "l'amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur".

14 Collection, p. 249.

15 A Second..., p. 171.

16 Sur la relation entre le Verbe intérieur de Dieu et l'Amour, voir Verbum..., par exemple p. 98-101.

17 Method..., p 107.

18 Ibid., p. 81-99.

19 Même le plus grand des savants ne peut pas toujours être occupé à faire des recherches et doit à un moment ou l'autrese nourrir, voyager, entrer en relation avec des personnes, et ainsi fonctionner au plan pratique comme au plan théorique.

20 Voir Method..., p. 316.

21 W. S. Plumer, Commentary on Romans, Grand Rapids, Kregel Publications, 1971, p. 197-200.

22 Voir C.K. Barret, The Epistle to the Romans, London, Adam & Charles Black, 1962, p. 104-105; G. Bornkamm, Paul apôtre de Jésus-Christ, Genève, Labor et Fides, 1971, p. 297; C.H. Dodd, The Epistle of Paul to the Romans, London, Hoder and Stoughton, 1954, p. 74; F.-J. Leenhardt, L'Epître de s. Paul aux Romains, Neuchastel, Delachaux Niestlé, 1957, p. 79; R. Schnackenburg, L'existence chrétienne selon le Nouveau Testament, Bruges, Desclée de Brouwer, 1971, p. 233-234; C. Spicq, Agapè, t. 2, Paris, Gabalda, 1959, p. 175.

23 C.K. Barret, op. cit., p. 105.

24 G. Bornkamm, op. cit., p. 297.

25 C. Spicq, op. cit., p. 178.

26 C. Spicq, op. cit., p. 177.

27 C. Spicq, op. cit., p. 178.

28 A Second..., p. 155.

29 Ibid., p. 174.

30 Idem.

31 Philosophy of God..., p. 10.

32 A Second..., p. 155.

33 Ibid., p. 146.

34 Method..., p. 109.

35 Philosophy of God..., p. 10.

36 Method..., p. 278. Affirmer cette base commune à toute religion suscite généralement une série de questions qui peuvent se résumer à celle-ci: doit-on placer toutes les religions sur le même pied? Nous aurons l'occasion au cours de notre quatrième chapitre de chercher l'originalité du christianisme. Signalons néanmoins que pour Lonergan, les diverses traditions religieuses ne sont pas toutes à mettre sur le même pied; on trouve parmi elles une grande diversité. Dans son chapitre sur la religion dans Method in Theology Lonergan explique l'origine de cette diversité. Une phrase tirée de A Second Collection peut résumer sa position: "Je suis porté à interpréter ce qu'ont de positif les religions de l'humanité comme étant le fruit de l'Esprit, mais un fruit qui peut se diversifier selon les différents degrés de développement culturel et social, un fruit que l'homme peut dénaturer par son infidélité au dépassement de lui-même auquel il aspire" (p. 174).

37 A propos de ce verset C. Spicq fait remarquer: "Il (Dieu) veut le salut de tous les hommes. L'insistance des répétitions (v. 1; v.4; v.6; IV, 10; Tt 2, 11) est extraordinaire; on soupçonnait cette extension depuis Ez 18, 23; 33, 11; Rm 5, 18; 11, 32; 2 Co 5, 19; mais elle ne s' explique que par Jo 3, 16; 1 Jo 4, 10.14" (Saint Paul: les Épîtres pastorales, Paris, Gabalda, 1969, p. 364).

38 J.N.D. Kelly, The Pastoral Epistles, London, Adam & Charles Black, 1963, p. 62-63.

39 C. Spicq, op. cit., p. 366.

40 Voir le Vocabulaire de tbéologie biblique, col. 526.

41 Voir Philosophy of God..., p. 18-19.

42 Vocabulaire de théologie biblique, "Salut".

43 C. Spicq, Agapè, t. 2, p. 273-274.

44 C. Spicq, op. cit., p. 275, note 2.

45 Ibid., p. 275.

46 Philosophy of God..., p. 19.